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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 81

Le jeudi 17 novembre 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 17 novembre 2022

(Conformément à l’article 3-6(1) du Règlement, le Sénat a été rappelé pour se réunir à 13 heures le 17 novembre 2022 au lieu de 14 heures tel qu’ordonné antérieurement.)

La séance est ouverte à 13 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée nationale de l’enfant

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour saluer les enfants canadiens et rappeler que nous célébrerons la Journée nationale de l’enfant ce dimanche 20 novembre.

La Journée nationale de l’enfant souligne l’adoption, le 20 novembre 1989, par les Nations unies de la Convention relative aux droits de l’enfant. À titre de signataire de cette convention, le Canada s’est engagé à veiller à ce que tous les enfants puissent atteindre leur plein potentiel dans le respect de leurs droits.

Malheureusement, alors que nous nous apprêtons à célébrer la Journée nationale de l’enfant, le système de soins de santé pédiatriques est en crise. Les infections respiratoires ont atteint un niveau de crise dans les hôpitaux pédiatriques partout au Canada, entraînant l’annulation de chirurgies et la surcharge des salles d’urgence et forçant les unités de soins intensifs à fonctionner au‑delà de leur capacité. Dans ma province, l’Ontario, les urgences accueillent actuellement trois fois plus d’enfants de 5 à 17 ans affectés par des problèmes respiratoires, comparativement à la moyenne saisonnière. Parallèlement, les pharmacies sont aux prises avec une pénurie de médicaments pour soulager la douleur et la fièvre chez les enfants. Or, cette situation empêche de nombreux parents de soigner leurs enfants à la maison.

Les enfants sont notre avenir. Si nous les blessons, si nous permettons qu’ils soient blessés ou si nous ne réagissons pas à leur douleur, nous nous blessons nous-mêmes. Lors du déjeuner de la Journée nationale de l’enfant, que j’ai co-organisé mardi avec le sénateur Francis, j’ai demandé aux participants de célébrer sincèrement cette occasion. Une célébration sincère signifie un engagement à apporter des changements dont nos enfants ont besoin et à s’attaquer à leurs problèmes. Les dirigeants fédéraux, provinciaux et territoriaux doivent travailler ensemble pour le bien des enfants du Canada, non seulement dans ce dossier, mais dans tous les dossiers. Nos enfants ne devraient jamais servir de monnaie d’échange dans un différend touchant des questions de compétence.

Chers collègues, cette crise n’en est qu’une parmi d’autres qui met en évidence que nous avons besoin d’une stratégie pour les enfants du Canada. Elle n’est pas survenue du jour au lendemain. Les bons dirigeants repèrent et règlent les problèmes bien avant qu’ils ne deviennent critiques. Le meilleur cadeau que nous puissions faire aux enfants à l’occasion de la Journée nationale de l’enfant est de leur donner l’assurance que nous travaillerons ensemble pour leur bâtir un avenir meilleur.

Pour conclure, je tiens à inviter tous mes collègues et tout le personnel à une discussion de groupe qui aura lieu lundi après-midi et que j’ai organisée conjointement avec Santé des enfants Canada; elle portera sur la crise, ses origines et les mesures à prendre. Elle réunira des chefs de file en matière de pédiatrie de partout au pays et sera animée par André Picard, chroniqueur du Globe and Mail. Nous espérons que vous pourrez y assister. Merci, meegwetch.

Le décès de William (Bill) Saunders

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à William « Bill » Saunders, qui a servi dans la Marine royale britannique pendant la Deuxième Guerre mondiale et qui était un pilier de la filiale no 1 de la Légion royale canadienne, à St. John’s, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Après une longue vie de dévouement, Bill Saunders est décédé à l’âge de 101 ans.

Lorsqu’il avait 18 ans, Bill s’est joint à la marine, où il a servi de mai 1940 à juillet 1946. Il était artilleur à bord de navires durant la guerre, y compris lors de l’invasion alliée du jour J, en Normandie, et faisait partie du convoi quand les premiers navires alliés sont arrivés pour libérer Hong Kong en août 1945.

Bill a suivi les traces de son père, William Saunders, qui était membre du Royal Newfoundland Regiment durant la Première Guerre mondiale et a participé à la bataille de la Somme.

Bill s’est joint à la Légion royale canadienne, en 1949, et il a été son sergent d’armes jusqu’à l’âge de 98 ans. Membre le plus ancien de la filiale no 1 de la Légion, Bill était là-bas presque tous les jours et était toujours disposé à bavarder ou à donner des conseils. Ayant servi de mentor à beaucoup de jeunes hommes et femmes, Bill a laissé le souvenir d’un homme tranquille qui aimait lire et transmettre ses connaissances à autrui.

Tel que l’a dit Colin Patey, président de la filiale no 1 :

Si vous aviez besoin d’information, Bill était la personne à consulter parce qu’il avait tout vu ou fait, ou qu’il pouvait vous conseiller sur la voie à suivre.

Dans le cadre de son bénévolat, Bill a pris la défense des anciens combattants âgés qui avaient des besoins particuliers parce qu’ils étaient confinés chez eux, et il a joué un rôle déterminant pour introduire dans les écoles des programmes éducatifs sur le souvenir.

Sa photo est accrochée au mur près de l’entrée du salon de la filiale no 1 de la Légion à St. John’s. Ce sont Bill Saunders et les gens comme lui qui ont aidé à protéger nos libertés et le mode de vie dont nous jouissons aujourd’hui.

Bill a été précédé dans la mort par son épouse, Elizabeth Brenda. Ils ont été mariés pendant 69 ans. Sa communauté se souviendra de lui, ainsi que sa famille aimante : ses trois enfants dévoués, Denise, Diane et David; ses trois petits-enfants, Jennifer, Rhys et Stephanie; sa sœur, Jean Chafe; ses nièces et ses neveux. Sans oublier, bien sûr, toute une légion d’amis.

Des voix : Bravo!

Le décès de Joseph Hildebrand

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à Joseph Hildebrand, un soldat, un éleveur de bétail et un père de famille de la Saskatchewan qui a été tué en combattant pour la liberté en Ukraine.

Joseph est mort en aidant à récupérer des blessés près de la ville ukrainienne de Bakhmut, un point chaud des combats dans l’Est de l’Ukraine. Pour lui, cependant, ce n’était pas une mission ordinaire, et Joseph n’était pas non plus un soldat ordinaire. C’était un volontaire, un homme qui a choisi de son plein gré de partir à l’étranger et de se mettre en danger en se joignant au combat afin de rester fidèle à ses convictions et d’aider les autres.

Être soldat était la vocation de Joseph. Peu après l’école secondaire, il a servi deux fois en Afghanistan, où il a participé à des combats et à la formation des forces afghanes. À son retour, il a travaillé comme éleveur de bétail et a fondé une famille qu’il aimait tendrement. Joseph était un vrai garçon de la campagne. Il aimait son foyer, mais il a toujours été un soldat dans l’âme. C’est peut-être difficile à croire, mais Joseph n’en était pas à son premier effort pour servir outre-mer sur une base volontaire. Il s’était déjà donné beaucoup de mal pour se joindre à la bataille en Syrie lorsqu’un conflit y a éclaté il y a quelques années.

Aux dires des membres de sa famille, le désir de Joseph de servir dans les forces armées était « une démangeaison qu’il ne parvenait pas à gratter » en travaillant dans la vie civile. Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté, il s’est senti obligé de faire sa part. À ses yeux, il ne s’agissait pas d’un choix : il devait aller là-bas. Joseph savait qu’il faisait ce qui est juste en allant en Ukraine, et ce même s’il savait qu’il mettait sa vie en danger.

Comme les sénateurs le savent, même si le Canada a offert une aide militaire à l’Ukraine sous la forme de matériel et d’entraînement, notre pays n’a pas pris une part active aux combats. Pourtant, un petit groupe de courageux Canadiens ont décidé de se rendre là-bas, et Joseph en faisait partie. Son souvenir est un hommage à ceux qui ont donné leur vie dans la lutte incessante pour la liberté.

Joseph Hildebrand a vécu et est mort en servant autrui. Nous n’oublierons jamais son sacrifice. Nous sommes de tout cœur avec sa famille et ses amis dans cette période difficile. J’espère qu’ils trouveront un certain réconfort en sachant qu’il est un héros. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Raphaël Grenier-Benoit et d’Aldéa Landry. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Cormier.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1310)

[Traduction]

La sensibilisation à l’épilepsie

L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour attirer votre attention sur les efforts visant à accroître la sensibilisation à l’épilepsie, plus précisément sur l’épilepsie SLC13A5. Puisqu’un grand nombre d’entre vous ne connaît pas cette condition médicale, j’aimerais prendre l’occasion qui m’est donnée pour vous parler d’un pan récent de mon histoire familiale par rapport à cette maladie.

Le 4 juin 2021, ma famille et moi avons célébré avec joie la naissance de Rowan Cameron Black, mon quatrième petit-fils. Bien que Rowan soit né une semaine avant la date prévue d’accouchement, à l’hôpital général de Guelph, c’était un magnifique petit garçon. Malheureusement, nous avons vite constaté qu’il faisait de fréquentes et sérieuses convulsions. Les médecins nous ont ensuite annoncé qu’il présentait les premiers symptômes de l’épilepsie SLC13A5.

Nous ne savions pas alors qu’elle serait la suite des choses. Les médecins de l’Hôpital général de Guelph et de l’Hôpital pour enfants McMaster ont prodigué les meilleurs soins possible à Rowan et à ses parents, alors que ces derniers vivaient un grand stress et beaucoup d’incertitude.

Dans notre famille, c’était la première fois qu’il y avait des complications à la naissance d’un bébé et c’était notre premier contact avec l’épilepsie. Comme vous le savez sûrement, ce sont des situations avec lesquelles il est difficile de composer. En fait, selon l’Alliance canadienne de l’épilepsie, environ 260 000 Canadiens souffrent d’épilepsie. Le Canada compte présentement moins de cinq personnes, y compris Rowan, qui ont reçu le diagnostic officiel d’épilepsie SLC13A5, une maladie relativement nouvelle.

Bien que Rowan ait fait d’innombrables crises, il a également reçu d’excellents soins de la part des nombreux et remarquables professionnels de la santé qui se sont occupés de lui, ainsi que de la part d’organismes offrant des services de soutien à l’épilepsie, comme la fondation de recherche TESS, qui a été mise sur pied pour améliorer la vie des personnes atteintes d’épilepsie de type SLC13A5.

La fondation de recherche TESS, bien qu’elle se trouve aux États-Unis, œuvre à l’échelle mondiale pour soutenir les personnes ayant obtenu un diagnostic d’épilepsie de type SLC13A5, ainsi que leur famille. Certains d’entre vous ont peut-être remarqué le bracelet que je porte et qui désigne Rowan comme un superhéros TESS. Je suis fier de soutenir notre petit-fils de même que les efforts de la fondation pour sensibiliser le public à cette grave maladie neurologique.

Honorables collègues, des efforts de sensibilisation à l’épilepsie sont déployés tout au long de l’année dans le monde entier. Par exemple, il y a la Journée internationale de l’épilepsie au mois de février. Au Canada, nous célébrons le Mois de sensibilisation à l’épilepsie en mars avec la Journée lavande. Les États-Unis sensibilisent le public en novembre et le Royaume-Uni attire l’attention sur cette maladie en mai.

Cela dit, j’ai choisi de parler de l’épilepsie et plus particulièrement du type SLC13A5 cette semaine après que Rowan, plus tôt cette semaine, ait été transporté par ambulance aérienne à l’Hôpital Victoria de London, en Ontario, à la suite de sa plus récente crise, qui a duré 45 minutes. J’espère qu’en mars prochain, vous serez nombreux à porter la couleur lavande avec moi à l’occasion de la Journée lavande, qui souligne le Mois de sensibilisation à l’épilepsie au Canada.

Je tiens à remercier les équipes de l’Hôpital général de Guelph, de l’Hôpital pour enfants McMaster, de l’Hôpital communautaire Groves Memorial, de l’Hôpital Victoria, de la fondation de recherche TESS et du Manoir Ronald McDonald, qui continuent à servir et à soutenir les familles dans des collectivités au Canada et ailleurs. Je sais que d’innombrables familles leur en sont reconnaissantes, y compris la mienne.

Merci, meegwetch.

Les relations canado-cubaines

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour remercier l’Institut Macdonald-Laurier d’avoir accueilli, plus tôt cette semaine, un distingué panel d’invités pour discuter de la situation du Canada et de Cuba dans un monde où l’autoritarisme gagne du terrain. Je remercie aussi cet institut de m’avoir invité à prendre part à cette discussion.

Parmi les distingués invités se trouvait la militante prodémocratie Rosa María Paya, qui défend les droits de la personne et consacre sa vie à promouvoir une solidarité internationale à l’égard des Cubains et à demander justice pour son père, Oswaldo Paya, dont le nom vous est peut-être connu.

Rosa a fondé l’organisme Cuba Decide. D’autres défenseurs de la liberté et des droits de la personne se sont joints à elle, soit Michael Lima, Sarah Teich de l’Institut Macdonald-Laurier, le Dr Angel Omar Vento et Josefa Vento.

Pendant la discussion, nous avons parlé de la lutte pour la liberté, la dignité et les droits fondamentaux de la personne que mènent constamment les Cubains. Ils ont déjà souffert sous la coupe de plusieurs générations de dictateurs cruels qui ont piétiné les droits et libertés des citoyens, perpétré des actes de répression et de violence, commis des meurtres et emprisonné des gens. Les événements des dernières années ont mis plus que jamais en évidence la situation difficile des Cubains.

Nous avons aussi discuté des liens entre cette situation et la montée de l’autoritarisme à l’échelle mondiale, et de ce que des pays comme le Canada doivent faire pour juguler ce phénomène.

Même aujourd’hui, les appels lancés par les Canadiens d’origine cubaine épris de liberté pour que l’on appuie ceux qui mènent une lutte pacifique en faveur des droits de la personne et de la démocratie à Cuba continuent d’être ignorés par le gouvernement canadien, dont la politique à l’égard de Cuba est fondée sur le mutisme et — encore plus inquiétant — l’inaction.

Étant donné la nouvelle réalité que connaît le monde, il importe plus que jamais que le Canada prône la solidarité parmi les défendeurs de la démocratie à l’échelle internationale, étant donné l’expansion de plus en plus rapide des régimes autoritaires autour du globe.

Le monde entame une nouvelle ère qui exige une nouvelle réflexion stratégique pour redéfinir les relations internationales entre les démocraties et les autocraties. Le Canada ferait un pas notable dans cette direction en dénonçant l’illégitimité du régime cubain, dont le système et les représentants n’ont jamais été librement choisis par le peuple.

Au lieu d’accorder soutien et légitimité au même régime cubain qui justifie l’invasion de l’Ukraine en reprenant la propagande du Kremlin, le Canada devrait reconnaître l’opposition prodémocratie de Cuba comme un interlocuteur valable dans le cadre de nos relations avec l’île.

Longue vie à la démocratie. Merci.

Une voix : Bravo!

Daniel N. Paul, C.M., O.N.S.

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je prends la parole au nom de notre collègue, la sénatrice Wanda Thomas Bernard, qui ne pouvait pas être des nôtres aujourd’hui. Voici ce qu’elle avait à dire :

Je souhaite rendre hommage à une personne extraordinaire : l’aîné mi’kmaq Daniel Paul. Je connais Dan Paul depuis de nombreuses années. J’ai toujours admiré sa détermination à faire évoluer la société et le dévouement indéfectible dont il a fait preuve pour que les Mi’kmaqs obtiennent justice.

Daniel Paul a contribué de façon importante à enrichir notre savoir collectif sur l’histoire des Mi’kmaqs et à démanteler le colonialisme en Nouvelle-Écosse. Son livre, Ce n’était pas nous les sauvages, est une lecture essentielle pour tous les Néo-Écossais. Comme il le disait, « c’est notre histoire ». Les efforts qu’il a déployés pour rendre la société plus juste ont profité à tous les Néo-Écossais, y compris ceux d’ascendance africaine.

Dan Paul a milité pour une réévaluation cruciale du rôle qu’a joué le fondateur d’Halifax, Edward Cornwallis, figure célébrée en Nouvelle-Écosse. M. Paul a milité pendant longtemps pour que le public soit conscient des gestes violents qui ont été posés par Cornwallis, qui a notamment publié la Proclamation de la scalpation et pris part à un génocide culturel.

La statue de Cornwallis, au centre-ville d’Halifax, a enfin été retirée en 2018, et c’est une victoire que j’attribuerai toujours en grande partie aux efforts de sensibilisation que M. Paul mène depuis plus de 30 ans.

Lorsque j’étais professeure de travail social à l’Université Dalhousie, j’ai régulièrement invité M. Paul à s’adresser aux étudiants dans mes classes. Dan Paul a milité pour que les contributions des peuples autochtones soient reconnues en Nouvelle-Écosse. Aujourd’hui, j’invite les Canadiens à en apprendre davantage sur ses contributions au changement social.

Il a laissé sa marque et il continue d’être une source d’inspiration pour de nombreux étudiants en travail social qui ont eu le privilège d’apprendre en lisant la quatrième édition de son livre.

Daniel Paul, je remercie l’aîné que vous êtes de tout ce que vous avez fait pour la Nouvelle-Écosse. Votre engagement envers le changement social est admirable et continuera à m’inspirer pendant de nombreuses années.

Asante, wela’lin, merci.


AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2022-2023.

[Français]

La justice

L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi S-11—Dépôt de document

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi S-11, Loi n° 4 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).

Projet de loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada

Projet de loi modificatif—Dépôt du premier rapport du Comité des langues officielles sur la teneur du projet de loi

L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le premier rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, qui porte sur la teneur du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles, édictant la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale et apportant des modifications connexes à d’autres lois. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Cormier, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1320)

[Traduction]

Le Budget des dépenses de 2022-2023

Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des finances nationales à étudier le Budget supplémentaire des dépenses (B)

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2023;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

L’intégrité des élections

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, ma question d’aujourd’hui portera sur ce que je vous ai demandé mardi, à savoir la question de l’ingérence étrangère dans notre démocratie, comme l’ont confirmé les informations selon lesquelles le premier ministre avait été informé en janvier qu’il y avait eu, en fait, une ingérence de Pékin dans l’élection fédérale de 2019. Je veux en particulier vous interroger sur une ambivalence profonde de l’approche politique de votre gouvernement.

D’une part, votre gouvernement fait preuve d’une inaction totale sur la question de l’ingérence étrangère. D’autre part, votre gouvernement a clamé haut et fort que l’ingérence étrangère justifiait le recours à la Loi sur les mesures d’urgence plus tôt cette année, même si le Service canadien du renseignement de sécurité a clairement informé le gouvernement que le « convoi pour la liberté » ne représentait pas une menace pour la sécurité nationale et qu’il n’était pas soutenu par l’ingérence d’un État étranger. Sénateur Gold, vous comprendrez aisément la confusion qui en résulte.

Pouvez-vous clarifier quels sont les critères utilisés par le gouvernement pour juger si une ingérence étrangère constitue une menace pour la sécurité nationale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

En ce qui concerne le recours à la Loi sur les mesures d’urgence, ce dossier fait présentement, comme il se doit, l’objet d’un examen dans le cadre d’un processus dirigé par le juge Rouleau. Je suis convaincu que ce dernier prendra la bonne décision en fonction de tous les témoignages qui lui sont fournis.

Pour répondre à la question concernant l’ingérence de la Chine et d’autres États dans nos institutions démocratiques et nos élections, le gouvernement demeure d’avis qu’il s’agit d’une affaire grave et inacceptable. Il prend des mesures afin d’enquêter sur tous les aspects du dossier et continuera dans cette voie afin de protéger l’intérêt des Canadiens.

Le sénateur Plett : De toute évidence, je ne vous ai pas demandé votre avis sur le convoi. Je vous ai demandé quels sont les critères qui guident le gouvernement. Cela n’a rien à voir avec l’enquête ou la décision du juge Rouleau. Je veux savoir sur quels critères le gouvernement fonde ses décisions.

Sénateur Gold, soyons clairs : les deux situations que je viens de décrire ne donnent pas aux Canadiens une définition nette de ce que le gouvernement considère être un risque ou une priorité. Qu’a fait le gouvernement lorsqu’on l’a informé que le régime communiste chinois menait une campagne sophistiquée en vue de corrompre la démocratie canadienne? Cette affaire a-t-elle été renvoyée à Élections Canada?

Le sénateur Gold : Merci de votre question.

Le gouvernement a pris et prend encore ces allégations au sérieux. Une enquête est menée en bonne et due forme à leur sujet, comme cela se fait dans les gouvernements démocratiques et responsables.

En ce qui concerne votre question au sujet de la norme, comme je l’ai déjà expliqué à plusieurs reprises au Sénat, la décision du gouvernement d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence reposait sur différentes considérations et différents avis provenant de sources variées. Toutes ces questions sont étudiées de façon ouverte dans l’enquête menée par le juge Rouleau.

Les services aux Autochtones

La protection des enfants autochtones

L’honorable Elizabeth Marshall : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, en juillet dernier, le gouvernement et l’Assemblée des Premières Nations sont arrivés à une entente de principe au sujet des compensations à verser aux enfants et aux familles des Premières Nations qui ont subi des torts au sein du système de protection de l’enfance dans les réserves. Afin de soutenir cette entente, le projet de loi de crédits adopté en juin prévoyait 20 milliards de dollars pour Services Canada afin que les compensations soient versées aux enfants et aux familles. Or, le mois dernier, le Tribunal canadien des droits de la personne n’a pas approuvé l’entente de principe, alors que le gouvernement a approuvé les 20 milliards de dollars.

Ma question concerne ces 20 milliards de dollars. C’est une somme importante. Elle est inscrite dans le cadre financier. Au point où nous en sommes dans l’exercice — qui se termine dans quatre mois —, il est peu probable que cette somme soit dépensée. Si elle ne l’est pas, elle pourrait servir à réduire le déficit.

Ce qui m’inquiète, c’est que le gouvernement décide de réaffecter cette somme et de la dépenser. Comme l’entente de principe n’a pas été approuvée, que compte faire le gouvernement de ces 20 milliards de dollars?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Le gouvernement s’est engagé à affecter ces 20 milliards de dollars à la réforme à long terme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et à collaborer, dans le cadre du principe de Jordan, avec l’Assemblée des Premières Nations et d’autres partenaires à cette fin.

Le gouvernement est déçu de la décision du Tribunal canadien des droits de la personne. Bien qu’il reconnaisse l’importance et la portée de cet accord historique de 20 milliards de dollars, cette décision est fondamentalement décevante pour les membres et les partenaires des Premières Nations qui cherchent impatiemment à obtenir le dédommagement auquel ils ont droit. Le gouvernement collabore avec eux pour atteindre cet objectif.

La sénatrice Marshall : Pourriez-vous nous donner plus de détails sur la façon dont le gouvernement s’y prend? En effet, ces 20 milliards de dollars ne seront probablement pas dépensés cette année. Travaille-t-on là-dessus en ce moment ou ces fonds ont-ils été réservés pour le prochain exercice? J’aimerais savoir exactement où on en est, car il semble que l’on soit de retour à la case départ. Pourriez-vous nous faire une mise à jour supplémentaire?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Il s’agit d’une initiative importante sur laquelle le gouvernement travaille depuis longtemps avec ses partenaires. Je ne pense pas qu’on soit de retour à la case départ. Le gouvernement continue de collaborer avec l’APN et l’avocat pour les recours Moushoom et Trout, et il est reconnaissant du travail qu’ils ont accompli jusqu’à présent. Il continuera de collaborer avec ces partenaires pour trouver une solution.

L’innovation, les sciences et le développement économique

Le Fonds stratégique pour l’innovation

L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, en novembre 2020, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement ciblé de 250 millions de dollars sur cinq ans pour soutenir les entreprises canadiennes innovantes et riches en propriété intellectuelle. Cet investissement devait être administré dans le cadre du Fonds stratégique pour l’innovation.

Comme vous vous en souvenez probablement, j’ai récemment exprimé des préoccupations au sujet des enjeux liés à la propriété intellectuelle au Canada. Par conséquent, vous ne serez pas étonné d’apprendre que j’appuie entièrement le but de cette initiative. Cependant, deux ans plus tard, un récent rapport publié sur le site de nouvelles The Logic révèle qu’aucun financement n’a encore été versé.

Sénateur Gold, quand les entreprises canadiennes commenceront-elles à toucher ce financement qui les inciterait à renforcer leur portefeuille de propriété intellectuelle, élément crucial pour soutenir la concurrence sur la scène mondiale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de faire mention de la Stratégie en matière de propriété intellectuelle, une initiative historique — une première en fait — présentée en 2018 et prévoyant des investissements de plus de 250 millions de dollars. Le budget de 2021 prévoyait un investissement de 90 millions de dollars pour la création du Programme de rehaussement de la propriété intellectuelle, qui vise à aider les accélérateurs et les incubateurs à permettre aux entreprises en démarrage d’accéder aux services d’experts en propriété intellectuelle. Le gouvernement met actuellement la touche finale à la structure de ce programme avec des accélérateurs d’entreprises de premier plan partout au Canada afin d’en assurer l’efficacité maximale.

De plus, le budget de 2021 prévoyait également un financement de 75 millions de dollars pour le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada, afin que celui-ci permette à ses entreprises clientes à forte croissance d’accéder aux services d’experts en propriété intellectuelle offerts dans le volet d’aide du programme. Je précise que de nombreuses entreprises bénéficient déjà d’une telle aide.

(1330)

En ce qui a trait aux échéanciers, monsieur le sénateur, je vais m’informer auprès du gouvernement et je communiquerai la réponse au Sénat dès que je l’aurai.

Le sénateur C. Deacon : Merci sénateur Gold. J’ai une autre question que vous pourriez peut-être poser au gouvernement. Il vient d’annoncer que Nokia recevra 40 millions de dollars dans le cadre du Fonds stratégique pour l’innovation. Cependant, la propriété intellectuelle générée par cet investissement appartiendra au siège social de Nokia en Finlande. Bien qu’il n’y ait aucune restriction imposée aux sociétés étrangères sur le transfert de la propriété intellectuelle, ce n’est pas le cas pour les sociétés canadiennes.

Sénateur Gold, pourquoi les exigences relatives au transfert de la propriété intellectuelle du Fonds stratégique pour l’innovation sont‑elles différentes pour les sociétés canadiennes que pour les sociétés étrangères? Ne s’inquiète-t-on pas que ces restrictions désavantageraient stratégiquement les sociétés canadiennes?

Le sénateur Gold : Merci. Je vais certainement ajouter cela aux questions que je poserai au gouvernement.

[Français]

La santé

Les investissements en faveur des équipements, de la recherche et de l’innovation

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, avant-hier, les parlementaires ont eu l’occasion de rencontrer des représentants de l’Association canadienne des radiologistes. Cette association voulait tirer la sonnette d’alarme sur l’état de vétusté de l’équipement d’imagerie médicale au Canada et sur le besoin d’investir de façon stratégique afin d’améliorer l’accès à l’imagerie médicale et, par conséquent, de favoriser un bon résultat pour les patients.

Selon l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, le nombre d’appareils de tomodensitométrie et de résonance magnétique est nettement inférieur à ce que l’on retrouve par habitant dans les pays de l’OCDE. En fait, le Canada accuse un retard important par rapport aux objectifs internationaux en la matière.

Le gouvernement du Canada écoutera-t-il cette demande d’intervention urgente et s’engagera-t-il à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’assurer que des investissements ciblés en matière de santé sont consacrés à l’amélioration des services d’imagerie médicale?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Depuis longtemps, le gouvernement travaille avec les provinces et les territoires, non seulement pour fournir un financement, mais aussi pour assurer une vision nationale des soins de santé qui répond aux besoins des Canadiennes et des Canadiens. Le gouvernement a fait des investissements importants pour soutenir les systèmes de santé, dont 72 milliards de dollars au cours de la pandémie, qui seront augmentés de 10 % en mars 2023 en plus de l’augmentation supplémentaire de 5 % annoncée il y a quelques mois. Le gouvernement s’est engagé à continuer à travailler avec ses homologues provinciaux et territoriaux, les organismes de réglementation, les travailleurs de la santé et les Canadiens pour définir et mettre en œuvre des stratégies qui visent à améliorer les soins de santé au Canada. On m’assure qu’un travail de collaboration est en cours pour trouver des solutions concrètes.

La sénatrice Mégie : Je vous remercie de ces informations. Cependant, je voulais vous rappeler également que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a fait une étude il y a quelques années concernant l’intelligence artificielle. Justement, des représentants de l’Association canadienne des radiologistes ont parlé du besoin de l’intelligence artificielle tant sous la forme opérationnelle que diagnostique pour aider les radiologistes à trier les cas urgents et à détecter les résultats fréquents en automatisant les mesures standards et les modèles de rapport.

Le gouvernement fédéral compte-t-il augmenter le pourcentage des dépenses au titre de la santé consacrées au projet novateur qui relie l’intelligence artificielle et la recherche en santé au moyen d’investissements dans les Instituts de recherche en santé du Canada spécifiques à l’intelligence artificielle?

Le sénateur Gold : Merci pour la question complémentaire. Le gouvernement continue de prioriser les investissements dans la science, la recherche et la collaboration dans de multiples secteurs afin de favoriser l’émergence de solutions novatrices dans les domaines prioritaires, dont les innovations en santé. Le gouvernement a d’ailleurs récemment annoncé des investissements au Conseil national de recherches du Canada afin qu’il contribue à la poursuite de plus de 60 projets de recherche sur l’innovation, y compris dans le domaine de la santé.

Parmi les projets qui reçoivent du financement, je note la BC Cancer Agency et le Centre de commercialisation en immunothérapie du cancer qui reçoivent respectivement 2 millions de dollars et 1 million de dollars pour mieux outiller les hôpitaux en ce qui concerne les technologies spécialisées. De même, l’Institut de recherche de l’Hôpital d’Ottawa reçoit 198 000 $ pour financer l’utilisation de l’intelligence artificielle et à l’université. Comme l’a souligné le ministre Champagne, et je cite :

Le soutien aux chercheurs et aux entreprises qui s’efforcent d’innover et de créer de nouvelles connaissances aux quatre coins du Canada est d’une importance vitale [...] Ensemble, nous pourrons accomplir davantage et créer des changements réels dans des domaines essentiels comme les soins de santé, la durabilité et la technologie.

[Traduction]

La pénurie de médicaments pour enfants

L’honorable Brian Francis : Ma question s’adresse au sénateur Gold. Sénateur Gold, j’ai lu un article troublant dans le Globe and Mail ce matin. Tanya Talaga, l’auteur de l’article, affirme qu’en septembre un pharmacien régional de l’Ontario qui travaille au sein de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits à Services aux Autochtones Canada a envoyé au personnel une note d’information l’avertissant de l’imminente pénurie d’analgésiques pour enfants et lui demandant de conserver les produits expirés. Les journalistes spécialistes de la santé du Globe and Mail n’ont trouvé ce genre de directives nulle part ailleurs au Canada. En outre, un autre ministère fédéral, Santé Canada, déconseille d’administrer des médicaments périmés aux enfants parce que cela pourrait ne pas être sûr ou efficace.

Sénateur Gold, je vous prie d’expliquer pourquoi il semble exister des normes de soins différentes pour les enfants autochtones de l’Ontario. Pourriez-vous nous dire aussi si la directive voulant que l’on conserve des médicaments pédiatriques périmés a été formulée pour un autre groupe au Canada.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Francis, de soulever cette question troublante. Je vais devoir me renseigner. Je fournirai une réponse dès que j’en obtiendrai une.

Le sénateur Francis : Sénateur Gold, le gouvernement a annoncé lundi avoir réservé un stock étranger supplémentaire d’acétaminophène pour enfants qui « sera mis en vente dans les pharmacies de détail et communautaires au cours des prochaines semaines ». Les parents qui vivent dans des zones urbaines ou suburbaines ont parcouru les pharmacies pour trouver ces analgésiques nécessaires à leurs enfants. En effet, nous connaissons en ce moment une crise des soins pédiatriques. Cependant, les familles des collectivités nordiques ou éloignées, où l’approvisionnement est limité, voire inexistant, ne peuvent tout simplement pas faire le tour de dizaines de magasins. Afin de s’assurer que les enfants des Premières Nations ont les mêmes chances de s’épanouir que les autres enfants, le Canada a l’obligation morale et légale de garantir la prestation durable de services de qualité.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire quelle proportion des stocks étrangers de médicaments pour enfants sera destinée aux membres et aux communautés des Premières Nations? J’aimerais obtenir une ventilation détaillée de ces stocks.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Je ferai le nécessaire pour obtenir une réponse à celle-ci et la transmettre à la Chambre.

Le Bureau du Conseil privé

L’Association canadienne des foires et expositions

L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Vous le savez peut-être, l’Association canadienne des foires et expositions, l’ACFE, tenait hier le Fair Day on the Hill sur la Colline. J’ai eu le plaisir de rencontrer les représentants de l’association hier après-midi et de discuter des défis auxquels doivent faire face les 743 foires et expositions et les organisations qu’ils représentent partout au Canada. Mes interlocuteurs m’ont dit que les ministères fédéraux ne cessent de se renvoyer la balle alors que l’organisation cherche à trouver un partenaire stable pour du soutien et du financement. Il s’agit d’un problème que j’ai soumis à de nombreux ministres fédéraux depuis que j’ai été nommé en 2018. Chaque fois, on me redirige et on me dit de me renseigner auprès d’un autre ministère.

En juillet 2021, j’ai de nouveau écrit aux ministres du Patrimoine, des Finances, du Développement économique rural et de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire pour les exhorter à collaborer afin de déterminer avec quel ministère l’ACFE devrait principalement faire affaire. Jusqu’à maintenant, il n’y a que la ministre Bibeau qui m’ait répondu.

Honorables sénateurs, les foires, les expositions et les bénévoles qui y travaillent sont des bâtisseurs communautaires. Il y a des foires depuis plus d’un siècle et elles jouent un rôle intégral dans le rapprochement des collectivités rurales, urbaines et agricoles. Il est incroyable qu’aucun ministère fédéral ne veuille les avoir au sein de son portefeuille pour les aider, alors qu’il s’agit d’événements patrimoniaux qui cimentent l’économie d’un nombre incalculable de collectivités rurales et agricoles.

Sénateur Gold, pouvez-vous me dire avec quel ministère l’Association canadienne des foires et expositions devrait travailler pour assurer la survie de ces foires et expositions pour les générations à venir?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Le gouvernement reconnaît l’importance des foires et des expositions ainsi que les contributions qu’elles apportent aux collectivités de partout au pays. Je suis conscient des difficultés auxquelles elles sont confrontées depuis les dernières années, particulièrement en raison de la pandémie. Le gouvernement reste déterminé à faire en sorte que les foires, les événements touristiques et les secteurs culturels et communautaires aient le soutien dont ils ont besoin et se remettent des répercussions de la pandémie. C’est pourquoi le gouvernement a lancé l’Initiative d’appui aux grands festivals et événements, qui vise à aider les grands festivals canadiens à demeurer opérationnels et à s’adapter à la pandémie.

(1340)

Je crois comprendre que le gouvernement, notamment Agriculture et Agroalimentaire Canada, continue de collaborer avec les grandes foires et expositions au moyen des programmes Agri‑compétitivité et Agri-communication. Le gouvernement, notamment Agriculture et Agroalimentaire Canada et Patrimoine canadien, est toujours disposé à entreprendre de nouvelles discussions sur des façons d’améliorer ses services et de rendre service.

Le sénateur Black : Les 739 petites foires et expositions ne sont pas admissibles aux subventions dont vous parlez. Pouvez-vous nous dire vers où elles peuvent se diriger pour qu’elles aussi puissent obtenir du soutien?

Le sénateur Gold : Encore une fois, je vous remercie. Je n’ai pas de réponse à cette question. Je ne renvoie pas la balle à Agriculture et Agroalimentaire Canada et à Patrimoine canadien, bien que ces deux ministères seraient les premiers à qui demander. Je vais m’informer et, lorsque j’aurai une réponse, je vous la communiquerai directement, ainsi qu’au Sénat.

Les transports

Le projet d’aérodrome en Ontario

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, il y a quelques semaines, le ministre des Transports est venu témoigner au Sénat pendant la période des questions et a répondu à certaines questions concernant son portefeuille. Lorsqu’on lui a demandé s’il avait approuvé la construction de l’aérodrome de Georgina, en Ontario, le ministre a répondu ceci :

Le ministre des Transports doit attendre les évaluations et les recommandations des hauts fonctionnaires — des hauts fonctionnaires indépendants et non partisans — avant de prendre une décision. Or, je n’ai pas encore obtenu ces recommandations.

Ce sont ses paroles.

Toutefois, j’ai appris qu’en réalité, Transports Canada a déjà complété l’examen réglementaire de la proposition, ce qui signifie que le ministre avait déjà approuvé l’aérodrome conformément à l’article 307 du Règlement de l’aviation canadien.

Sénateur Gold, est-ce que le ministre Alghabra va revenir sur sa déclaration et présenter ses excuses aux habitants de Georgina et au Sénat pour son manque de transparence et d’attention dans le dossier de l’aérodrome de Georgina?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. De toute évidence, il m’est impossible d’y répondre en me fiant uniquement à vos affirmations et vos suppositions concernant ce qui était connu ou non au moment de la comparution du ministre.

J’ai parfaitement confiance dans l’intégrité et la transparence dont le ministre a fait preuve devant le Sénat. Compte tenu de votre question, je vais certainement me renseigner, comme je le fais toujours lorsque je n’ai pas la réponse. En ce moment, il m’est tout simplement impossible d’émettre un commentaire en me basant sur les affirmations et les suppositions contenues dans votre question.

Le sénateur Plett : Des affirmations, sans doute, mais des suppositions, non. Il s’agit de faits, sénateur Gold, pas de suppositions.

Le député de la région, Scott Davidson, a défendu les intérêts de ses électeurs pendant des mois sur la question de l’aérodrome. Il a essayé à de nombreuses reprises d’obtenir des réponses concernant l’état de la proposition et d’informer le cabinet du ministre des nombreux problèmes qu’elle soulevait, mais il y a eu un manque de transparence et de communication tout au long du processus.

Le fait que le ministre des Transports n’ait pas présenté les faits avec précision lorsqu’on lui a posé la question est très préoccupant, sénateur Gold, mais cette attitude est caractéristique de ce dossier, comme de beaucoup d’autres d’ailleurs. Sénateur Gold, qu’est-ce que le ministre essaie de cacher?

Le sénateur Gold : Je sais que c’est la période des questions et je fais de mon mieux pour répondre, mais il est très difficile de trouver une réponse appropriée à une question qui suppose qu’un ministre de la Couronne est de mauvaise foi. Voilà qui suffira comme réponse.

[Français]

Les affaires étrangères

L’influence étrangère au Canada

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Hier, à Longueuil, avait lieu la comparution de Yuesheng Wang, un chercheur employé par Hydro-Québec qui avait été arrêté lundi par la Gendarmerie royale du Canada et accusé d’espionnage économique au profit de la Chine. La Presse rapporte que Mme Tina Zhu était là pour l’appuyer.

Mme Zhu s’est dite représentante de l’Association de promotion de l’amitié Canada-Chine, une organisation dont personne ne connaît les rouages exacts. Mme Zhu dit qu’elle ne travaille pas pour le gouvernement chinois et que c’est un hasard si elle défend les agents chinois au Canada et colporte les mêmes messages que Pékin.

J’ai déposé au Sénat, en février dernier, le projet de loi S-237 qui nous permettrait de savoir si Mme Zhu travaille ou non pour le gouvernement chinois. Malheureusement, ce projet de loi est bloqué par le sénateur nommé par le gouvernement Trudeau.

Sénateur Gold, pourquoi le gouvernement Trudeau s’oppose-t-il au projet de loi S-237 et à la création d’un registre des agents d’influence étrangers? Les dispositions de ce projet de loi s’appliqueraient facilement aux pays autoritaires, comme la Chine, l’Iran et la Russie.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur Housakos. Je ne fais rien pour bloquer le projet de loi. Chaque projet de loi déposé au Sénat doit être étudié comme il le faut, étape par étape, et il en ira de même avec votre projet de loi, comme pour tous les autres projets de loi.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, on a pu constater à plusieurs reprises les pouvoirs du leader du gouvernement au Sénat. Quand vous avez un intérêt dans un projet de loi, vous avez de l’influence. Actuellement, le Canada est dans une situation qui le met vraiment en danger face à plusieurs pays qui tentent de l’influencer.

Les accusations portées contre M. Wang sont très graves et sans précédent dans l’histoire du Canada. Sénateur Gold, pouvez-vous rassurer les Canadiens et confirmer que le gouvernement Trudeau ira jusqu’au bout dans les procédures contre M. Wang et ne conclura pas un accord avec le gouvernement de la Chine pour enterrer l’affaire, comme il le fait souvent?

Le sénateur Gold : Le processus qui implique M. Wang étant en cours, il serait inapproprié pour moi de faire des commentaires à ce sujet. Tout ce que je peux dire, sénateur Housakos, c’est que le gouvernement prend très au sérieux l’ingérence de n’importe quel pays, y compris la Chine, dans nos institutions et processus démocratiques. Nous continuerons de défendre les intérêts des Canadiens à cet égard.

[Traduction]

La défense nationale

La souveraineté dans l’Arctique

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, mardi, la vérificatrice générale a publié un rapport faisant état de retards considérables dans le processus d’approvisionnement en brise-glaces et en navire capables de naviguer dans l’Arctique. Les brise-glaces qui composent la flotte actuelle ont entre 35 et 53 ans. Il est urgent de les remplacer, car, étant donné leur âge, une panne majeure pourrait survenir n’importe quand. Pourtant, monsieur le leader, aucun navire de remplacement n’a été commandé, et encore moins mis en chantier.

Pourquoi le gouvernement échoue-t-il de manière aussi lamentable dans ce dossier pourtant crucial pour le Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Premièrement, le gouvernement remercie le Bureau de la vérificatrice générale de son rapport sur la surveillance des eaux arctiques. Le gouvernement accepte les conclusions et les recommandations du rapport et continuera de travailler avec ses partenaires pour combler les lacunes en matière de connaissance du domaine maritime en Arctique.

La connaissance du domaine maritime en Arctique est cruciale pour le Canada afin de gérer les risques et d’intervenir face aux incidents ayant une incidence sur notre sécurité, notre environnement et notre économie. J’ai déjà mentionné à plusieurs occasions les investissements effectués par le gouvernement pour moderniser à la fois le NORAD, nos capacités aérospatiales, nos systèmes de pilotage à distance d’aéronefs ainsi que nos navires de patrouille extracôtiers et améliorer notre surveillance. Je ne répéterai pas mes propos; ils figurent déjà au compte rendu. Le gouvernement continuera d’effectuer des investissements et de faire ce qui s’impose pour défendre le Nord du Canada.

Le sénateur Plett : Monsieur le leader du gouvernement, en 2019, le gouvernement a annoncé qu’il ajouterait un troisième chantier naval à la Stratégie nationale de construction navale, dans le but précis de construire des brise-glace. Ce chantier naval allait être celui de la Davie, au Québec.

En 2020, le gouvernement a indiqué qu’un accord avec la Davie qui permettrait de l’ajouter comme troisième chantier naval serait présenté avant la fin de 2020. Rien ne s’est produit, monsieur le leader du gouvernement.

En 2021, le gouvernement a déclaré publiquement qu’un accord avec la Davie qui permettrait de l’ajouter comme troisième chantier naval serait présenté avant la fin de 2021. Là encore, rien ne s’est produit.

En juin dernier, le gouvernement a répété qu’un accord avec la Davie serait conclu d’ici la fin de l’année. Monsieur le leader du gouvernement, quelque chose se passera-t-il vraiment cette année ou y aura-t-il simplement une autre promesse l’année prochaine?

(1350)

Le sénateur Gold : Le gouvernement est déterminé à bâtir une industrie maritime de classe mondiale grâce à la Stratégie nationale de construction navale. Pour y parvenir, et pour répondre aux besoins changeants de la Garde côtière canadienne, le gouvernement, m’a-t-on dit, va de l’avant avec la construction de deux brise-glace polaires dans des chantiers navals canadiens : Davie à Lévis et Seaspan à Vancouver. Cela se fera sous les auspices de la Stratégie nationale de construction navale, afin de soutenir les collectivités, l’Extrême-Arctique, la recherche scientifique et la souveraineté canadienne dans le Nord.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 21 septembre 2022 par l’honorable sénateur Housakos, concernant Taïwan — Affaires mondiales Canada.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 21 septembre 2022 par l’honorable sénateur Housakos, concernant Taïwan — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 29 septembre 2022 par l’honorable sénatrice Dupuis, concernant le rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable sur le financement d’infrastructures adaptées au climat.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Taïwan

(Réponse à la question posée le 21 septembre 2022 par l’honorable Leo Housakos)

Affaires étrangères

Depuis 1970, la politique canadienne d’une seule Chine reconnaît la République populaire de Chine comme le seul gouvernement légitime de la Chine, sans contester ni approuver la position du gouvernement chinois sur Taïwan. Conformément à cette politique, le Canada continue de développer des liens non officiels mais précieux avec Taïwan dans les domaines économique, culturel et humain. Le Canada est représenté à Taïwan par le Bureau commercial du Canada à Taipei, qui est une entité constituée localement et dont le personnel est basé au Canada et engagé localement. Le Canada a depuis longtemps pour pratique d’éviter toute action ou déclaration qui pourrait impliquer la reconnaissance de Taïwan comme un État souverain.

En accord avec sa politique d’une seule Chine, le Canada poursuivra son engagement multidimensionnel avec et sur Taïwan, qui comprend la collaboration dans les domaines du commerce, de la technologie, de la santé, de la gouvernance démocratique et de la lutte contre la désinformation, tout en continuant à œuvrer pour renforcer la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan.

(Réponse à la question posée le 21 septembre 2022 par l’honorable Leo Housakos)

En ce qui concerne Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) :

Conformément à sa politique de longue date reconnaissant « une seule Chine », le Canada ne reconnaît pas le passeport diplomatique ou officiel de Taïwan.

Les Taïwanais titulaires d’un passeport délivré par le ministère des Affaires étrangères de Taïwan comprenant le numéro d’identification personnel n’ont pas besoin d’un visa de résident temporaire pour se rendre au Canada ou y transiter, et ce, depuis 2010. Les voyageurs taïwanais admissibles doivent présenter une demande d’autorisation de voyage électronique (AVE) pour séjourner au Canada ou y transiter. Le processus d’AVE se déroule en ligne, et dans la plupart des cas, l’autorisation peut être délivrée en quelques minutes.

Il est possible que les Taïwanais qui transitent uniquement par le Canada et qui sont titulaires d’un passeport de Taïwan ne comprenant pas de numéro d’identification puissent être admissibles au transit par le Canada sans AVE, s’ils sont en route vers les États-Unis, ou s’ils proviennent de ce pays, dans le cadre du Programme de transit sans visa (PTSV). Pour en bénéficier, la personne doit être titulaire d’un passeport ou d’un document de voyage valide délivré par le pays dont elle a la citoyenneté, posséder un visa américain valide et transiter par un aéroport admissible à bord d’un vol d’un transporteur aérien participant. Une liste des transporteurs aériens participants et des aéroports figure sur le site Web Canada.ca « Programme de transit sans visa ».

L’infrastructure

Le rapport du commissaire à l’environnement et au développement durable sur le financement d’infrastructures adaptées au climat

(Réponse à la question posée le 29 septembre 2022 par l’honorable Renée Dupuis)

Infrastructure Canada (INFC) reconnaît l’importance des rapports sur le progrès du programme pour les engagements en matière de genre, de diversité et d’inclusion. Le ministère ne recueille aucune donnée pour le programme de distribution des avantages selon le genre (ou d’autres facteurs d’identité) pour les anciens programmes, mais il recueille d’autres données pour évaluer les répercussions de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+).

Les programmes d’INFC réalisent les engagements du gouvernement en versant des fonds pour les initiatives et l’infrastructure qui améliorent la vie des Canadiens, notamment les groupes vulnérables. Les politiques et programmes peuvent tenir compte de l’accessibilité, de l’inclusivité et des avantages communautaires. Lorsque possible, il fait rapport sur les répercussions de l’ACS+ dans des rapports comme le Rapport sur les résultats ministériels et les évaluations du programme.

Conformément à la Politique sur les résultats du Secrétariat du Conseil du Trésor, les évaluations du programme comprennent les considérations horizontales, comme les évaluations de l’ACS+ qui incluent la conception et l’exécution du programme. Les évaluations du PIIC et le Défi des villes intelligentes sont prévus pour 2022-2023 et 2023-2024. Le ministère élabore un plan d’amélioration des mesures et des rapports des programmes concernant le genre, la diversité et l’inclusivité, notamment le renforcement et l’identification des capacités et l’évaluation des connaissances et des lacunes de processus.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture des projets de loi C-31 et C-5, suivie de l’étude de la motion no 68, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Projet de loi no 2 sur l’allègement du coût de la vie (soutien ciblé aux ménages)

Troisième lecture—Débat

L’honorable Hassan Yussuff propose que le projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allégement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif. Je souhaite remercier les membres du Comité des finances nationales du travail qu’ils ont fait dans le cadre de l’étude de ce projet de loi, ainsi que les personnes ayant rendu des témoignages à ce sujet.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis vise simplement à aider les personnes qui en ont besoin, qu’il s’agisse d’aider les Canadiens à faible revenu à composer avec la hausse des loyers ou de s’assurer que les familles à faible et à moyen revenus ont les moyens financiers d’offrir des soins buccodentaires de base à leurs enfants. Je tiens à préciser clairement que tant les prestations dentaires que celles pour le logement locatif sont censées être des mesures à court terme, et non des solutions à long terme. La prestation pour le logement locatif est une mesure à court terme visant à aider les nombreux Canadiens à faible revenu qui ont dû composer avec une hausse des loyers au cours de la dernière année. Quant à la prestation dentaire, il s’agit d’une mesure provisoire en attendant l’instauration d’un régime national permanent de soins dentaires pour les enfants. On a besoin de ces mesures maintenant. Le plus tôt le projet de loi sera adopté, le plus tôt les Canadiens ayant besoin d’aide pourront s’occuper de la santé et des dents de leurs enfants et, bien sûr, mettre un toit au-dessus de leur tête.

Aujourd’hui, j’aimerais expliquer en quoi consistent ces prestations — ce qui est tout aussi important que de définir en quoi elles ne consistent pas — et comment elles peuvent améliorer le sort des Canadiens à faible revenu et des familles de travailleurs. J’aimerais d’abord parler de la prestation pour le logement locatif et indiquer ce à quoi elle n’est pas censée servir. Il ne s’agit pas d’une solution à long terme à la pénurie de logements abordables au pays. Elle vise plutôt à offrir une aide à court terme pour répondre au grave problème de la hausse des loyers, attribuable en partie à un taux d’inflation sans précédent depuis 40 ans.

Selon le rapport publié en novembre par Rentals.ca, les loyers au Canada ont augmenté en moyenne de 100 $ par mois par rapport au niveau observé avant la pandémie, à l’automne 2019. La prestation fiscale ponctuelle de 500 $ vise à aider les locataires à faible revenu à composer avec la hausse des loyers à laquelle ils ont dû faire face. La plupart des locataires canadiens ont dû payer leur loyer plus cher. Cependant, les locataires à faible revenu ont été plus durement touchés par cette hausse. On estime que la prestation pour le logement locatif aidera 1,8 million de locataires à faible revenu dans l’ensemble du pays à composer avec la hausse des loyers à laquelle ils ont dû faire face. Selon les estimations, le nombre de locataires à faible revenu qui bénéficieront de cette aide s’élèvera à 17 000 à Terre-Neuve-et-Labrador, à 570 000 au Québec, à 60 000 au Manitoba, et à plus de 700 000 dans ma province, l’Ontario. Ce ne sont pas que des statistiques. Ce sont des gens qui peinent à composer avec la hausse des loyers et qui ont du mal à payer leur loyer mensuel.

Bien que la prestation pour logement locatif soit une mesure ciblée de courte durée, le gouvernement met aussi en œuvre, dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, de nombreuses initiatives à long terme qui visent à concrétiser le fait que le logement doit être un droit et non un privilège au Canada et à relever les défis dans ce domaine. L’Allocation canadienne pour le logement est l’un de ces programmes; c’est cette allocation que la prestation pour logement locatif vient bonifier. L’Allocation canadienne pour le logement, un programme à long terme d’une valeur de 4 milliards de dollars, fournit un soutien direct de 2 500 $ par année, en moyenne, aux familles et aux personnes qui ont des besoins en matière de logement. Ces deux programmes faciliteront considérablement la vie des Canadiens qui ont du mal à payer leur loyer mensuel.

Parlons maintenant de la prestation dentaire qui viendra en aide à environ 500 000 enfants de moins de 12 ans dont la famille a un revenu faible ou moyen. Cette prestation ne vise pas à couvrir tous les soins dentaires dont les enfants ont besoin ni à remplacer les régimes provinciaux, territoriaux et privés qui existent actuellement. L’objectif n’est pas non plus d’en faire un programme national permanent de soins dentaires pour les enfants. La prestation actuelle servira plutôt de programme temporaire en attendant qu’un programme national permanent soit instauré. D’ici là, le gouvernement compte faire le travail nécessaire pour bâtir un programme complet et durable. Pour ce faire, il devra collaborer avec les principales parties concernées, notamment les provinces et les territoires, les organisations autochtones, les associations de dentistes et l’industrie afin de guider son approche de la mise en œuvre d’un régime canadien de soins dentaires à long terme.

L’objectif de la prestation dentaire est de faire en sorte que les enfants de moins de 12 ans des familles à faible revenu aient immédiatement accès à des soins dentaires de base qui ne sont pas fournis par les régimes de soins dentaires provinciaux, territoriaux ou privés du pays. La prestation vise également à ce que les parents qui n’ont pas la capacité de payer de leur poche les soins dentaires de leurs enfants puissent en faire la demande auprès de l’Agence du revenu du Canada avant de recevoir les soins. Je sais que certains sénateurs croient que la prestation provisoire aurait pu être améliorée. Certains envisagent des amendements pour essayer de l’améliorer. Premièrement, je veux rappeler à tout le monde qu’il s’agit d’une mesure provisoire. Je m’attends à ce que le programme final qui sera élaboré à la suite de la consultation dont j’ai parlé plus tôt non seulement influe sur la teneur du débat d’aujourd’hui, mais donne aussi un meilleur programme au bout du compte. C’est par le processus de consultation que j’invite à la fois les sénateurs et les intervenants à faire connaître leurs idées pour améliorer le programme, et non en bloquant la prestation qui peut aider les enfants maintenant.

Deuxièmement, le gouvernement souhaite que cette prestation soit prête et mise en œuvre dans deux semaines, soit le 1er décembre. Il a clairement indiqué que, pour ce faire, le projet de loi doit recevoir la sanction royale d’ici demain. Tout retard risque d’obliger les parents à attendre plus longtemps afin d’avoir accès à la prestation de soins dentaires pour leurs enfants.

Chers collègues, je voudrais utiliser un exemple très personnel pour expliquer comment cette prestation peut aider les jeunes enfants. Il y a un peu plus d’un an, mon neveu et son épouse ont perdu la vie dans des circonstances extrêmement tragiques. Ils ont laissé dans le deuil quatre garçons orphelins, tous âgés de moins de 12 ans. Comme notre famille fait son possible pour prendre soin d’eux, je sais qu’il ne sera pas facile d’élever ces quatre garçons pour qu’ils aient une vie décente. Leurs grands-parents, qui sont âgés, doivent maintenant assumer cette responsabilité. Je sais que cette prestation aura des répercussions sur leur vie et sur celle de nombreux enfants au Canada. Le fait est que, dans ma famille, nous faisons de notre mieux pour aider ces quatre garçons à devenir des adultes responsables tout en nous efforçant de répondre à tous les besoins qu’ils auront dans leur jeune vie. Ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile pour les nombreuses familles qui peinent à combler les besoins essentiels de leurs enfants.

(1400)

Je suis aujourd’hui sénateur, mais je viens d’un milieu modeste. Je comprends ce que c’est que d’avoir des difficultés à subsister. Je suis convaincu que tous les sénateurs ont des êtres chers, des amis ou des collègues qui bénéficieront de cette prestation.

En terminant, j’espère que vous comprenez mieux ce que cherche à accomplir et ce que ne cherche pas à accomplir la mise en œuvre de ces deux prestations. L’Allocation canadienne pour le logement doit aider les locataires à faible revenu à faire face à la hausse de leur loyer qui résulte de la crise inflationniste aiguë — et non pas de régler le problème systémique du manque de logements abordables dans notre pays. Parallèlement, le programme de soins dentaires prévoit des prestations provisoires, et non permanentes, pour couvrir les soins dentaires de base des enfants de moins de 12 ans qui ne sont pas déjà couverts par un autre régime de soins dentaires. Entretemps, le gouvernement lancera un processus de consultations dans le but de développer une solution à long terme pancanadienne.

Chers collègues, les mesures à court terme et provisoires prévues dans ce projet de loi peuvent grandement et immédiatement améliorer la situation des Canadiens à faible ou à moyen revenus en permettant à ceux-ci d’offrir des soins dentaires essentiels à leurs enfants et en contrant les pressions financières causées par la hausse des loyers.

Honorables sénateurs, le temps des Fêtes approche. Il s’agit d’une période qui est toujours un peu plus difficile pour les personnes à qui l’abordabilité pose problème. Ces personnes s’inquiètent alors de leurs finances et du bien-être de leurs enfants. Je vous exhorte donc, chers collègues, à garder cela à l’esprit et à adopter rapidement le projet de loi afin que nous puissions aider les Canadiens qui ont besoin de notre aide.

Je répondrai volontiers aux questions. Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Yussuff, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Yussuff : J’en serais honoré.

Le sénateur Woo : Merci beaucoup pour votre discours à l’étape de la troisième lecture et surtout pour avoir partagé cette histoire personnelle sur l’importance et la nécessité de la prestation dentaire canadienne.

Le milliard de dollars, environ, qui sera dépensé profitera effectivement à des centaines de milliers d’enfants. L’argent, bien sûr, servira à lutter contre la carie dentaire, même s’il n’y a pas d’argent prévu pour les soins dentaires préventifs. Cela ne fait pas partie de ce projet de loi — et je ne suis pas sur le point de proposer un amendement pour inclure les soins dentaires préventifs — mais pouvez-vous nous expliquer comment vous envisagez le plan à long terme, le plan de soins dentaires permanent, et si ce plan pourrait inclure quelque chose d’aussi fondamental et bénéfique que la fluoration de l’eau? Environ 60 % des Canadiens n’ont pas accès à de l’eau fluorée, y compris dans ma ville natale, Vancouver. Aux États-Unis, c’est l’inverse, seulement 40 % des Américains n’ont pas accès à de l’eau fluorée.

Je me demande si le gouvernement fédéral peut, dans son plan à long terme, réfléchir à un moyen d’inciter les municipalités à investir dans la fluoration, car il s’agit autant d’un investissement dans la santé que d’un investissement dans les infrastructures.

Le sénateur Yussuff : Merci, sénateur Woo. Je pense que vous avez soulevé un point très important auquel nous devrions tous réfléchir.

Comme vous le savez, les données scientifiques sur la fluoration sont bien connues. Il a été démontré qu’elle peut jouer un rôle extrêmement important pour prévenir les caries et favoriser des dents saines. Nous vivons dans une fédération. Comme je le dis constamment, elle est unique au monde. Les gens des différentes régions du pays s’apprécient, mais font les choses différemment. J’espère que, au bout du compte, alors que le gouvernement établit un programme national, en collaboration avec les provinces, les territoires et les organisations autochtones, cette question sera étudiée avec sérieux. Après tout, la responsabilité d’en faire une mesure obligatoire relève exclusivement des provinces. Le gouvernement fédéral ne peut pas l’imposer, mais il peut encourager les provinces à adopter cette approche. De plus, je pense qu’il est important que nous veillions à ce que les Canadiens soient informés de ce qu’est la fluoration.

Il y a encore des gens qui font valoir que la fluoration ne devrait pas être utilisée de façon régulière dans les réseaux de distribution d’eau. Pourtant, les données scientifiques sont très claires. J’espère que, au moment où le gouvernement fédéral élabore un programme national en collaboration avec les provinces et les territoires, cette question fera partie du débat qui pourrait certainement faire du Canada un meilleur endroit pour nous tous, prévenir la carie et aider les jeunes enfants à avoir un avenir meilleur.

L’honorable Colin Deacon : Merci de votre discours, sénateur Yussuff.

Il y a eu un très bon article d’opinion publié cette semaine dans le Hill Times par un groupe canadien de cartes de crédit prépayées, qui disait qu’une carte de crédit prépayée pour la prestation permettrait de restreindre l’utilisation des fonds aux soins dentaires et d’éliminer le besoin d’effectuer la vérification sur papier qui avait été promise pour l’avenir. J’ose espérer que cet outil de technologie financière a été étudié lors de la conception du programme. Si ce n’est pas le cas, pourriez-vous, à un moment donné, demander aux responsables pourquoi ils ne l’ont pas fait? Y a-t-il d'autres raisons, mis à part qu'ils qu’ils considéraient que c’était plus compliqué et qu’ils ne se sont pas donné la peine de se pencher la question? Ce serait une façon de prévenir la fraude très facilement. C’est une critique sur un très bon programme. Je vous saurais gré de bien vouloir communiquer avec les responsables pour savoir si cet outil a été envisagé.

Le sénateur Yussuff : Merci, sénateur Deacon, de votre question.

Comme vous le savez, on veut mettre ce programme sur pied et débloquer les fonds nécessaires le plus rapidement possible pour les parents qui en ont besoin et qui cherchent à obtenir de soins dentaires de base pour leurs enfants. Pour ce faire, bien entendu, le gouvernement a fait appel à l’ARC, en raison de l’expérience qu’elle a très rapidement acquise dans le cadre du versement de la Prestation canadienne d’urgence, la PCU, aux Canadiens qui en avaient besoin. Vous soulevez un bon point, et il faudrait en tenir compte à l’avenir dans la prestation du programme, en collaboration avec les provinces et les territoires. Je ne manquerai pas de le soulever auprès de la ministre et de son personnel pour qu’ils y réfléchissent dans le cadre du futur programme, car je crois sincèrement que l’ARC peut le faire. Des procédures sont en place pour éviter la fraude. Comme vous le savez, toute personne déterminée à frauder peut le faire, quelles que soient les mesures que l’on met en place.

Dans le contexte de l’ARC, il est également question de verser cette prestation aux parents pour les aider à répondre aux besoins de leurs enfants. Des sanctions sont prévues si quelqu’un décide de commettre de la fraude dans ce cas.

Je reconnais que vous soulevez un point important qui devrait faire l’objet d’une réflexion approfondie, et j’espère que le gouvernement y réfléchira. Je vous remercie.

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-31, Loi no 2 sur l’allègement du coût de la vie, proposé par le gouvernement afin d’offrir un soutien ciblé aux ménages à revenu faible et moyen en période de forte inflation.

Tout d’abord, je félicite et remercie le sénateur Yussuff pour son discours personnel aussi perspicace et émouvant. Merci beaucoup.

La partie 1 du projet de loi C-31 propose une prestation pour soins dentaires non imposable à l’intention des parents d’enfants de moins de 12 ans dont le revenu du ménage est inférieur à 90 000 $ et qui n’ont pas accès à une assurance dentaire. La partie 2 du projet de loi autorise une prestation unique pour logement locatif à l’intention des demandeurs admissibles qui ont payé un loyer pour leur résidence principale en 2022.

[Français]

Ce fut un honneur pour moi d’étudier ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Dans le cadre de nos travaux, le comité a tenu quatre réunions avec des témoins. Vingt‑cinq témoins ont comparu devant nous, y compris des fonctionnaires, le directeur parlementaire du budget, et des représentants d’associations dentaires et du secteur du logement. Nous avons aussi eu le privilège de recevoir trois ministres.

Aujourd’hui, je prendrai quelques instants pour aborder quatre sujets qui ont été explorés pendant nos réunions.

[Traduction]

Le premier problème dont je veux parler est l’inflation. À mon avis, les sommes injectées dans l’économie dans le cadre du projet de loi C-31 ne devraient pas avoir d’effet notable sur l’inflation. J’en ai parlé lorsque j’ai livré mon discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-30, le remboursement de la TPS, et je maintiens ces commentaires.

Selon le directeur parlementaire du budget, la prestation pour soins dentaires coûtera environ 703 millions de dollars et le supplément unique à l’Allocation canadienne pour le logement augmentera les dépenses fédérales d’environ 940 millions de dollars. Dans une économie de 2,8 billions de dollars, l’injection d’un montant supplémentaire de 1,6 milliard de dollars est minime.

(1410)

Comme je l’ai indiqué il y a quelques semaines, le doublement du crédit d’impôt pour la TPS prévu dans le projet de loi C-30 et les mesures prévues dans le projet de loi C-31 représentent des coûts additionnels équivalant à 0,1 % du PIB du Canada. Ces dépenses ne sont pas négligeables, mais elles ne sont qu’une fraction du PIB national.

Je reconnais que ces mesures augmentent les dépenses gouvernementales à un moment où l’austérité financière s’impose. Cependant, j’estime que la prestation dentaire pourrait permettre de désengorger les urgences et, au final, de réaliser des économies. Certains témoins ont affirmé au comité que 1 % des visites dans les urgences pour des problèmes dentaires non urgents ont coûté 1,8 milliard de dollars au système de santé en 2017.

Cette prestation dentaire permettra non seulement aux enfants de recevoir des soins dentaires adéquats, mais elle favorisera aussi une meilleure santé buccodentaire globale ainsi que la prévention. On sait que plus d’un Canadien sur cinq n’a pas reçu de soins dentaires faute d’en avoir les moyens. On prévoit que cette prestation provisoire permettra à quelque 500 000 enfants de recevoir enfin des soins buccodentaires de base.

[Français]

Comme l’a si bien dit la sénatrice Mégie, en matière de santé, mieux vaut prévenir que guérir. Mme Lynne Tomson, sous-ministre adjointe à Santé Canada, a également souligné l’importance de la prévention qui, à terme, permettrait de réaliser des économies considérables. La prévention et des soins plus précoces auront aussi un coût moindre sur l’ensemble du système. De plus, le ministre Duclos reconnaît que le report des soins dentaires ou leur évitement complet peuvent entraîner des conséquences graves sur la santé des individus.

Ceci peut, à son tour, accroître la dépendance du public dans des secteurs coûteux, comme les services de cardiologie, de cancérologie et d’urgence.

[Traduction]

La deuxième question sur laquelle je souhaite me pencher est celle du risque de déplacement. Il faut se demander si cette prestation dentaire financée à même les deniers publics incitera les employeurs à annuler ou à réduire les programmes d’assurance dentaire fournis aux employés. Il s’agit d’une question importante qu’on ne peut passer sous silence.

[Français]

La semaine dernière, j’ai rencontré des représentants de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. Celle-ci partage mes préoccupations par rapport au risque de déplacement. Prenez en considération les statistiques suivantes : en 2021, les assureurs de personnes du Canada ont fourni une couverture à plus de 29 millions d’assurés et ont versé plus de 30 milliards de dollars de prestations d’assurance maladie complémentaires, dont 9,5 milliards de dollars pour les soins dentaires.

Comme moi, l’association craint que les employeurs ne choisissent de réduire ou d’annuler leur couverture, étant donné que l’État est prêt à intervenir. Ce serait imprudent que ces sommes d’argent soient transférées au public. Bien entendu, cette question devra être réglée lorsque le gouvernement entreprendra de bonifier la prestation dentaire actuelle ou de créer un programme permanent.

[Traduction]

Santé Canada ne prévoit pas de déplacement pour l’instant, mais a reconnu que c’est un élément de préoccupation qui sera pris en compte lors de la conception du programme à long terme.

J’encourage vivement le gouvernement à envisager des moyens d’inciter les entreprises à conserver leur couverture actuelle. Il n’est pas réaliste de pénaliser les entreprises qui abandonnent leurs régimes. L’incitation est la voie à suivre.

Le troisième point que je veux aborder est la pénurie de main-d’œuvre dans le secteur. Naturellement, on s’attend à ce que la prestation de soins dentaires permette enfin à certains de nos enfants de recevoir des soins dentaires adéquats. Je suis sûr que c’est un énorme soulagement pour de nombreux parents qui n’ont pas les moyens de payer les frais dentaires. J’espère que ces enfants prendront bientôt leurs rendez-vous et recevront les soins qu’ils méritent.

Mais le secteur sera-t-il capable de gérer un afflux de nouveaux patients? La réponse courte est oui. Mais ce ne sera pas nécessairement facile. Des défis en matière de ressources humaines existent également dans le secteur, notamment en ce qui concerne les hygiénistes dentaires et les assistants dentaires.

La Dre Lynn Tomkins, présidente de L’Association dentaire canadienne, a assuré à notre comité qu’il n’y a pas de pénurie de dentistes. Il s’agit plutôt d’un problème de répartition. L’association aimerait que davantage de jeunes dentistes aillent dans les régions éloignées et rurales. Mais comme elle l’a dit, nous ferons de notre mieux pour gérer l’afflux de nouveaux patients.

Je suis aussi rassuré par le fait que, dans les définitions du projet de loi, « services de soins dentaires » signifie les services qu’un dentiste, un denturologiste ou un hygiéniste dentaire est légalement autorisé à fournir. Ondina Love, chef de la direction de l’Association canadienne des hygiénistes dentaires, a rappelé à notre comité que son secteur compte plus de 30 000 hygiénistes dentaires et qu’ils trouvent des moyens novateurs d’offrir des soins, notamment dans des cliniques autonomes, des cliniques communautaires, des garderies, des écoles et des cliniques mobiles.

Malheureusement, même si les hygiénistes dentaires sont visés par le projet de loi, les 10 écoles de médecine dentaire du pays ne le sont pas. Le Dr Walter Siquiera, doyen de l’École de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan et président de L’Association des facultés dentaires du Canada, a l’impression qu’elles ont été oubliées.

Les écoles de médecine dentaire reçoivent environ 350 000 patients par année et elles pourraient contribuer à absorber l’augmentation du nombre de patients. Il a par exemple expliqué que les cliniques de l’École de médecine dentaire offrent 80 % des soins dentaires dans le Nord de la Saskatchewan.

Les écoles de médecine dentaire ont déjà un réseau de cliniques et des programmes conçus pour les personnes visées par le projet de loi C-31. Comme nous l’a dit le Dr Siqueira, avec le soutien approprié, les écoles de médecine dentaire pourraient recevoir deux fois plus de patients, car elles sont bien placées pour devenir un élément central d’un réseau beaucoup plus vaste de cliniques communautaires et institutionnelles offrant des soins dentaires à ceux qui en ont le plus besoin.

Il est clair que le gouvernement doit collaborer avec ces écoles à mesure qu’il étend et développe le programme permanent. Le ministre Duclos semble être ouvert à cette idée.

[Français]

Enfin, la dernière question que je voudrais aborder est justement ce programme permanent de soins dentaires que le gouvernement souhaite mettre sur pied. Je tiens à rappeler que le gouvernement a proposé de faire à cet égard un investissement de 5,3 milliards de dollars sur cinq ans dans son budget de 2022. Il propose que la prestation, celle que nous étudions actuellement, couvre d’abord les personnes de moins de 12 ans. L’intention est de bonifier cette prestation et de l’étendre aux jeunes de moins de 18 ans, aux aînés et aux personnes en situation de handicap en 2023. Enfin, la mise en œuvre complète d’un nouveau régime permanent est prévue pour 2025.

[Traduction]

Alors que le gouvernement amorce cette étude de même que ses travaux pour concevoir et mettre en œuvre ce programme, quelques éléments clés doivent faire l’objet d’une réflexion plus approfondie. La collecte des données sera un élément essentiel pour évaluer le succès de cette prestation temporaire.

Le gouvernement devra évaluer le taux de participation, identifier qui sont les prestataires, cibler les lacunes éventuelles et déterminer dans quelle mesure les montants de la prestation correspondent aux coûts des soins dentaires. Tout ce travail pourrait être difficile à accomplir, sans compter les facteurs relatifs à la vie privée dont il faudra tenir compte. Cependant, toutes ces questions doivent être examinées attentivement avant de lancer un programme à long terme plus complet et, souhaitons-le, qui prendra appui sur des données probantes.

Lors de son témoignage devant le comité, le ministre Duclos a affirmé que son ministère suivra de près les effets sur la santé et d’autres résultats, et qu’il augmentera les prestations s’il y a lieu. Par ailleurs, Santé Canada a confirmé que l’Agence du revenu du Canada lui fournira des statistiques sur la participation dans chacune des provinces.

L’Association canadienne des hygiénistes dentaires demande au gouvernement de chiffrer l’accès aux soins dentaires et la prestation des services de santé buccodentaire afin de savoir quel est le rendement sur l’investissement de ce nouveau programme de soins dentaires.

De son côté, le Dr Siqueira croit fermement que les données ont une grande valeur. Voici ce qu’il a écrit au ministre Duclos :

Pendant que le gouvernement élabore et met en place les divers éléments de ce nouveau programme national de soins dentaires, les chercheurs des écoles de médecine dentaire pourraient évaluer les résultats et fournir de l’information sur les changements précis à apporter.

Puisque le coût de la vie augmente rapidement, le gouvernement devrait aussi prévoir un suivi des hausses du prix des soins dentaires.

Pendant les travaux du comité, certains se sont dits préoccupés par une possible hausse des frais. Bien que ces inquiétudes soient légitimes, je ne m’attends pas à de telles hausses. Comme l’a dit le directeur parlementaire du budget, le projet de loi cible des segments précis de la population, ce qui atténue les effets que pourrait avoir une recherche de profits excessifs.

Selon le Dr James Taylor, dentiste en chef à l’Agence de la santé publique du Canada, si les frais augmentent, ce sera à cause du coût des matériaux et de la main-d’œuvre, et non pas simplement à cause de l’offre et de la demande.

L’Association dentaire canadienne a aussi soumis un mémoire dans lequel elle fournit des renseignements sur le coût moyen des traitements pour chaque visite :

Parmi les demandes de règlement soumises pour un patient de moins de 12 ans, la médiane était de 150 $ par visite. La moitié des demandes de règlement se situaient entre 92 $ et 233 $ [et] dans l’ensemble, 95,6 % des demandes de règlement étaient inférieures à 650 $.

Comme on le sait, les demandeurs dont le revenu est inférieur à 70 000 $ peuvent recevoir une prestation pour soins dentaires de 650 $ par année. Les demandeurs dont le revenu se situe entre 70 000 $ et 80 000 $ seront admissibles à un montant de 390 $, et ceux dont le revenu se situe entre 80 000 $ et 90 000 $ sont admissibles à un montant de 260 $.

(1420)

Certains soutiennent que la prestation dentaire n’est pas assez généreuse. Je craignais moi aussi que 650 $ par an ne suffisent pas pour des soins dentaires de base. Cependant, maintenant que nous avons reçu ces chiffres, je suis rassuré. Bien sûr, ce ne sera pas suffisant pour tout le monde, mais c’est un excellent début. Ne perdons pas de vue ce que c’est : une prestation provisoire, un point de départ.

L’Agence du revenu du Canada devrait également tenter de vérifier que les fonds qu’elle distribue sont utilisés aux fins prévues puisque les demandeurs admissibles peuvent recevoir la prestation avant que leurs enfants ne reçoivent des soins dentaires. Comme je le dis souvent, la confiance est la base de toute relation. J’ai confiance que les parents utiliseront ces fonds pour la santé et le bien-être de leurs enfants.

Le sénateur Yussuff nous a rappelé que l’Agence du revenu du Canada :

[...] est également bien équipée pour prévenir la fraude et veiller à ce que le programme soit utilisé comme prévu.

L’Agence du revenu du Canada agira afin de mettre en œuvre des mesures de vérification et de sécurité supplémentaires dès le départ [...]

Mais c’est assurément une chose qu’il faut surveiller.

En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi C-31 est un bon projet de loi. Je crois qu’il est approprié et opportun que le gouvernement investisse pour les Canadiens qui ont le plus de mal à joindre les deux bouts, notamment pour deux besoins humains fondamentaux : le logement et les soins de santé.

Je vais voter en faveur du projet de loi C-31, mais je crois qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. La mise en œuvre d’un programme permanent de soins dentaires sera une entreprise colossale.

Si le gouvernement souhaite aller de l’avant avec cette initiative, il devra faire le nécessaire pour mener ce projet à bien, y compris mener de vastes consultations, prévoir un budget en conséquence et présenter un cadre législatif comportant toutes les mesures nécessaires pour rendre des comptes et faire preuve de transparence. Le moment venu, je suis convaincu que le Sénat sera prêt à prendre le temps nécessaire pour étudier tout programme de soins dentaires qui lui sera soumis.

Merci, meegwetch.

L’honorable Brent Cotter : Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi C-31. Je ne vais parler que des mesures qui portent sur les soins dentaires pour les enfants.

Le sénateur Yussuff et, avant lui, la sénatrice Lankin, ont fait preuve de leadership à l’égard de ce projet de loi, et je les en remercie. Je tiens également à remercier le sénateur Loffreda de ses observations éclairées et détaillées sur le projet de loi. Je vais parler de manière un peu plus générale des soins dentaires et de ce projet de loi.

Au début de novembre, à l’étape de la deuxième lecture, quelqu’un a dit l’une des choses les plus remarquables que j’ai entendues au Sénat. Lorsqu’elle a parlé des prestations de soins dentaires auxquelles elle avait droit, la sénatrice Simons a dit ceci :

Aussitôt que l’Edmonton Journal m’a embauchée, je me suis précipitée chez le dentiste pour compenser toutes ces années sans nettoyage ou examen dentaire [...]

J’ai 72 ans, et c’est la première fois de ma vie que j’ai entendu une personne dire avec un enthousiasme débordant qu’elle s’est précipitée chez le dentiste. Sénatrice Simons, avec cette seule phrase, vous pourriez devenir la tête d’affiche des dentistes et des hygiénistes dentaires de tout le pays.

En matière de dentisterie — et je dis cela humblement —, je m’y connais. Je viens d’une famille qui compte une pléthore de représentants des professions dentaires. Ma sœur a ses qualifications d’infirmière dentaire et d’hygiéniste dentaire. Elle a étudié à Regina avec la sénatrice McCallum il y a de nombreuses années. Elle a été pendant des années présidente de la Saskatchewan Dental Hygienists’ Association. Mon beau-frère est dentiste. Mes nièces sont respectivement hygiéniste dentaire et thérapeute dentaire. Ma bru est dentiste en Allemagne et mon père était dentiste et professeur en dentisterie. Ils sont légion.

Certains d’entre vous ont regardé la télésérie Ted Lasso. On y chante une petite ritournelle à propos d’une personne nommée Roy Kent. Je vais faire abstraction d’un mot qui, je crois, n’est pas permis au Sénat, mais voici les paroles : « Roy Kent! Il est ici, il est là, il est [partout]. » Eh bien, dans ma vie, les dentistes sont partout.

Mon père était la meilleure personne que j’aie connue de toute ma vie, sauf pour une chose : quand j’étais enfant, de temps à autre, le samedi matin, alors que j’aurais préféré être n’importe où ailleurs, il m’emmenait avec lui à son cabinet dentaire pour subir quelques traitements douloureux.

Il n’est probablement plus permis de prodiguer des soins à ses propres enfants, mais c’était il y a longtemps, il me semble peu après l’invention de la dentisterie. Il utilisait des techniques de gestion de la douleur intéressantes et désormais désuètes. Par exemple, je me souviens qu’il avait l’habitude de tirer fortement sur ma joue, de manière si douloureuse que je ne remarquais pas l’aiguille d’anesthésie qui me piquait. C’était une technique intéressante : provoquer de la douleur pour détourner l’attention de la douleur. Je pense que mon aversion pour la dentisterie et la profession dentaire est justifiée.

Afin de modérer ces points de vue peu charitables, j’ajouterai un commentaire et une histoire. Tous les représentants de la profession dentaire que je connais ont à cœur leur travail, qu’ils aiment beaucoup. Ils savent qu’ils améliorent la vie de leurs patients. C’est le cas de nombreux métiers et professions. Il n’y a pas seulement les dentistes, mais aussi les charpentiers, les psychologues, les peintres ou les plombiers. C’est la noblesse de faire quelque chose d’honorable pour aider son client ou son patient.

Je veux en donner un exemple en racontant une histoire de dentiste. Elle n’est pas très ragoutante, mais elle est très belle.

Vers la fin de sa carrière, mon père s’est spécialisé dans la prosthodontie et la chirurgie maxillo-faciale. Ce sont des expressions bien savantes, mais la première désigne essentiellement les fausses dents et l’autre, la reconstruction de la mâchoire et du visage. À l’époque, il était peut-être le seul spécialiste de ce domaine en Saskatchewan.

Il a été appelé à venir en aide à un patient qui avait vécu un grave cancer du visage. Pour vaincre le cancer, il avait fallu procéder à l’ablation de son nez et d’une partie de sa mâchoire. On a demandé à mon père d’effectuer la reconstruction de la mâchoire et du nez, ce qu’il a fait. Il a dû reconstruire la mâchoire, puis construire un nouveau nez. C’est une histoire plutôt troublante, je dois l’admettre.

Il a façonné le nez et l’a renforcé au moyen de certaines techniques. Il a réussi à reproduire la forme et le teint du nez original. Il a toutefois remarqué que le résultat n’était pas parfait selon la photographie du patient dont il disposait.

J’ai ri lorsque j’ai écrit ce passage. Je m’excuse.

Il semble que l’homme entretenait une relation étroite avec l’alcool et qu’il avait un nez aux veines apparentes. Mon père s’est rendu à un magasin de matériel d’artiste pour y acheter de la peinture et un pinceau à un seul poil. Il s’est ensuite installé à la table de la cuisine pour peindre avec précision les veines sur le nouveau nez de l’homme. Puis, pour obtenir les meilleurs résultats possible — je suis désolé de vous transmettre ce détail —, il s’est arraché des poils dans le nez pour les coller, un par un, dans le nouveau nez de l’homme.

Cette opération a sauvé la vie de l’homme, mais la reconstruction — du nez et de la mâchoire — lui a rendu sa vie. Cette histoire est plutôt troublante, mais elle est aussi très belle.

Je reviens à mon point principal : que je souhaite aller chez le dentiste ou non, j’obtiens des soins dentaires, tout comme la sénatrice Simons a fini par en obtenir. En fait, tous les sénateurs et leur famille reçoivent des soins dentaires, et c’est aussi le cas — comme le sénateur Loffreda l’a signalé — de millions de Canadiens. Cependant, bon nombre de nos concitoyens n’en reçoivent pas.

Tel que le sénateur Yussuf l’a souligné dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, environ 25 % de la population canadienne n’a pas accès à des soins dentaires. Ce manque de soins a des conséquences. Nous savons tous ce que c’est que d’avoir mal aux dents et comment une telle douleur, dans une si petite partie de notre corps, peut nous accabler, à quel point elle peut être débilitante. Cependant, ce n’est pas tout. Les soins dentaires sont étroitement liés à notre santé à long terme.

Permettez-moi de vous donner un exemple. J’ai rendu visite à mon dentiste récemment, sans beaucoup d’enthousiasme, et il a commencé à me dire à quel point la santé de mes gencives est importante. Il a précisé que si on n’en prend pas bien soin, cela peut entraîner des maladies du cœur et causer la mort. Cela me semblait un peu extrême, comme si un vendeur d’automobiles disait aux gens d’acheter sa voiture la plus chère s’ils ne veulent pas mourir dans un accident de voiture. J’ai donc fait des recherches, et mon dentiste avait effectivement raison. De bons soins dentaires revêtent une importance fondamentale pour la santé générale.

On peut donc se poser la question : pourquoi tous les Canadiens n’ont-ils pas accès aux soins dentaires? C’est un problème dans les régions rurales et éloignées du pays, comme l’a souligné le sénateur Loffreda, entre autres. Or, la principale raison qui explique ce problème d’accès est le coût des soins dentaires. Prodiguer ces soins coûte cher. Pour les dentistes, du moins, les études sont longues, difficiles et coûteuses. À l’Université de la Saskatchewan, le programme de médecine dentaire exige des frais de scolarité qui comptent parmi les plus élevés de tous les programmes universitaires au Canada. Il faut le reconnaître, les professionnels du secteur gagnent bien leur vie. D’ailleurs, mon père a probablement contribué à cette situation, sans le vouloir, lorsqu’il enseignait la médecine dentaire. Lorsqu’il aidait des étudiants à fabriquer de fausses dents à la clinique — des dentiers pour les dents du haut et pour les dents du bas —, il croyait leur donner des conseils sur la façon d’être un dentiste. Ce qu’il leur disait, c’était : « Une fois que vous aurez fabriqué les dentiers, le patient vous demandera assurément : “Alors, c’est combien?” Vous pourrez alors répondre “700 $” et faire une pause. Si votre patient ne réagit pas, vous ajouterez : “Pour le dentier du haut.” »

(1430)

La réalité est qu’aujourd’hui encore, la demande de professionnels dentaires est énorme. La plupart des services dentaires fonctionnent à plein rendement et les dentistes ont des difficultés à trouver des hygiénistes dentaires pour assurer le fonctionnement à temps plein des cabinets dentaires. Les forces du marché ne suffiront donc pas à résoudre le problème de l’accès. Dans ce contexte apparaît ce projet de loi. Il marque la naissance d’un régime d’assurance dentaire qui améliorera considérablement les soins dentaires pour des millions de Canadiens à revenu faible ou modeste qui, principalement pour des raisons de coût, sont tout simplement dans l’impossibilité d’accéder à des services dentaires de base. Trop de familles, que ce soit en ces temps quelque peu inflationnistes ou autrement, sont obligées de consacrer leurs maigres ressources à la nourriture, au loyer, aux vêtements ou à d’autres besoins de leur famille, et les besoins en soins dentaires des enfants passent à la trappe. Le programme d’assurance dentaire, dont ce projet de loi marque le commencement, permettra de combler les premières lacunes en matière de services.

Ce projet de loi est axé sur les soins dentaires pour les enfants exclusivement — comme nous l’avons entendu, la couverture sera élargie —, mais, pour la santé dentaire des enfants et pour alléger le fardeau financier des Canadiens à revenu faible ou modeste, c’est un bon début. Je pense que cette initiative est excellente, et je l’appuie. Toutefois, comme l’a fait remarquer le sénateur Loffreda, il y a encore beaucoup à faire, et je voudrais insister sur un aspect en particulier.

Je dirais qu’on assiste à un effet d’entraînement du programme, à commencer par le projet de loi. Comme les chefs de file dans la profession, en particulier ceux qui enseignent dans ce domaine, l’ont dit au Comité des finances, le programme nécessitera une augmentation importante du nombre de professionnels dentaires pour qu’il soit possible de les consulter et de le faire à un prix abordable, car il faudra répondre à un bond important de la demande pour des services dentaires. C’est bel et bien ce que nous espérons. Lors de la réunion du comité, le Dr Siqueira, doyen du Collège de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan, a souligné ce point et la façon dont, par exemple, l’Université de la Saskatchewan est bien placée pour relever ce défi puisqu’elle a regroupé une gamme complète de formations pour la profession dentaire — les dentistes, les spécialistes en dentisterie, les hygiénistes dentaires et les thérapeutes dentaires — sous un même toit au sein de sa faculté. Il faut toutefois souligner — et je pense que ce point aura de l’importance — que presque tous les programmes d’enseignement qui seront envisagés pour répondre à la hausse nécessaire et considérable de la demande en professionnels dentaires relèvent de la compétence provinciale en matière d’éducation. Dans les prochaines années, il sera essentiel que le gouvernement du Canada ait un plan pour travailler avec les provinces et les territoires dans un esprit de collaboration et de respect et pour éventuellement les appuyer financièrement afin d’atteindre l’objectif d’une santé dentaire abordable et de bonne qualité pour tous les Canadiens.

Dans l’esprit du fédéralisme coopératif qui a été la voie à suivre pendant la majeure partie de l’histoire du Canada, j’ai bon espoir que de tels partenariats seront établis et prospéreront et que les Canadiens en bénéficieront. Merci.

L’honorable Pat Duncan : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.

Vous avez peut-être déjà entendu l’expression « Parfois, plus je m’empresse, plus j’accuse de retard ». Quiconque a déjà tenté de confectionner un cadeau à la main avant une certaine date — Noël s’en vient — ou d’assembler un lit dans l’intention d’y dormir le soir venu reconnaîtra sans doute la véracité de cet énoncé. Autrement dit, parfois, il faut faire les choses un peu plus lentement ou à tout le moins respecter la limite de vitesse pour arriver à destination.

Honorables sénateurs, il a déjà été dit plusieurs fois au Sénat et il sera sans doute répété maintes fois encore qu’il faut viser le bon plutôt que la perfection. J’ai également entendu une comparaison entre la légifération et la fabrication de saucisses : il vaut mieux ne pas connaître tous les ingrédients et tous les efforts qu’il a fallu déployer pour rendre le produit final alléchant.

Les législateurs savent sans doute également ce que sont les projets de loi correctifs, ces projets de loi qui doivent être présentés lorsqu’une renumérotation s’impose ou qu’il faut corriger une nuance dans la version française ou anglaise ou apporter un petit changement de nom. On les appelle parfois les projets de loi d’ordre administratif. Ni l’opposition ni le gouvernement n’aiment ces projets de loi.

De toute évidence, le projet de loi C-31 a été élaboré plutôt rapidement, car de nombreux détails doivent être réglés. On nous a informés qu’il s’agissait d’une mesure provisoire. Le projet de loi C-31 n’est pas aussi bien ficelé que les sénateurs l’auraient souhaité, mais s’il est adopté, il aidera les Canadiens qui consacrent une portion substantielle de leur revenu au loyer et fournira de l’argent pour les soins dentaires des enfants canadiens dont la famille ne bénéficie pas d’un régime d’assurance dentaire. Cette mesure législative vise un objectif absolument essentiel et, en cette période difficile, il est nécessaire que l’argent soit versé aussitôt que possible. J’appuie le projet de loi et son adoption immédiate. Mon intervention sera brève et je me concentrerai uniquement sur les dispositions concernant les soins dentaires.

Honorables sénateurs, en toute bonne conscience, je ne peux pas voter pour le projet de loi C-31 sans faire état publiquement d’une sérieuse préoccupation ou, pour utiliser une expression courante en politique, faire la lumière sur le problème.

À maintes reprises, les médias et les témoins qui se sont présentés devant le Comité sénatorial des finances nationales ont indiqué que le programme de soins dentaires s’inspirera du Programme des services de santé non assurés. Permettez-moi de donner brièvement quelques précisions.

Comme l’a dit en l’an 2000 le premier ministre du Manitoba de l’époque, Gary Doer, pendant une discussion des premiers ministres de l’Ouest qui portait — ô surprise — sur l’augmentation des transferts en santé, le Canada est le 14e territoire ou province à la table fédérale-provinciale-territoriale sur les soins de santé. Le Canada a une obligation fiduciaire à l’égard de la santé des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Le gouvernement fédéral a aussi d’autres responsabilités, notamment celles qui concernent les Forces armées canadiennes. Je me concentrerai aujourd’hui sur les Autochtones qui reçoivent des services de santé fournis par l’entremise du Programme des services de santé non assurés. Permettez-moi d’expliquer très concrètement la situation du Yukon.

Si vous avez plus de 65 ans, votre carte-santé du Yukon vous donne droit à plusieurs services qui vont au-delà de ceux qui sont généralement financés par les gouvernements; elle couvre, par exemple, les lunettes d’ordonnance, les dentiers et certains médicaments. Ces dépenses sont toujours approuvées et payées par les services de soins de santé du gouvernement du Yukon — sauf si vous êtes membre d’une Première Nation. Dans ce cas, c’est plutôt le Programme des services de santé non assurés, le PSSNA, qui approuve et paie les frais relatifs aux médicaments, aux lunettes et aux soins dentaires. Cela nous amène à la première grande préoccupation que soulève le projet de loi à l’étude. Les enfants des Premières Nations du Yukon ont déjà accès à des soins dentaires. Le projet de loi ne s’applique pas aux enfants autochtones du Canada, mais, aux fins de l’administration de ce programme temporaire, tous les services qui vont au-delà de ceux qu’offre le PSSNA et sont payés par les parents peuvent être remboursés jusqu’à concurrence de 650 $ ou conformément à tout autre rajustement apporté par le gouvernement. Je me dois d’envoyer des signaux d’alarme, puisque le gouvernement entend employer le PSSNA ou un système semblable comme modèle, même de façon temporaire, pour fournir ces soins dentaires essentiels.

Honorables sénateurs, voici un autre exemple que j’ai déjà présenté à mes collègues du Comité des finances nationales. Le barème de frais de la Colombie-Britannique prévoit 87,30 $ pour un examen dentaire complet; le PSSNA couvre 65,94 $. En Alberta, les frais sont de 77,18 $ et le PSSNA couvre 74 $. Au Yukon, les frais sont de 118 $ et le PSSNA couvre 95,97 $. C’est donc dire que le Programme des services de santé non assurés couvre 76 % des frais en Colombie-Britannique, 96 % en Alberta et 81 % au Yukon. Comme le montre l’exemple de ces deux provinces et de ce territoire, la couverture qu’offre le PSSNA diffère d’une région à l’autre du pays.

(1440)

Plutôt que de simplement accepter mon point de vue dans le cadre du présent débat, j’invite les sénateurs à lire la soumission de l’Association canadienne des hygiénistes dentaires à l’intention du Comité des finances nationales. Leur lettre, qui remonte au 1er novembre, indique que la plateforme du PSSNA comporte son lot de défis que le gouvernement devrait — je dirais même qu’il doit — régler afin d’harmoniser et de simplifier le processus établi pour les professionnels de la santé buccodentaire autorisés qui participent au programme.

Le sénateur Colin Deacon, dans sa question il y a quelques instants, a fait une suggestion très raisonnable qui, je l’espère, sera prise en considération par les hauts fonctionnaires chargés de ce programme.

Honorables sénateurs, je ne suis pas la première dans cette enceinte à soulever des inquiétudes à propos du PSSNA. Il n’y a pas si longtemps, le 17 mai 2022, notre collègue la sénatrice Yonah Martin s’est exprimée comme suit en parlent du projet de loi S-242, à la page 1427 des Débats du Sénat  :

Selon le site Web des Services aux Autochtones Canada, les fournisseurs de services de santé mentale « doivent être inscrits auprès d’Express Scripts Canada », un outil de gestion de la santé en ligne : [...] afin de facturer le programme des [services de santé non assurés] pour les services fournis aux clients des Premières Nations et des collectivités inuites admissibles. Veuillez prendre note que les fournisseurs qui ne sont pas inscrits auprès d’Express Scripts Canada ne pourront plus soumettre de réclamation pour le programme des SSNA.

Chers collègues, je suis heureuse que l’on entre ici dans les détails administratifs du projet de loi. C’est le point critique. Nous voulons nous assurer du versement de ces prestations à ceux qui en ont besoin et de la réalisation des intentions du gouvernement avec ce projet de loi.

Les lettres de mandat des ministres contiennent l’expression « approche pangouvernementale ». Ce programme de prestations doit adopter une optique pangouvernementale pour examiner ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans certains secteurs, afin que les prestations prévues dans le projet de loi C-31 soient fondées sur les renseignements disponibles et constituent le meilleur programme possible. Pour ma part — et je crois que je peux compter sur mes collègues du Comité des finances nationales, ainsi que sur vous tous, dans nos efforts de transparence et de reddition de compte —, je suivrai la situation. Nous observerons les résultats.

Honorables sénateurs, je salue l’intention du gouvernement pour ce qui est du programme dentaire et du programme d’aide pour le loyer dont traite le projet de loi C-31, et j’attends avec impatience les résultats de rendement. J’espère qu’avec ces commentaires, après avoir attiré votre attention sur les défis liés au programme des services de santé non assurés, et compte tenu de l’attention actuelle accordée aux soins de santé au Canada, et peut-être un tant soit peu de coopération fédérale, provinciale et territoriale, il y aura un examen plus approfondi des services comme les services de santé non assurés et que les Premières Nations, les Métis et les Inuits — tous les Canadiens, en fait — puissent recevoir les services améliorés qu’ils méritent.

Je tiens à remercier sincèrement le sénateur Yussuff de parrainer ce projet de loi, ainsi que tous mes collègues qui ont fait un discours. Je veux également féliciter la Chambre et le Sénat. Je vous remercie d’avoir écouté mon discours. Mahsi’cho. Gùnáłchîsh.

[Français]

L’honorable Clément Gignac : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif, qui a été adopté par la Chambre des communes le 27 octobre 2022. J’aimerais saluer tous mes collègues qui ont pris la parole jusqu’à présent et les remercier de leurs réflexions, et souligner en particulier le travail du sénateur Hassan Yussuff, qui a habilement parrainé ce projet de loi au Sénat.

[Traduction]

En tant que membre du Comité des finances nationales, je considère que ce fut un privilège pour moi d’étudier ce projet de loi. Certains m’ont fait remarquer que ce projet de loi de 35 pages a été approuvé à l’étape de l’étude article par article par le Comité des finances nationales en à peine 15 minutes et qu’aucun amendement ou proposition n’ont été formulés. Je leur souligne que cela ne reflète pas tout le travail mené en amont au sujet de ce projet de loi grâce au leadership du président du comité, le sénateur Mockler.

D’ailleurs, 5 réunions spéciales ont été tenues au sujet du projet de loi et nous avons reçu près de 25 témoins, dont 3 ministres fédéraux venus témoigner ensemble, ce qui était probablement une première dans l’histoire récente de ce comité sénatorial.

[Français]

Comme on l’a mentionné précédemment, le projet de loi C-31 vise à soulager les pressions actuelles auxquelles sont confrontées les personnes et les familles canadiennes à faible revenu, qui sont malheureusement les plus frappées par la poussée de l’inflation. Plus précisément, sous réserve de limites de revenu maximales, ce projet de loi fournira jusqu’à 650 $ par année pendant deux ans en soutien dentaire aux enfants âgés de moins de 12 ans et jusqu’à 500 $ en allocation de logement unique pour les Canadiens dans le besoin. Bien que de nature temporaire, les mesures contenues dans le projet de loi C-31 en matière de logement et de prestations dentaires contribueront quand même à soutenir ceux qui en ont le plus besoin.

Mes prochaines remarques seront plus spécifiques et concerneront chacune de ces deux mesures que contient le projet de loi.

En ce qui concerne la prestation dentaire temporaire, mentionnons que le Bureau du directeur parlementaire du budget estime à environ 700 millions de dollars le coût total de ce programme temporaire, en attendant la mise sur pied d’un véritable régime canadien d’assurance dentaire d’ici 2025. Lors des audiences qu’a tenues le Comité des finances nationales, j’ai soulevé trois préoccupations que j’aimerais partager avec vous.

[Traduction]

Comme l’a expliqué la sénatrice Seidman à l’étape de la deuxième lecture, toutes les provinces ont déjà mis en place des programmes de soins dentaires, même si la couverture de ces programmes est très inégale d’une province à l’autre.

Au Québec, il existe déjà un programme de soins dentaires universel pour les enfants de moins de 10 ans. C’est notamment pour cette raison que le directeur parlementaire du budget estime que seulement 13 % des coûts de ce nouveau programme temporaire fédéral seront attribuables aux soins prodigués au Québec, même si la population de cette province représente le quart de la population canadienne.

[Français]

Étant donné l’intention du gouvernement fédéral d’étendre ce programme de manière continue au cours des prochaines années aux jeunes de 18 ans et moins, aux personnes âgées et aux personnes vivant avec un handicap, et ce, dans un champ de compétence provinciale, il incombe au gouvernement de faire preuve de souplesse et d’envisager que les provinces puissent se prévaloir des dispositions de non-participation avec compensation financière, soit le fameux opting out, qui est évidemment conditionnel au respect de certaines conditions.

Du même coup, cette approche pragmatique serait plus respectueuse d’un fédéralisme décentralisé, d’autant plus que les professions de dentiste et d’hygiéniste dentaire sont réglementées par les provinces. D’ailleurs, la grille de tarifs recommandée pour la prestation de soins dentaires varie d’une province à l’autre. En bref, tout en appuyant cet objectif du gouvernement fédéral d’assurer une couverture universelle des soins dentaires d’un océan à l’autre, en particulier pour nos jeunes, je souhaite que le gouvernement fédéral — un peu comme l’a exprimé le sénateur Mockler — soit réceptif aux demandes des provinces — y compris le Québec —, qui voudront peut-être administrer elles-mêmes leur propre système dentaire avec une pleine compensation, si les conditions sont respectées, évidemment.

Comme je l’ai déjà mentionné au comité, il existe déjà assez de tensions dans les relations fédérales-provinciales dans le domaine de la santé, comme on a pu le constater à Vancouver, et il n’est pas nécessaire d’en ajouter une autre couche en établissant un régime national d’assurance dentaire sans consulter les provinces.

Ma seconde préoccupation a trait à la capacité des cliniques dentaires et de tout l’écosystème d’accepter subitement autant de nouveaux clients sans que cela engendre une hausse des coûts généralisée ou sans que cela augmente le temps d’attente pour les clients actuels, qui peinent souvent à obtenir un rendez-vous.

Nous avons appris, lors des audiences du comité, qu’il y a à la fois une pénurie d’hygiénistes dentaires au Canada et un problème d’accès à des dentistes qualifiés partout au pays, particulièrement dans nos régions plus éloignées.

Espérons que l’Association canadienne des dentistes et des hygiénistes dentaires sera en mesure de travailler avec les collèges d’enseignement universitaire partout au Canada pour relever ce défi et offrir les services nécessaires à tous les jeunes Canadiens admissibles.

Espérons aussi que les cliniques dentaires respecteront à la lettre la grille des frais proposée par leur ordre professionnel et n’en profiteront pas pour imposer une petite surcharge, étant donné la hausse subite de la demande qui risque de se produire.

Ma troisième préoccupation a trait à la facture annuelle totale que devront assumer les contribuables canadiens lorsqu’un tel régime d’assurance dentaire sera mis en place en 2025. Pour l’instant, le gouvernement prévoit que le coût annuel récurrent du futur régime d’assurance dentaire devrait atteindre 1,7 milliard de dollars à compter de 2025.

(1450)

Or, cela ne tient pas compte du fait que certains employeurs pourraient en profiter pour revoir à la baisse la couverture des soins dentaires prévue dans le cadre de leur propre régime d’assurance dentaire afin d’économiser de l’argent. Sur ce point, j’ai la même préoccupation que mon collègue l’honorable sénateur Loffreda. Quel mécanisme de surveillance sera mis en place pour éviter une hausse considérable de la facture aux contribuables canadiens et pour veiller à ce que les employeurs ne se désistent pas pour être à la charge du gouvernement?

À ce stade-ci, personne n’a vraiment été en mesure de nous fournir des réponses. Avec la poussée de l’inflation et l’incertitude entourant le comportement des employeurs face à ce régime national d’assurance dentaire, vous me permettrez, chers collègues, d’exprimer une certaine inquiétude et un peu de scepticisme quant à l’évaluation du coût de 1,7 milliard de dollars par année pour ce futur programme, à compter de 2025.

[Traduction]

Comme on dit, restez à l’écoute.

[Français]

Mes prochaines remarques porteront sur le second volet du projet de loi C-31, soit la création d’une prestation unique de 500 $ à l’intention des locataires canadiens à faible revenu. Si ce projet de loi est adopté, rappelons que les personnes ayant consacré au moins 30 % de leur revenu à leur loyer en 2022, et dont le revenu est inférieur à 20 000 $ pour une personne seule ou inférieur à 35 000 $ pour une famille, seront admissibles à cette prestation. Le directeur parlementaire du budget estime que le coût de cette mesure ponctuelle devrait atteindre près d’un milliard de dollars.

Tout comme nous l’avons fait pendant l’étude du projet de loi C-30, nous avons soulevé, devant le comité, le fait qu’en moyenne, 10 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus pour diverses raisons — surtout les plus démunis —, et il s’agit d’un ratio encore plus élevé au Nunavut, comme le sénateur Patterson l’a déjà mentionné. Du même coup, ces personnes ne toucheront pas cette prestation unique de 500 $, à moins qu’ils ne produisent finalement leur déclaration de l’année précédente. La ministre du Revenu, lors de son témoignage devant le comité, a tenté de nous rassurer et nous a dit qu’elle faisait tout en son pouvoir pour inciter les Canadiens à faible revenu à produire les déclarations de revenus afin d’avoir accès à ce programme.

[Traduction]

En conclusion, honorables sénateurs, ces programmes ciblés prévus dans le projet de loi C-31 et contenus dans le récent projet de loi C-30 pour aider les Canadiens à faible revenu sont d’excellentes initiatives qui méritent notre appui.

Toutefois, comme l’a souligné le sénateur Cotter, le gouvernement fédéral doit consulter les provinces pour déterminer en toute bonne foi quel ordre de gouvernement est le mieux placé pour fournir ces services dentaires, étant donné que ceux-ci sont réglementés par les provinces.

Pour l’instant, le gouvernement fédéral a pu lancer de nombreuses nouvelles initiatives au cours des 12 derniers mois tout en réduisant sensiblement les déficits, notamment grâce à l’inflation, car celle-ci aide le gouvernement à générer des recettes.

Un jour, et peut-être un jour pas si lointain, les sources de revenus fédéraux seront moins abondantes et plus limitées, peut-être à cause d’une récession ou du contexte géopolitique. Nous devons éviter de répéter l’expérience des années 1990, lorsque ce sont les provinces qui ont subi les contrecoups de l’assainissement des finances fédérales, attribuables aux réductions massives des paiements de transfert aux provinces versés par Ottawa, en raison des dépenses effrénées qui avaient été faites au cours des années précédentes.

[Français]

En terminant, je tiens à remercier tous mes collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales pour leurs réflexions et leur engagement. J’ai déjà hâte d’entreprendre avec eux l’étude du prochain projet de loi C-32 lié à l’énoncé économique du 3 novembre dernier qui promet d’être assez costaud avec ses 172 pages. J’aurai, à ce moment-là, beaucoup plus de choses à dire sur les diverses initiatives du gouvernement fédéral au sortir de cette pandémie et surtout sur les risques qui pèsent sur nos finances publiques en cas d’une détérioration potentielle de l’économie.

Entre-temps, chers collègues, j’appuierai le projet de loi C-31.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole au sujet du projet de loi C-31. Avant de commencer mon intervention, j’aimerais remercier le sénateur Yussuf, qui est le parrain du projet de loi, la sénatrice Seidman, qui est la porte-parole pour cette mesure législative, et tous mes collègues qui sont intervenus à son sujet.

Le projet de loi prévoit une aide financière pour deux programmes qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Le premier est un programme de soins dentaires destiné aux enfants de moins de 12 ans dont les familles répondent aux critères définis dans la loi. Le deuxième est un programme d’aide pour le loyer, qui fournirait une aide financière aux personnes et aux familles locataires répondant aux critères définis dans la loi.

Puisque les deux programmes n’ont aucun lien entre eux, je parlerai d’abord du programme de soins dentaires pour les enfants de moins de 12 ans. Ce programme énoncé dans le projet de loi C-31 est la première phase d’un programme dentaire national, qui a été annoncé dans le budget de 2022. Le budget propose d’accorder un financement de 5,3 milliards de dollars sur cinq ans, en commençant par 300 millions de dollars cette année, et de 1,7 milliard de dollars par année par la suite pour offrir des soins dentaires aux Canadiens.

Le programme couvrira d’abord les personnes de moins de 12 ans cette année, puis sera élargi l’année prochaine aux moins de 18 ans, aux aînés et aux personnes en situation de handicap.

La mise en œuvre complète du programme dentaire national aura lieu en 2025. Pour cette année, le programme de soins dentaires est réservé aux familles dont le revenu annuel est inférieur à 90 000 $, et les familles dont le revenu annuel est inférieur à 70 000 $ ne paient pas de quote-part.

Des représentants de Santé Canada ont déclaré au Comité des finances que le programme destiné aux enfants de moins de 12 ans devrait permettre de fournir des services dentaires à un demi‑million d’enfants dans tout le pays.

Dans le budget de 2022, on prévoyait que le coût du programme de soins dentaires pour les enfants de moins de 12 ans au cours du présent exercice financier serait de 300 millions de dollars, comparativement au coût estimé de 247 millions de dollars communiqué par le directeur parlementaire du budget.

Toutefois, le directeur parlementaire du budget nous a dit, en parlant de l’estimation du coût du programme de soins dentaires, qu’il serait à l’avantage des législateurs d’avoir des projections beaucoup plus solides que celles que nous avons actuellement en ce qui concerne non seulement le projet de loi C-31, mais aussi le programme de soins dentaires dans son ensemble. Il a dit que le projet de loi C-31 n’est qu’une mise de fonds sur un programme qui est censé être beaucoup plus vaste et permanent. Pour insister sur ce point, il a poursuivi en disant qu’à son avis, il n’est pas normal que nous ne disposions pas de meilleures informations.

Une autre question importante qui fait l’objet de discussions au comité, c’est l’harmonisation du programme de soins dentaires avec les programmes existants, ou devrais-je dire, le manque d’harmonisation. Lors des témoignages entendus au Comité des finances nationales, nous n’avons pas pu obtenir de description claire de la façon dont le programme fédéral de soins dentaires qui est proposé sera harmonisé avec les programmes provinciaux et les régimes d’assurance privés.

Une étude réalisée en 2019 par l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, l’ACMTS, a trouvé plus de 80 programmes publics de santé buccodentaire de responsabilité fédérale, provinciale ou territoriale, avec des variations importantes entre ces programmes du point de vue des critères d’admissibilité, des services couverts et des taux de remboursement.

Bien que cela indique que le secteur public finance les soins dentaires au Canada, la plupart des frais dentaires sont payés soit par une assurance dentaire privée, soit directement par les Canadiens ou leur famille.

M. Giroux, le directeur parlementaire du budget, a déclaré dans son témoignage qu’il ne voyait dans le projet de loi aucune disposition visant à harmoniser un nouveau programme de soins dentaires avec les programmes existants. Au contraire, les enfants dont les parents ont une assurance dentaire privée n’y sont pas admissibles, et ceux qui sont couverts par un régime provincial n’y sont admissibles que dans la mesure où ils doivent payer eux‑mêmes les frais. Les provinces et les régimes privés sont les premiers payeurs, et le programme fédéral vient ensuite. Il a affirmé ne pas avoir constaté l’intention d’harmoniser ce programme avec les autres.

Dans son témoignage, l’Association canadienne des hygiénistes dentaires a dit craindre que les employeurs canadiens abrogent les régimes d’assurance dentaire privés pour se décharger de la couverture sur le programme fédéral. De même, on craint que les programmes provinciaux soient réduits une fois le programme fédéral mis en œuvre. Cependant, le ministre de la Santé, M. Duclos, a assuré au comité qu’on ne s’attend pas à ce que des régimes déjà en place soient transférés ou supplantés.

(1500)

Au Comité sénatorial des finances, le Dr Walter Siqueira, doyen du College of Dentistry de l’Université de la Saskatchewan, a dit que les étudiants des 10 écoles de dentisterie du pays offrent des soins dentaires professionnels à de nombreux patients, y compris certains patients qui bénéficieront du programme de soins dentaires proposé. Ces services sont offerts à moindre coût, et les étudiants en dentisterie peuvent acquérir une expérience pratique avant d’obtenir leur diplôme. Le Dr Siqueira a indiqué que ces étudiants craignent de perdre certains patients en raison du nouveau programme, et ce serait une grande perte pour les étudiants et les écoles de dentisterie.

Plusieurs sénateurs souhaitaient déterminer quels seraient les résultats du programme de soins dentaires, notamment en faisant une étude comparative du coût du programme et des économies dans les programmes de santé, qui devront s’occuper des problèmes découlant de la mauvaise santé dentaire chez les enfants. J’ai passé beaucoup de temps à étudier les rapports sur les résultats ministériels, et ils révèlent que bon nombre de ministères et d’organismes gouvernementaux ne sont même pas en mesure de respecter la moitié des normes de rendement qu’ils s’imposent, alors je doute qu’une analyse comparative des coûts et des économies soit effectuée.

M. Giroux, en répondant à une question sur le sujet, a dit ce qui suit d’une façon beaucoup plus éloquente que je ne le ferai. Il a dit qu’il était essentiel d’essayer de mesurer les avantages et les effets significatifs. Cependant, selon lui, rien n’indique que le gouvernement a l’intention de mesurer les avantages du programme dentaire. Il a ajouté que, si le passé est garant de l’avenir, il doutait qu’une telle évaluation se fasse. Il a conclu « qu’il est peu probable, malheureusement, [que le gouvernement] mesurera les effets du projet de loi [C-31] ».

D’ailleurs, Santé Canada, dans son rapport sur les résultats ministériels de 2020-2021, indique que le ministère n’a atteint que 42 % de ses indicateurs de rendement alors que l’Agence de la santé publique du Canada affiche un taux de 29 %.

Honorables sénateurs, je suis en faveur d’un programme dentaire pour les enfants, qu’il soit fédéral ou provincial, ou les deux à la fois. En tant qu’ancienne enseignante au primaire, j’ai pu constater par moi-même les conséquences d’une mauvaise hygiène dentaire chez les enfants de moins de 12 ans. Je ne parle pas seulement du mauvais état de leurs dents, mais de la douleur et de l’inconfort qu’ils doivent endurer lorsqu’ils ont des problèmes dentaires et qu’ils n’ont pas accès aux services nécessaires. Les chirurgies dentaires d’un jour pour les enfants ne sont pas rares. Dans un pays comme le Canada, tous les enfants devraient avoir accès à un dentiste et recevoir régulièrement des soins dentaires.

Il est malheureux que le gouvernement fédéral ne propose pas un véritable programme de soins dentaires. Il s’agit d’une occasion ratée de veiller à ce que les enfants reçoivent vraiment des soins dentaires. Avec le projet de loi C-31, le gouvernement propose une aide financière aux familles à faible revenu sans aucune garantie que les enfants vont vraiment recevoir les soins dentaires dont ils ont besoin. Même l’Agence du revenu du Canada a été incapable de nous dire comment on fera pour s’assurer qu’un enfant a effectivement reçu les soins dentaires une fois l’argent versé.

Mes derniers commentaires sur le programme dentaire portent sur la pertinence du financement fourni. Il y a deux périodes de prestations : du 1er octobre 2022 au 30 juin 2023, puis du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.‍ Les prestations seraient de 650 $ par enfant si le revenu familial net modifié est inférieur à 70 000 $; de 390 $ par enfant si le revenu familial net modifié se situe entre 70 000 $ et 80 000 $; et de 260 $ par enfant si le revenu familial net modifié se situe entre 80 000 $ et 90 000 $.

Il y a eu des discussions concernant la pertinence du financement et les recours de la famille si le montant approuvé était insuffisant.

L’Association dentaire canadienne nous a informés que, selon un échantillon représentatif de plus de 109 000 demandes de règlement électroniques soumises en mars 2022 dans l’ensemble des provinces et territoires, le coût médian des demandes de règlement était de 150 $ par visite pour les patients de moins de 12 ans. Toujours selon l’association, 95,6 % des demandes de règlement soumises pour des enfants de moins de 12 ans étaient inférieures à 650 $. Ce pourcentage était relativement stable d’une région à l’autre, puisqu’il allait de 91 % à 99 %. Il semble donc que la prestation prévue sera suffisante pour la plupart des enfants. Par contre, qu’arrive-t-il si un enfant a besoin de soins dentaires qui coûteront plus que la somme prévue par la loi? Ce problème n’a pas été résolu.

Le programme dentaire décrit dans le projet de loi C-31 n’est pas vraiment un programme dentaire : c’est plutôt un programme d’aide financière géré par l’Agence du revenu du Canada, qui a pour tâche première de gérer les lois fiscales pour le Canada et la plupart des provinces et territoires et de percevoir des taxes et impôts. Le programme dentaire n’est même pas géré par le ministère de la Santé ni par le ministère du Développement social.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-31 propose également d’offrir un programme d’aide de 500 $ aux locataires qui répondent aux critères prévus par la mesure législative. Les loyers ne cessent d’augmenter, et l’augmentation des taux d’intérêt par la Banque du Canada aura des répercussions sur le marché locatif. D’après la chambre immobilière régionale de Toronto, rien qu’à Toronto, les loyers ont augmenté de 20 % par rapport à l’année dernière. L’objectif du programme d’aide aux locataires du gouvernement est d’aider les locataires à faible revenu en leur accordant une aide financière de 500 $. Le gouvernement estime que ce programme bénéficiera à 1,8 million de locataires.

Pour y être admissibles, les locataires devront satisfaire plusieurs critères, bien que des représentants de l’Agence du revenu du Canada nous aient indiqué qu’elle ne vérifiera pas la conformité à tous les critères avant d’émettre les chèques. Ils nous ont dit que les plafonds de revenu net rajusté de 20 000 $ pour les particuliers et de 35 000 $ pour les familles peuvent être vérifiés par le biais du système fiscal, et que le demandeur devra fournir des renseignements indiquant que le loyer payé en 2022 représentait au moins 30 % de son revenu net rajusté. Ainsi, comme ils l’ont indiqué, il y aura une validation initiale de ce calcul, mais il n’y aura pas de vérification du loyer payé. L’Agence du revenu du Canada a plutôt l’intention de mettre en place des mesures de vérification et de contrôle de la conformité après l’émission des chèques, bien que les fonctionnaires n’aient pas été en mesure de nous donner quelque renseignement que ce soit sur la vérification et le contrôle de la conformité à ce stade.

Dans son budget de 2022, le gouvernement a indiqué que cette prestation de 500 $ coûterait environ 475 millions de dollars. Il a depuis augmenté cette estimation à 1,2 milliard de dollars, soit plus du double de l’estimation initiale. Je le mentionne parce qu’il s’agit d’une augmentation assez importante et je me demande comment le gouvernement a pu se tromper à ce point. Le directeur parlementaire du budget a estimé le coût de ce programme à 940 millions de dollars, mais il a été incapable de faire concorder son estimation de 940 millions de dollars avec l’estimation initiale de 475 millions de dollars ou l’estimation révisée de 1,2 milliard de dollars du gouvernement.

Dans son mémoire au comité, la fondation Maytree, un organisme de bienfaisance privé, a recommandé de supprimer l’obligation pour les demandeurs de payer au moins 30 % de leur revenu, car le plafond du revenu net ajusté de 20 000 $ pour une personne seule et de 35 000 $ pour une famille est si bas que toute proportion consacrée au loyer constituerait un fardeau financier. Elle a également affirmé que la section de la loi qui permet aux demandeurs qui vivent dans des habitations multifamiliales d’utiliser seulement 90 % de leur revenu pour déterminer s’ils consacrent au moins 30 % de leur revenu à leur loyer est injuste. Si la détermination est fondée sur 90 % du revenu des demandeurs, cela les empêchera peut-être tout juste d’être admissibles à l’allocation.

Si le gouvernement a prévu une aide financière pour les locataires dans le budget de 2022, il ne fait rien pour répondre au problème des taux d’intérêt et de l’augmentation des paiements hypothécaires des propriétaires. Le budget de 2022 compte un certain nombre d’initiatives visant à inciter les gens à acheter une maison. Ces initiatives s’appuyaient sur l’assurance donnée par la Banque du Canada que les taux d’intérêt n’augmenteraient pas. D’ailleurs, en juin 2020, la banque avait même dit de ne pas s’inquiéter de la possibilité que les taux d’intérêt augmentent.

En terminant, je voudrais parler en général de l’aide financière apportée aux particuliers et aux familles. Un projet de loi a récemment été présenté concernant l’augmentation des remboursements de la TPS. Le projet de loi à l’étude concerne les soins dentaires et l’aide aux locataires. J’ai bon espoir que d’autres mesures seront mises en œuvre, notamment celles de l’Énoncé économique de l’automne 2022. Chacun de ces programmes a ses propres critères, ses propres plafonds et, dans certains cas, des paliers quant à la hauteur de l’aide.

Le gouvernement a-t-il déterminé qui bénéficie de chacun de ces programmes pris individuellement, mais également pris dans leur ensemble? Y a-t-il des particuliers ou des familles qui auront accès à l’ensemble des programmes et, si c’est le cas, pourquoi ne pas les avoir regroupés sous un seul programme, voire deux? Chacun des programmes cible-t-il des groupes de particuliers ou de familles distincts? Si c’est le cas, s’agit-il des familles les plus démunies? Finalement, y a-t-il des particuliers ou des familles qui auraient besoin d’aide et que le gouvernement laisse tomber en raison des critères employés par les différents programmes? Merci, honorables sénateurs.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Ovide Mercredi, de Gerry Daly, de Danielle Mercredi et de Jason Taylor. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1510)

Projet de loi no 2 sur l’allègement du coût de la vie (soutien ciblé aux ménages)

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Kutcher, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, veuillez noter que je prononce aujourd’hui ce discours au nom de notre collègue, la sénatrice Mary Jane McCallum. Ce sont ses paroles :

Honorables sénateurs, malheureusement, j’ai reçu un résultat positif à un test de dépistage de la COVID-19. Je ne peux donc pas être présente au Sénat en ce moment. Sans la possibilité de siéger à distance, comme c’était le cas auparavant pour les sénateurs dans ma situation, je ne peux pas prononcer moi‑même mes observations, ce qui est regrettable.

Ce fait me laisse particulièrement perplexe, car nous avons vu des témoins exercer leur privilège de comparaître à distance devant des comités, alors que cette même possibilité n’est pas offerte aux sénateurs. Je ne veux pas m’attarder plus que nécessaire sur cette question, mais je crois qu’il est prudent de mentionner que je suis la preuve que la pandémie actuelle sévit toujours. Le Sénat s’est donné beaucoup de mal pour établir l’infrastructure permettant aux sénateurs de siéger à distance, s’ils sont physiquement incapables d’être présents en personne. Je suis déçue que l’on persiste à ne pas nous offrir cette option.

J’aimerais commencer par les délais injustes et arbitraires dans lesquels le projet de loi C-31 doit être soumis au vote à l’étape de la troisième lecture au Sénat. Comme certains d’entre vous s’en souviennent peut-être, j’ai souligné mon inquiétude quant au climat et à l’intention dans lesquels ce projet de loi est adopté. J’ai pu constater de visu à quel point la santé buccodentaire est essentielle à notre bien-être général. Mais permettre l’adoption rapide du projet de loi ne lui rendra pas justice, car il ne s’attaque pas sérieusement aux maladies dentaires.

D’innombrables professionnels de la santé dans le domaine des soins dentaires attendent depuis longtemps un tel programme. Toutefois, les professionnels dentaires ont toujours été conscients que, lorsque l’occasion se présenterait, nous aurions une seule chance. Nous avons une seule chance de faire de notre mieux pour bien faire les choses. Un tel programme pourrait être extrêmement bénéfique. Toutefois, on ne peut raisonnablement pas qualifier de programme le fait de remettre des chèques à des gens qui affirment avoir l’intention de recourir à des services dentaires.

L’un des éléments qui m’inquiètent au sujet du projet de loi concerne l’omission d’un fournisseur de soins dentaires. La section des définitions du projet de loi indique expressément que les dentistes, les denturologistes et les hygiénistes dentaires sont légalement autorisés à fournir une série de soins dentaires. Toutefois, un groupe important a été exclu, soit les thérapeutes dentaires, qui sont des professionnels dentaires enregistrés à part entière qui détiennent un permis. Ils sont formés pour offrir des soins cliniques dentaires de base, notamment des traitements préventifs et curatifs, ainsi que pour faire de la prévention générale des maladies et promouvoir la santé buccodentaire. Qui plus est, une bonne partie du travail qu’ils accomplissent s’adresse aux jeunes, qui sont les bénéficiaires expressément ciblés par le projet de loi C-31. Omettre d’inclure les thérapeutes dentaires dans la liste des fournisseurs de services de soins dentaires du projet de loi constitue un grave oubli, étant donné qu’ils ne pourront pas fournir ces services à des groupes précis d’enfants, ce qui créera une mosaïque de programmes dentaires provinciaux destinés à ces jeunes.

Même si nous avons étudié l’idée de proposer un amendement pour inclure les thérapeutes dentaires, cela a été jugé impossible dans la portée du projet de loi.

Chers collègues, une autre chose qui me préoccupe dans le projet de loi, c’est que la prestation est envoyée directement au demandeur, et non pas au fournisseur de service. Il n’est pas rare que les dentistes subissent des pertes sur les services qu’ils offrent, mais pour lesquels ils ne reçoivent pas un paiement direct, et ils n’ont aucun recours pour recouvrer ces dépenses. C’est pourquoi nombre de cabinets ont une politique de paiement anticipé.

Quand nous songeons aux familles à faible revenu, nous ne devons pas oublier que nombre d’entre elles sont confrontées à des choix qui peuvent paraître inimaginables pour nous, dans notre situation privilégiée. Or, pour nombre de Canadiens, la somme de 650 $ n’est vraiment pas négligeable.

Même si l’argent est demandé avec de bonnes intentions et pour de bonnes raisons, parfois, des choses arrivent. Il n’est pas impensable que certaines personnes se retrouvent dans une situation où elles doivent décider si l’argent reçu, déposé leur compte bancaire, ne serait pas mieux dépensé sur l’épicerie, le loyer ou des vêtements. Ces décisions difficiles sont la réalité de beaucoup de Canadiens.

Voilà, chers collègues, ce que nous appelons les déterminants sociaux de la santé. Pour un trop grand nombre de Canadiens, il y aura toujours des besoins fondamentaux qui seront source de préoccupations plus pressantes. Ce sont ces déterminants qui servent d’indicateurs pour expliquer pourquoi certaines de nos populations les plus vulnérables présentent des morbidités plus élevées et des résultats de santé plus mauvais que d’autres segments de la population canadienne. J’avais également envisagé un amendement à ce sujet, mais il aurait nécessité une réécriture complète du projet de loi.

Honorables sénateurs, une autre question que j’aimerais soulever est le manque flagrant de mécanismes de contrôle pour l’affectation d’un montant aussi important de fonds publics. Si vous cherchez dans le projet de loi, vous constaterez qu’il n’existe aucun mécanisme de reddition de comptes dans cette législation. Le ministre n’est pas tenu de faire rapport au Parlement et de donner aux parlementaires et aux Canadiens une idée de la façon dont l’argent a été dépensé — s’il a été dépensé de manière efficace et efficiente, ou s’il y a eu des tendances inquiétantes avec des demandes non valides et, par conséquent, un détournement involontaire des deniers publics.

Étant donné la nature, l’esprit et l’intention du programme, je pense que les parlementaires devraient avoir la possibilité de savoir si celui-ci fonctionne comme prévu. J’ajoute que s’il ne fonctionne pas comme prévu, les parlementaires ont le droit de le savoir aussi.

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose un amendement pour corriger cette omission. L’amendement ne change pas la portée, le fond, ni les effets du projet de loi; seulement, il impose au ministre une obligation de faire rapport afin que nous, les parlementaires, sachions que le projet de loi que nous adoptons — qui, encore une fois, prévoit l’attribution d’un montant considérable d’argent public — parviendra aux résultats attendus.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Kim Pate : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-31 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 2, à la page 15, par adjonction, après la ligne 18, de ce qui suit :

« Rapport

31 Pour les exercices 2022-2023 à 2027-2028 inclusivement, le ministre fait déposer devant chaque chambre du Parlement, au plus tard le quatre-vingt-dixième jour suivant la fin de chaque exercice, les renseignements ci-après à l’égard de la présente loi pour l’exercice précédent :

a) le nombre de demandes de prestation dentaire reçues;

b) le montant total des prestations dentaires versées, et le montant de ces prestations ventilé par tranche d’imposition fédérale des demandeurs;

c) le montant total des prestations dentaires versé aux demandeurs ventilés selon l’éligibilité du demandeur au titre de chacune des dispositions du paragraphe 9(1);

d) le nombre de demandeurs de qui des renseignements ou des documents ont été exigés en vertu du paragraphe 16(1);

e) le nombre de demandeurs jugés inadmissibles à une prestation dentaire en vertu du paragraphe 16(2);

f) le nombre de réexamens effectués en vertu du paragraphe 18(1);

g) le nombre de demandeurs à l’égard desquels il a été conclu, aux termes du paragraphe 18(2), qu’ils avaient touché une prestation dentaire à laquelle ils n’avaient pas droit;

h) le total des sommes versées à titre de prestation dentaire à des personnes qui n’y avaient pas droit;

i) le total des sommes recouvrées auprès de personnes ayant reçu une somme à titre de prestation dentaire à laquelle elles n’avaient pas droit;

j) le nombre de cas où une créance a été reconnue conformément au paragraphe 21(5);

k) le nombre de personnes qui, de l’avis du ministre, ont commis une violation au sens du paragraphe 23(1) et le montant total des pénalités infligées en vertu du paragraphe 23(2). ».

Merci, meegwetch.

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord remercier la sénatrice Pate de nous avoir transmis les préoccupations de la sénatrice McCallum au sujet de ce projet de loi. Je remercie aussi la sénatrice McCallum pour ses efforts à participer au Comité des finances nationales et à présenter certaines de ces mêmes préoccupations au ministre, notamment concernant le versement de la prestation.

J’aimerais commencer par la question de la fraude. Comme le projet de loi l’indique, grâce au système informatique de l’Agence du revenu, on vérifiera l’admissibilité du revenu de demandeur, la présence d’enfants et leur âge, bien entendu, au moment de la demande et avant que la prestation ne soit versée.

Au moment de soumettre sa demande, le parent admissible devra fournir les renseignements suivants afin de confirmer son admissibilité : les coordonnées du professionnel qui a fourni ou fournira des soins dentaires; les coordonnées de son employeur, s’il en a un, afin de vérifier si l’employeur offre une assurance dentaire; et tout autre renseignement requis pour vérifier son admissibilité.

On indiquera aux demandeurs qu’ils devront pouvoir démontrer qu’ils répondent aux critères d’admissibilité. Ils devront notamment prouver, reçus à l’appui, que la prestation obtenue a bien servi à payer pour des soins dentaires.

(1520)

En outre, après coup, des processus de vérification seront utilisés selon les pratiques courantes de l’Agence du revenu du Canada et grâce aux pouvoirs énoncés dans le projet de loi.

L’Agence du revenu du Canada continue de renforcer la sécurité de ses services numériques afin de protéger les Canadiens contre les activités frauduleuses. Il s’agit de caractéristiques de sécurité telles que l’authentification multifactorielle et le recours obligatoire à une adresse courriel pour ceux qui utilisent un compte Mon dossier.

En cas de mauvaise utilisation délibérée et grave, comme pour les autres programmes gouvernementaux qu’elle gère, l’Agence du revenu du Canada disposera d’une gamme d’outils — énoncés dans le projet de loi — pour maintenir l’intégrité du programme. La loi sur la prestation dentaire définit les violations et les infractions criminelles relatives aux prestations offertes en vertu de la loi, comme l’utilisation de faux renseignements identificateurs, ainsi que des sanctions, y compris des amendes et les peines d’emprisonnement possibles.

Il ne fait aucun doute — je pense que le point que la sénatrice McCallum soulève, c’est que les parents qui sont confrontés à de nombreux problèmes et qui essaient de gérer une famille et de subvenir aux besoins de leurs enfants pourraient détourner les prestations à d’autres fins. Je sais que de nombreuses familles de travailleurs sont honnêtes et bien intentionnées quant à l’utilisation de cet argent. Je ne peux pas dire avec certitude qu’il n’y aura pas de fraude, mais si c’est le cas, le projet de loi prévoit clairement que l’Agence du revenu du Canada peut poursuivre les familles concernées. J’espère que, dans une large mesure, elle n’aura pas à le faire.

Honorables collègues, je crois que, sur ce point, le projet de loi répond aux éléments soulevés par la sénatrice McCallum.

Il est vrai que les dentistes préféreraient être payés sur-le-champ. Je le sais très bien. Quand je vais chez mon dentiste, je dois payer au moment de recevoir le service. Encore une fois, comme le prévoit le projet de loi, une famille peut soumettre une demande à l’Agence du revenu du Canada pour recevoir l’argent avant de recevoir un traitement. Ainsi, elle pourra payer le dentiste à temps, c’est-à-dire avant que leur enfant reçoive les soins dentaires.

En ce qui concerne le dernier élément relatif aux thérapeutes dentaires, il s’agit d’une question importante soulevée par la sénatrice McCallum, quoique je pense qu’elle a été aussi soulevée par d’autres. Les thérapeutes dentaires fournissent des services importants en matière de prévention et de soins pour les enfants, comme pour les adultes. Le fait est que le projet de loi n’est pas clair sur cette question. Je pense que le ministre a bien compris le point de vue de la sénatrice McCallum lors de son passage devant le comité. J’espère qu’au moment où le gouvernement mettra en œuvre ce projet de loi, s’il obtient l’appui des sénateurs aujourd’hui puis la sanction royale, il clarifiera cet élément, car je pense que ces thérapeutes fournissent des services importants. Je demande simplement aux sénateurs de voter contre cet amendement, parce que je crois qu’il retardera l’adoption du projet de loi, mais aussi que nous avons déjà entendu beaucoup d’arguments dans une large mesure. Par-dessus tout, le projet de loi contient des dispositions pour traiter la plupart d’entre eux.

En ce qui concerne la question des thérapeutes, j’espère que le gouvernement réfléchira et qu’il fournira des lignes directrices sur la façon dont cela peut être accompli de manière à satisfaire les besoins des familles qui cherchent un traitement et qui ont la possibilité d’avoir accès à des thérapeutes dentaires là où ils se trouvent pour fournir des services aux enfants. Je vous remercie.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : J’entends un non. L’amendement est rejeté. Pardon?

Le sénateur Plett : Nous avons dit oui.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, je ne vous ai pas entendu. Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Quinze minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 15 h 38. Convoquez les sénateurs.

(1540)

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Pate, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Pate
Carignan Patterson
Housakos Plett
MacDonald Richards
Manning Seidman
Marshall Wells—14

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Jaffer
Black Klyne
Boehm Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Clement Loffreda
Cormier Marwah
Cotter Massicotte
Dalphond Mégie
Dasko Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Deacon (Ontario) Omidvar
Dean Petitclerc
Duncan Quinn
Dupuis Ringuette
Francis Saint-Germain
Gagné Simons
Gerba Smith
Gignac Sorensen
Gold Woo
Harder Yussuff—41
Hartling

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Yussuff, appuyée par l’honorable sénateur Kutcher, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-31, Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Yussuff, avec l’appui de l’honorable sénateur Kutcher, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Maintenant.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Klyne
Black Kutcher
Boehm LaBoucane-Benson
Busson Loffreda
Clement Marwah
Cormier Massicotte
Cotter Mégie
Dalphond Miville-Dechêne
Dasko Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Omidvar
Deacon (Ontario) Pate
Dean Patterson
Duncan Petitclerc
Dupuis Quinn
Francis Richards
Furey Ringuette
Gagné Saint-Germain
Gerba Simons
Gignac Smith
Gold Sorensen
Harder Tannas
Hartling Woo
Jaffer Yussuff—46

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Carignan Plett
Housakos Seidman
MacDonald Wells—11
Manning

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

(1550)

Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Clement, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan,

Que le projet de loi C-5 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à la page 3, par adjonction, après la ligne 10, de ce qui suit :

« 13.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 718.3, de ce qui suit :

718.4 (1) Le tribunal peut infliger à l’accusé une peine autre que la peine minimale prévue pour l’infraction si, après examen de l’objectif essentiel et des principes énoncés aux articles 718 à 718.2, il est convaincu que des circonstances exceptionnelles le justifient.

(2) Le tribunal motive toute décision d’infliger une peine autre que la peine minimale prévue pour une infraction et inscrit ses motifs au dossier de l’instance. ».

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à propos du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Je tiens tout d’abord à remercier le premier ministre et le ministre Lametti d’avoir eu le courage de présenter le projet de loi C-5. Comme le ministre Lametti l’a dit au comité, ce projet de loi est un bon début. Je remercie aussi le parrain du projet de loi, le sénateur Gold. Sénateur Gold, j’ai vu tous les efforts que vous avez déployés dans ce dossier; je vous en remercie grandement. Je remercie aussi les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à l’étude de cette mesure importante. Sénateurs, nous avons entendu plus de 45 témoins et tenu beaucoup, beaucoup de réunions. Le greffier du comité, Mark Palmer, et les analystes Julian Walker et Michaela Keenan-Pelletier ont aussi travaillé très fort. Je les remercie.

Honorables sénateurs, aujourd’hui, mon discours portera sur l’amendement que la sénatrice Clement propose d’apporter au projet de loi C-5. Beaucoup d’intervenants l’ont déjà commenté avec éloquence, et je souscris à leurs observations. J’appuierai l’amendement et le projet de loi C-5.

Historiquement, nous savons que les juges appliquent les principes de détermination de la peine du Code criminel en suivant les précédents. Au milieu des années 1990, cette pratique a changé. Le gouvernement libéral a introduit des peines minimales obligatoires et a retiré aux juges leur pouvoir discrétionnaire sous prétexte de lutter contre la criminalité. Sous divers gouvernements, des décideurs ont ajouté d’autres peines minimales obligatoires, de sorte que plus de 70 peines minimales obligatoires sont maintenant inscrites dans la loi. Mon bureau a d’ailleurs constaté que, si nous comptons les paragraphes comme les tribunaux ont tendance à le faire, le nombre de peines minimales obligatoires est passé à 135.

En 2008, dans l’affaire R. c. Ferguson, la cour a maintenu un seuil strict pour invalider les peines minimales obligatoires et fermer la porte aux exemptions constitutionnelles. Dès lors, la seule façon d’abroger une peine minimale obligatoire était de l’invalider en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 au lieu d’utiliser le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne. Une étape cruciale, l’arrêt Ferguson, qui a récemment été confirmé dans l’arrêt Bissonnette, ouvrirait la voie à l’ensemble disparate et dysfonctionnel de peines minimales obligatoires dont nous sommes témoins aujourd’hui au Canada.

En 2015, dans l’affaire R. c. Nur, la Cour suprême a invalidé ses deuxième et troisième peines minimales obligatoires en près de 30 ans. Cet arrêt a été essentiel pour amorcer le changement qui est survenu dans tout le contexte des peines minimales obligatoires au Canada. Dans l’affaire R. c. Nur, la cour nous a rappelé que l’application de l’article 12 de la Charte canadienne comporte deux facettes.

Essentiellement, la Cour suprême a expliqué qu’un juge peut invalider une peine minimale obligatoire si elle est nettement démesurée par rapport à l’infraction, soit lorsqu’elle s’applique au cas dont on parle ou à des cas fictifs ou hypothétiques. Cela a été confirmé dans l’arrêt R. c. Lloyd en 2016, mais accompagné d’un avertissement. Dans la décision R. c. Lloyd, la Cour suprême a expliqué que si le Parlement ne prenait pas de mesures, les peines minimales obligatoires allaient bientôt disparaître. Au troisième paragraphe de la décision, la cour a écrit ceci :

Un autre moyen d’assurer la constitutionnalité d’une infraction qui ratisse large consiste à conférer au tribunal un pouvoir discrétionnaire résiduel qui lui permet de déterminer une peine juste et constitutionnelle dans des cas exceptionnels. Largement retenue à l’étranger, cette dernière solution établit un compromis entre le droit du Parlement d’arrêter la fourchette de peines qui convient pour une infraction et le droit constitutionnel de chacun à la protection contre les peines cruelles et inusitées.

Honorables sénateurs, c’est ce que demande l’amendement de la sénatrice Clement : des circonstances exceptionnelles.

La cour nous a demandé à nous, les parlementaires, de prendre des mesures pour offrir aux juges un pouvoir discrétionnaire accru pour garantir la stabilité du cadre actuel de justice pénale. Honorables sénateurs, nous n’avons pas écouté; nous n’avons pas pris de mesures.

Depuis l’affaire R. c. Lloyd, nous savons que les tribunaux ont invalidé bon nombre de peines minimales obligatoires dans l’ensemble des administrations du pays. Nous avons entendu parler de l’ensemble disparate de peines minimales obligatoires à l’échelle du pays. Outre les quatre peines minimales obligatoires invalidées par la Cour suprême, différentes peines minimales obligatoires sont en vigueur dans les provinces et les territoires, et certaines de ces administrations ont invalidé un plus grand nombre de ces peines que d’autres.

Honorables sénateurs, les peines minimales obligatoires sont un fouillis, et on s’attend à ce que bien d’autres de ces peines soient contestées en vertu de la Charte. Par exemple, parmi les contestations constitutionnelles du Code criminel, dont le nombre s’élevait à environ 650 en décembre 2021, le tiers d’entre elles portaient sur des peines minimales obligatoires. Rien ne nous porte à croire que les tribunaux agiront autrement. Ils continueront d’invalider des peines minimales obligatoires.

Les tribunaux canadiens exhortent sans cesse les politiciens comme nous à remédier au fouillis que nous avons créé. Parmi les 72 peines minimales obligatoires, 43 d’entre elles — j’ai bien dit 43 — ont été invalidées dans au moins une province. Parmi les 20 peines minimales obligatoires que le projet de loi C-5 vise à abolir, il s’en trouve certainement un bon nombre qui n’ont pas été contestées devant les tribunaux, et on devra encore composer avec l’ensemble disparate que j’ai mentionné, avec le fouillis que nous, les parlementaires, avons créé.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-5 ne réglera pas ces problèmes. Même si le projet de loi représente une étape vers l’harmonisation de la série de peines disparate, le ministre Lametti a affirmé à maintes reprises qu’il aurait aimé en faire plus. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il ne pouvait pas en faire plus, il a expliqué — et je comprends sa position — que nous ne pouvons pas viser la lune. Il a dit que le projet de loi C-5 est un bon premier pas.

Honorables sénateurs, les tribunaux canadiens continueront probablement à invalider des peines minimales obligatoires pour éviter des peines disproportionnées. La série de peines disparate n’en deviendra que plus déroutante. Dans sa décision récente sur l’affaire R. c. Sharma, la Cour suprême a réitéré son avertissement au paragraphe 244. La majorité a écrit ce qui suit :

L’adoption par le Parlement de sanctions plus sévères en général n’est pas le problème; le problème réside dans la façon dont il s’y prend pour le faire.

Honorables sénateurs, la façon dont nous nous y prenons n’est pas conforme à la Charte. Plutôt, nous avons refusé d’entendre les tribunaux et de voir les protections prévues dans la Constitution canadienne. Les tribunaux nous envoient un signal très clair que nous devons faire le ménage dans la série disparate de peines minimales obligatoires à l’échelle du Canada, mais nous avons fait la sourde oreille. Ne permettons pas que leur demande tombe encore une fois dans l’oreille d’un sourd. Soyons à l’écoute.

L’amendement de la sénatrice Clement répond à la demande des juges de modifier le Code criminel, tout en répondant aux préoccupations du gouvernement concernant l’élimination des peines obligatoires minimales restantes. Grâce à cet amendement, les juges pourront imposer des peines proportionnelles à l’infraction qui diffèrent des peines obligatoires minimales sans qu’on doive déclarer inconstitutionnelles les peines minimales obligatoires. Ainsi, les contrevenants n’auront pas à intenter de coûteuses contestations constitutionnelles pour faire valoir leurs droits.

Grâce à l’amendement de la sénatrice Clement, les juges pourront tenir compte des principes de détermination de la peine, des principes établis dans l’arrêt Gladue, qui prend en considération les circonstances particulières des Autochtones, ainsi que les circonstances pertinentes, le cas échéant.

(1600)

Honorables sénateurs, nous ne devrions pas forcer les juges à invalider des peines minimales obligatoires quand elles enfreignent l’article 12 de la Charte. Il incombe aux juges d’évaluer la situation des prévenus et de déterminer une peine convenable pour leur réadaptation. C’est comme cela que fonctionne notre système pénal depuis des centaines d’années. Par ailleurs, les délinquants qui commettent des crimes graves se feront imposer des peines sévères.

Honorables sénateurs, lors de mon arrivée au Sénat, on m’a appris que l’une des tâches de cette assemblée est de protéger les droits des minorités et des personnes vulnérables. Dans tous les projets de lois renvoyés au Sénat par la Chambre des communes, nous devons étudier le projet de loi pour déterminer s’il protège les droits des minorités et des personnes vulnérables. Cette mesure législative est essentielle pour protéger des droits fondamentaux. Elle nous permet d’être fidèles à notre rôle.

En 2015, beaucoup d’entre nous ont abandonné leurs allégeances politiques pour devenir des sénateurs indépendants. Nous pouvons maintenant être audacieux et penser librement. Alors, faisons-le.

Quand vous voterez sur l’amendement, je vous demande respectueusement de songer à votre rôle en tant que sénateurs. Comme l’a déjà affirmé le mahatma Gandhi, la véritable valeur d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables.

Merci.

L’honorable Kim Pate : Merci, Votre Honneur, et merci, sénatrice Jaffer. Merci à tous ceux qui ont contribué au débat, et un merci tout spécial à la sénatrice Clement d’avoir proposé un amendement important et nécessaire.

Honorables sénateurs, comme nous le savons, les objectifs du gouvernement avec le projet de loi C-5 sont de lutter contre le racisme systémique et la discrimination au sein de notre système de justice pénale ainsi que de réduire les taux d’incarcération chez les Autochtones et les Noirs du Canada. J’appuie ces objectifs louables. Toutefois, sans cet amendement, le projet de loi C-5, quoique ses aspirations soient prometteuses, ne va pas suffisamment loin et ne permet pas au gouvernement d’atteindre ses propres objectifs.

Lorsqu’il a présenté le projet de loi, le ministre Lametti a été sans équivoque :

[...] trop de délinquants à faible risque et de délinquants primaires, y compris un nombre disproportionné d’Autochtones et de Canadiens noirs, sont envoyés en prison en raison de lois qui ne dissuadent pas la criminalité et ne contribuent pas à assurer la sécurité de nos communautés. De concert avec d’autres efforts déployés par le gouvernement, ces réformes représentent une étape importante dans la lutte pour éradiquer le racisme systémique et assurer un système de justice plus efficace pour tous.

Malheureusement, ce projet de loi, sans cet amendement, ne donnera pas lieu aux réformes promises. Il ne fera qu’effleurer la surface. Nous ne pouvons progresser vers un système de justice plus juste et plus équitable tant et aussi longtemps que les peines minimales obligatoires ne seront pas abrogées. À tout le moins, nous devons rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges et permettre à ces derniers de tenir compte des circonstances justifiant une dérogation aux peines minimales obligatoires.

L’amendement proposé par la sénatrice Clement permettrait aux juges de faire leur travail et nous rapprocherait de l’éradication du racisme systémique.

Comme vous l’avez déjà entendu, la majorité des témoins, en particulier ceux représentant les communautés les plus touchées par le racisme systémique dans le système judiciaire, ont réclamé cet amendement pour corriger le projet de loi C-5.

Comme vient de le mentionner la sénatrice Jaffer, depuis que nous avons étudié le projet de loi au comité, la Cour suprême du Canada a envoyé un message clair au Parlement par la voie de sa décision dans l’affaire R. c. Sharma.

Comme l’a expliqué Jonathan Rudin, de Services juridiques autochtones :

Cette décision fait qu’il est encore plus important d’amender [...] le projet de loi C-5 pour corriger le plus de lacunes possible. La Cour a fait savoir clairement que la politique en matière de droit pénal repose maintenant presque entièrement entre les mains du Parlement. Il appartient donc au Parlement de trouver le courage de faire ce que la Commission de vérité et réconciliation lui a demandé en ce qui a trait à la réforme de la justice pénale.

L’appel à l’action no 32 de la Commission de vérité et réconciliation demandait d’abroger toutes les peines minimales obligatoires, ou du moins de permettre aux juges de déroger aux peines minimales obligatoires n’ayant pas été abrogées.

Comme l’ont également fait remarquer les anciens commissaires en chef de la Commission de vérité et réconciliation et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, sans cet amendement, le projet de loi C-5 empêche les juges de faire leur travail en leur interdisant d’appliquer l’alinéa 718.2e) du Code criminel, aussi connu comme les principes de l’arrêt Gladue, lorsqu’ils déterminent la peine d’Autochtones et d’autres personnes racialisées.

Honorables sénateurs, il est impératif de soutenir l’amendement de la sénatrice Clement, car il offre une occasion de contrecarrer la crise de la surreprésentation des personnes noires et autochtones dans le système pénal et du recours excessif à leur incarcération.

La prochaine occasion de modifier les peines minimales obligatoires pourrait ne pas se présenter avant de nombreuses années. Pendant ce temps, trop de personnes parmi les plus marginalisées et discriminées continueront de faire face à des peines disproportionnées et injustes.

Nous devons tenir compte des conseils de notre ancien collègue, l’honorable Murray Sinclair, ainsi que de ceux de la juge Marion Buller, de la cheffe nationale Archibald et de nombreux autres experts autochtones et noirs, qui nous ont exhortés à faire preuve de courage et à corriger les lacunes fondamentales du projet de loi C-5.

Cet amendement respecte l’engagement du gouvernement envers les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et la réforme de la justice pénale. Il est temps de corriger ce projet de loi au moyen de cet amendement.

Jonathan Rudin a expliqué clairement et éloquemment pourquoi attendre une autre mesure ne devrait même pas être considérée comme une option :

[A]ttendez. Que sont-ils censés attendre? [...] Nous avons déjà l’incarcération de masse. Nous ne pouvons pas attendre. [...] Nous devons cesser d’attendre et de prétendre que l’attente ne porte pas à conséquence, car ce n’est pas vrai. La raison pour laquelle nous, en tant que société au sens large, pouvons dire que nous pouvons attendre, c’est que nous ne subissions pas ces conséquences. Les communautés autochtones les subissent, elles. Les enfants autochtones en font les frais. Il est temps d’arrêter. Il est temps de faire ce que nous avons dit que nous allions faire lorsque la Commission de vérité et réconciliation a formulé ses recommandations. Le gouvernement et bon nombre de personnes ont accepté d’adopter les recommandations de la commission. Faisons-le enfin une fois pour toutes. Pour l’amour du ciel, il n’y a aucune raison d’attendre plus longtemps.

Contrairement à l’opinion plutôt isolée du président sortant de la section de droit pénal de l’Association du Barreau canadien, selon ses années d’expérience sur le terrain, M. Rudin est d’accord avec le sénateur Sinclair et bien d’autres personnes au sujet des nombreux avantages du pouvoir discrétionnaire des juges. Voici ce qu’il nous a dit : « Premièrement, [c’]est plus rapide que la contestation de la constitutionnalité d’une peine minimale obligatoire » sur une base individuelle tout en maintenant la loi pour le reste de la population. Et deuxièmement :

[...] les décisions des juges de première instance sont susceptibles [...] de faire l’objet d’un examen en appel. D’ici quelques années, nous aurions ainsi une solide jurisprudence sur les types de cas qui méritent le recours à une soupape de sécurité. L’introduction d’un amendement pour permettre aux juges d’avoir recours à une soupape de sécurité pour les autres peines minimales obligatoires —

 — non abrogées par le projet de loi C-5 —

 — est un pas en avant nécessaire et positif.

Je remercie les sénatrices Clement, Jaffer et Simons pour leurs explications si pertinentes et claires qui aident à comprendre comment et pourquoi les peines minimales obligatoires se traduisent par des sanctions discriminatoires touchant de façon disproportionnée les Autochtones et les personnes issues d’autres groupes racialisés.

Au cas où certains d’entre vous seraient encore perplexes, je me permets de vous faire part du témoignage d’Alain Bartleman, un représentant de l’Association du Barreau autochtone. Voici ses propos :

Les peines minimales obligatoires contribuent à cette crise en plaçant des personnes, surtout des personnes vulnérables, dans des situations où elles se sentent obligées de plaider coupable à des infractions moins graves afin d’éviter le spectre des peines minimales obligatoires, ou encore, à envisager la possibilité de lancer une série de contestations en vertu de l’article 12.

L’Association des femmes autochtones du Canada a abordé l’incidence que ce projet de loi aura sur la vie des femmes autochtones et leur famille. Je cite :

[...] lorsqu’un juge de première instance peut voir la femme autochtone qui comparaît devant lui comme une personne à part entière et tenir compte de toutes les circonstances pertinentes qui l’ont façonnée jusqu’à ce jour, c’est le genre de considérations sur lesquelles il peut légalement s’appuyer si les peines minimales obligatoires sont abrogées. Il peut adopter une approche globale à la détermination de la peine qui tient compte de façon significative des objectifs du Parlement au titre de l’alinéa 718.2e) pour réduire l’emprisonnement disproportionné en prenant en considération ces circonstances et en cherchant d’autres options que l’emprisonnement.

La témoin a ajouté que l’incidence directe de cet amendement sera « qu’il y aura moins de femmes autochtones incarcérées », s’il habilite immédiatement les juges à adopter une approche qui permette d’éviter l’emprisonnement.

(1610)

L’Association des femmes autochtones, la NWAC, accueille favorablement l’idée de mettre en place plus de mécanismes afin que les juges soient en mesure de tenir compte des antécédents des femmes autochtones d’une façon holistique. La NWAC nous a aussi encouragés à adopter l’amendement proposé dans le but de faire progresser la réconciliation. À son avis :

[...] le projet de loi et l’amendement permettront aux juges d’être des juges, de faire le travail que nous leur confions et de faire progresser la réconciliation dans les salles d’audience, une fois que le Parlement et le Sénat auront favorisé la réconciliation grâce à cet amendement.

Dans le mémoire qu’elle a soumis au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, l’honorable Marion Buller, première femme des Premières Nations à devenir juge en Colombie-Britannique et commissaire en chef de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, explique que le projet de loi C-5 aura pour effet d’empêcher les juges de respecter les dispositions sur la détermination de la peine contenues dans le Code criminel et de les forcer à ne pas appliquer ces dispositions conformément à leurs obligations légales.

Elle a aussi décrit l’effet de ces mesures sur les familles autochtones :

L’incarcération de femmes entraînant la séparation d’une mère et de son enfant enfreint les droits de l’enfant prévus par la Convention relative aux droits de l’enfant.

Les femmes, les enfants, les familles et les communautés autochtones ne peuvent plus attendre — les autres groupes marginalisés non plus, et ils ne devraient pas avoir à faire d’aussi grands sacrifices parce que nous n’avons pas le courage de faire ce qui s’impose, ce qui doit être fait.

Enfin, lorsque l’honorable Murray Sinclair a pris la parole pour exprimer son appui envers cet amendement devant le comité, il nous a aidés à comprendre comment les peines minimales obligatoires ont des effets particulièrement négatifs sur les communautés autochtones et pourquoi cet amendement est nécessaire pour répondre à l’appel à l’action 32 de la Commission de vérité et réconciliation. Il nous a rappelé que celle-ci :

[...] a demandé au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel afin de permettre aux juges de première instance, sur présentation de motifs, de déroger aux peines minimales obligatoires et aux restrictions relatives à l’utilisation des peines avec sursis [...] Cette recommandation a été largement soutenue par les organismes autochtones et noirs, les groupes de femmes et d’autres organismes experts. Les peines minimales obligatoires et les restrictions quant à l’utilisation des peines avec sursis sont utilisées plus fréquemment et de manière flagrante contre les peuples autochtones et racisés, et elles ont des effets beaucoup plus délétères sur ces groupes [...]

Il a ajouté :

J’exhorte le gouvernement à revenir sur sa décision et à mettre en œuvre l’appel à l’action 32 dans son intégralité. Nous devons laisser tomber les réponses simplistes, punitives et d’application universelle. Nous devons plutôt faire confiance à nos juges et leur permettre de faire le travail pour lequel ils ont été nommés.

Il a également expliqué précisément pourquoi il fallait à tout le moins apporter cet amendement, en disant :

Je pense qu’à défaut d’abroger toutes les dispositions relatives aux peines minimales obligatoires qui figurent actuellement dans le Code criminel, un autre amendement convenable serait de donner aux juges la compétence et le pouvoir de ne pas imposer de peines minimales obligatoires s’ils fournissent des motifs par écrit [...] Je préférerais qu’on adopte une telle approche plutôt que de chercher à apporter un amendement de fond ou à rejeter le projet de loi, car je suis persuadé qu’il y a lieu de le modifier et de le sauver si on y ajoute ce genre d’amendement.

Honorables collègues, il s’agit là non pas du point de vue d’une personne naïve ou incompétente, mais de la recommandation éclairée de l’auteur du même rapport auquel le gouvernement affirme donner suite avec le projet de loi C-5. Qui suis-je — et qui sommes-nous — pour remettre en question l’expertise et l’expérience du sénateur Sinclair en disant essentiellement qu’il a peut-être raison, mais que nous n’avons pas le courage d’aller jusque‑là?

C’est essentiellement pour cela que nous insistons. Nous refusons de laisser la peur nous empêcher de prendre des mesures audacieuses. N’allons pas commettre les mêmes erreurs que nos prédécesseurs en faisant fi des réalités entourant les pensionnats autochtones. Prenons au moins cette mesure pour remédier aux incarcérations massives qui font partie des conséquences des pensionnats autochtones.

Chers collègues, le choix aujourd’hui est simple. Est-ce que nous écoutons la majorité des témoins et des experts, ou est-ce que nous cédons à la peur? Faisons-nous preuve du courage auquel on s’attend de nous en prenant nos responsabilités pour tenter de corriger ce projet de loi, ou laissons-nous le fardeau à ceux qui supporteront le poids des conséquences que nous pourrions éviter? Aujourd’hui, chers collègues, voilà l’alternative.

J’espère que vous vous joindrez à nous alors que nous tentons, individuellement et collectivement, de corriger ce projet afin qu’il soit conforme à son objectif en appuyant cet amendement, qui constitue un petit pas dans la bonne direction. J’espère que vous voterez, tout comme nous, en faveur de cet amendement essentiel.

Meegwetch. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Merci, sénatrice Pate et sénatrice Jaffer, pour vos discours convaincants.

Certains craignent que cet amendement ne marque la fin des peines minimales obligatoires, et franchement, je ne suis pas sûr d’être prêt à aller aussi loin, même si je soupçonne que c’est un résultat que vous souhaitez, sénatrice Pate.

L’amendement comporte deux conditions : il doit y avoir des circonstances exceptionnelles et des raisons doivent être fournies. Mes questions sont les suivantes : est-ce un moyen d’éliminer les peines minimales obligatoires? Ou est-ce que les gens qui pensent que les peines minimales obligatoires appropriées ont encore leur place peuvent avoir l’assurance qu’un certain équilibre sera maintenu entre les deux conditions?

La sénatrice Pate : Je vous remercie d’avoir posé cette question très importante. L’amendement n’abrogera aucune peine minimale obligatoire qui ne l’est pas déjà par le projet de loi. Les autres peines minimales obligatoires seront maintenues. L’amendement ne fait que permettre à un juge, après avoir évalué toutes les circonstances, d’appliquer les principes de détermination de la peine et d’établir si, dans des circonstances exceptionnelles, il est approprié d’imposer autre chose que la peine minimale obligatoire. Il n’abroge donc pas des peines minimales obligatoires qui ne le seraient pas déjà par le projet de loi. Il les laisse en place. Comme le ministre Lametti et le sénateur Gold l’ont dit — et je suis de leur avis —, les juges vont probablement continuer d’imposer des peines plus sévères lorsque les circonstances le justifient. Merci.

Le sénateur Patterson : Merci.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, je voudrais d’entrée de jeu remercier la sénatrice Clement d’avoir pris le relais des sénatrices Jaffer et Pate, qui proposent depuis plusieurs années l’abolition des peines minimales obligatoires. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules à militer en ce sens.

Pour sa part, la Commission de vérité et réconciliation, présidée par notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair, a recommandé en 2015 de privilégier une option semblable à celle qu’a proposée la sénatrice Clement, étant donné que les peines minimales obligatoires donnaient lieu à une surreprésentation des Autochtones dans les prisons provinciales et fédérales.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dont faisait partie notre collègue la sénatrice Audette, a également lancé un appel en ce sens, en demandant aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et je cite :

[...] d’évaluer de manière approfondie les répercussions des peines minimales obligatoires en ce qui concerne les peines prononcées et l’incarcération excessive des femmes, des filles et des personnes autochtones [...] et de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier à leur incarcération excessive.

Le Caucus des parlementaires noirs, dont font partie les sénatrices Bernard, Clement, Gerba, Mégie et Moodie, recommande également l’abolition des peines minimales obligatoires, car il est d’avis que ces dernières ont donné lieu à une surreprésentation des groupes racisés dans les prisons et les pénitenciers. Cette position est aussi défendue par la Canadian Association of Black Lawyers.

Ce sont là des messages importants livrés par des personnes crédibles que tout gouvernement aurait tort d’ignorer.

En réponse, le gouvernement actuel a choisi d’agir non pas en abrogeant toutes les peines minimales obligatoires, mais en proposant trois mesures ciblées.

Je souligne au passage que nulle part, dans la lettre de mandat du premier ministre au ministre de la Justice, il n’est mentionné qu’il doit œuvrer à l’abrogation de toutes les peines minimales, mais qu’il doit plutôt réduire le recours à l’utilisation de ces peines et développer une stratégie de justice pour les Autochtones et une autre stratégie de justice pour les Canadiens de couleur.

Ces mesures ciblées, que le gouvernement a insérées dans le projet de loi C-5, sont les suivantes : premièrement, l’abolition de toutes les peines minimales obligatoires prévues par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui étaient d’un an, dix-huit mois, deux ans ou trois ans, selon la nature de l’infraction, dont plusieurs ont été déclarées inconstitutionnelles, soit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nur, soit par des arrêts des cours d’appel de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et du Québec.

La jurisprudence est cependant assez confuse pour ce qui est des cours supérieures et des cours provinciales, qui n’ont d’ailleurs pas le pouvoir de déclarer les dispositions inconstitutionnelles.

(1620)

Deuxièmement, on propose l’abolition d’une quinzaine de peines minimales prévues au Code criminel pour des infractions associées, selon les analyses du gouvernement, à une surreprésentation des personnes autochtones et noires dans les prisons et les pénitenciers.

Troisièmement, on propose l’abrogation de la plupart des exclusions du régime d’accès aux peines à purger dans la communauté, que l’on appelle aussi les peines d’emprisonnement avec sursis.

L’ensemble de ces mesures élargira manifestement les options disponibles pour les juges en matière de détermination de la peine, y compris la possibilité d’imposer des peines d’emprisonnement moins longues et davantage de peines à purger dans la collectivité. Selon les analyses du ministère de la Justice, cela devrait réduire considérablement le taux d’incarcération des personnes autochtones et noires déclarées coupables. Cependant, seule une expérience de plusieurs années pourra nous dire si tel est le cas.

[Traduction]

Au lieu de proposer d’éliminer toutes les peines minimales obligatoires, l’amendement à l’étude conserverait la majorité d’entre elles et ajouterait une disposition autorisant les juges à ne pas les imposer au cas par cas. Certains appellent une telle disposition une « soupape de sécurité », tandis que d’autres la qualifient d’« échappatoire ».

Au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, la sénatrice Pate a proposé une échappatoire qui aurait autorisé les juges à n’imposer aucune des peines minimales obligatoires restantes, y compris dans les cas de meurtres au premier et au deuxième degrés, si le juge estimait qu’agir ainsi serait dans l’intérêt de la justice. Il s’en est suivi un débat au cours duquel cet amendement a été rejeté par neuf voix contre quatre.

L’échappatoire dont nous sommes maintenant saisis est différente. Elle s’appliquerait seulement dans des circonstances exceptionnelles; la norme fixée est plus élevée. Comme l’a mentionné la sénatrice Clement, c’est le seuil fixé par les juges en Angleterre et au pays de Galles pour justifier l’imposition d’une peine d’emprisonnement moins longue que la peine minimale obligatoire applicable.

Au comité, un expert de renom en matière de détermination de la peine, le professeur Julian Roberts — un Canadien, en passant —, de l’Université d’Oxford, a dit de ce seuil qu’il était le plus élevé. Sachant cela, j’ajouterais que la Cour suprême du Canada considère maintenant qu’il est non seulement légal, mais légitime pour le Parlement d’étudier différentes solutions possibles concernant la politique de détermination de la peine et d’inscrire dans la loi des peines minimales obligatoires pour envoyer un message fort en matière de dissuasion et de dénonciation. Si on remonte jusqu’au premier ministre Pierre Trudeau, les gouvernements antérieurs ont tous créé des peines minimales obligatoires. Par contre, la cour a affirmé que, lorsque le Parlement met en place des peines minimales obligatoires, il doit le faire avec précaution afin d’éviter de ratisser trop large et d’enfreindre l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège tous les Canadiens contre les peines cruelles.

Récemment, dans l’arrêt Bissonnette, rendu en mai 2022, la Cour suprême est arrivée a la conclusion que les peines minimales obligatoires ne peuvent être considérées comme étant cruelles que si elles mènent à une peine grossièrement disproportionnée à la peine qui aurait été appropriée autrement. Cela dit, pour la Cour suprême, une peine minimale obligatoire de 25 ans pour un meurtre au premier degré ne constitue pas une peine cruelle.

Par ailleurs, dans l’arrêt Lloyd, une décision de la Cour suprême rendue en 2016, la juge en chef Beverley McLachlin a déclaré que pour éviter les contestations constitutionnelles des peines minimales obligatoires qui ratissent large, le Parlement devrait envisager de réduire leur portée afin qu’elles ne s’appliquent qu’aux délinquants qui les méritent. Elle a également indiqué qu’une autre possibilité s’offrant au Parlement serait de mettre en place un mécanisme qui permettrait aux juges d’exempter certains délinquants pour lesquels une peine minimale obligatoire constituerait une sanction cruelle. Plus loin, elle a ajouté que dans d’autres pays, ce pouvoir discrétionnaire résiduel se limite généralement à des cas exceptionnels pour lesquels les juges peuvent être tenus de fournir des motifs justifiant le fait de ne pas appliquer les peines minimales obligatoires prévues par la loi. C’est ce que propose maintenant la sénatrice Clement.

À la lumière de tout cela, j’aimerais expliquer pourquoi je ne peux pas appuyer cette nouvelle tentative d’instaurer une clause échappatoire dans le projet de loi C-5.

Premièrement, l’échappatoire proposée est rédigée de manière à s’appliquer à toutes les peines minimales obligatoires qui subsistent, y compris pour les meurtres au premier et au deuxième degré, la haute trahison, les crimes contre l’humanité, la conduite avec facultés affaiblies causant la mort et les infractions sexuelles contre des enfants. À mon avis, dans ces cas-là, les peines minimales obligatoires sont entièrement justifiées pour envoyer un message clair de dissuasion et de dénonciation.

Soit dit en passant, au Royaume-Uni, la clause échappatoire ne s’applique pas à tous les types de meurtres.

Ici, au Canada, en 2013, la section pénale de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, un groupe de travail qui comprend des procureurs, des avocats de la défense, des universitaires et d’autres personnes, n’a pas recommandé de supprimer les peines minimales obligatoires pour les meurtres. L’Association du Barreau canadien, qui a comparu devant notre comité sénatorial, ne l’a pas recommandé non plus. En adoptant l’amendement proposé — à supposer qu’il entre dans le cadre du projet de loi, ce dont je doute également pour les raisons évoquées par le sénateur Cotter mardi —, nous irons plus loin que n’importe quel pays dans le monde. Je ne suis pas prêt à le faire, et je ne pense pas qu’un tel changement refléterait les valeurs de la société canadienne.

Deuxièmement, l’opportunité d’ajouter une telle clause échappatoire à l’étape de la troisième lecture et de renvoyer ainsi le projet de loi C-5 à la Chambre des communes au lieu de l’envoyer à Rideau Hall pour la sanction royale repose sur l’hypothèse que la clause réduira considérablement la fréquence d’imposition de peines minimales obligatoires par les juges canadiens. Cependant, les arguments présentés au comité sénatorial indiquent le contraire. Dans une réponse écrite aux questions que j’ai posées au comité, le professeur Roberts a expliqué qu’en Angleterre, une telle clause échappatoire, en raison de son seuil très élevé, a été interprétée de façon étroite par les tribunaux d’Angleterre et du pays de Galles et utilisée par les juges chargés de la détermination de la peine dans un très petit nombre de cas seulement. Il ne s’agit donc pas d’une modification qui apportera beaucoup de changements significatifs.

Troisièmement, de nombreux témoins se sont opposés à l’adoption d’une disposition d’exception — quel que soit son contenu — parce qu’ils craignent que la discrimination systémique qui existe à l’égard des personnes racialisées, autochtones et vulnérables ne se traduise pas par une diminution du nombre de peines minimales obligatoires imposées à ces groupes par le système judiciaire. En fait, ils craignent qu’une telle clause échappatoire ait tendance à profiter aux délinquants blancs et à ceux qui ont un accès privilégié à la représentation juridique, ce qui entraînerait de nouvelles inégalités.

Cette préoccupation est logique si l’on part du principe que la surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées dans nos prisons est due à l’activité policière excessive, à la suraccusation, à un accès insuffisant à des avocats de la défense compétents et à la partialité du système judiciaire.

Quatrièmement, certains témoins ont souligné qu’au Canada, contrairement au Royaume-Uni où les juges n’ont pas le pouvoir constitutionnel de déclarer inconstitutionnelle une peine cruelle, nous avons l’article 12 de la Charte. Dans les cas où une peine minimale obligatoire peut entraîner une violation de l’article 12 ou de l’article 15 — le droit à l’égalité —, les juges canadiens peuvent la déclarer inconstitutionnelle et donc invalide. Cette invalidité s’appliquera à toutes les personnes exposées à cette peine minimale obligatoire, et non au cas par cas.

Comme il a été indiqué précédemment, pour éviter les contestations constitutionnelles, le Parlement a deux options : rédiger correctement les infractions et les peines individuelles ou ajouter une clause échappatoire applicable dans des circonstances exceptionnelles. Autrement dit, l’adoption de la clause échappatoire proposée offrirait une protection contre les poursuites en vertu de l’article 12 de la Charte des droits et pourrait inciter le Parlement à adopter davantage de peines minimales obligatoires, y compris la soupape de sécurité possible, ce qui est à l’opposé de l’objectif des partisans de l’amendement.

(1630)

Enfin, je tiens à souligner que le ministre de la Justice et le porte‑parole du NPD en matière de justice, M. Randall Garrison, ont demandé publiquement au Sénat d’adopter le projet de loi C-5 le plus rapidement possible, car il va immédiatement permettre aux juges d’imposer des peines avec sursis lorsqu’une telle peine est plus appropriée que l’emprisonnement dans une prison provinciale. La majorité des témoins qui se sont présentés devant notre comité appuient le fait d’élargir le pouvoir discrétionnaire des juges.

Par ailleurs, à la suite de la récente décision Sharma, la Criminal Lawyers’ Association, l’Association du Barreau canadien, l’Association des avocats noirs du Canada et de nombreux universitaires et autres parties prenantes nous ont écrit, notamment dans les médias sociaux, pour nous exhorter à adopter le projet de loi C-5 sans plus attendre. Compte tenu des motifs présentés pour justifier l’amendement, je ne vois pas pourquoi nous devrions faire la sourde oreille.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite à voter contre cet amendement. Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Pate souhaite poser une question. Il nous reste seulement une minute. Sénateur Dalphond, voudriez-vous répondre à une brève question?

Le sénateur Dalphond : Oui.

La sénatrice Pate : Je vous propose quelques énoncés, et vous me direz si vous êtes d’accord.

Dans l’arrêt Luxton, la Cour suprême du Canada a reconnu le caractère constitutionnel de la peine d’emprisonnement à perpétuité puisqu’un examen est possible au bout de 15 ans comme soupape de sécurité. Dans l’arrêt Bissonnette, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

Quoi qu’il en soit, [...] l’existence d’un pouvoir discrétionnaire ne saurait sauvegarder une disposition qui permet l’infliction d’une peine cruelle et inusitée par nature.

La Cour dit aussi qu’il faut faire preuve d’humanité dans la détermination de la peine. Elle ajoute même qu’une peine d’emprisonnement à perpétuité peut être problématique. Nous savons que la majorité des femmes autochtones incarcérées, qui représentent une femme sur deux dans les pénitenciers fédéraux, ont été inculpées pour des crimes violents, souvent un meurtre commis alors qu’elles se défendaient, après avoir été victimes d’actes de violence.

Êtes-vous d’accord pour dire que ce sont les faits?

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Dalphond, il ne vous reste que 15 secondes du temps de parole qui vous est accordé.

Le sénateur Dalphond : Il m’est impossible, en 10 secondes, de commenter la jurisprudence de la Cour suprême et de corriger les perceptions erronées des jugements.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Demandez-vous plus de temps?

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : Je demanderais aux sénateurs s’ils sont prêts à m’accorder cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, y a-t-il une entente au sujet des cinq minutes?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’ai entendu un « non ».

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole au sujet de l’amendement de la sénatrice Clement. Je me retrouve dans l’étrange position où je pourrais voter comme le leader du gouvernement sur un amendement, mais je vais demander pardon pour cette incartade ce soir.

Chers collègues, la version originale de cet amendement a été présentée au comité par la sénatrice Pate et elle n’incluait pas l’expression « circonstances exceptionnelles ». L’amendement de la sénatrice Pate aurait en fait annulé toutes les peines minimales obligatoires prévues dans le Code criminel.

L’amendement dont nous sommes saisis inclut l’expression « circonstances exceptionnelles », comme le fait l’article 311 de la Sentencing Act en Grande-Bretagne. Cela dit, je m’inquiète de l’application de cette disposition et je crains qu’elle ait en pratique le même effet que la version originale.

Si nous décidons d’utiliser la Grande-Bretagne comme modèle pour cette disposition, nous devons prendre en compte le contexte de son système juridique. Le sénateur Dalphond en a déjà parlé, du moins en partie. L’Angleterre et le pays de Galles ont aussi des peines d’emprisonnement à perpétuité pour les affaires les plus graves de meurtre. Ainsi, chers collègues, le Parlement britannique permet, dans certaines circonstances, qu’un juge ou même un ministre — un politicien — ordonne qu’une personne ne soit jamais admissible à une libération.

C’est toute une responsabilité pour un politicien.

C’est un système plutôt sévère qui s’écarte nettement de ce qui est considéré comme une pratique acceptable ou même constitutionnelle au Canada. Bref, si l’on veut mentionner certaines pratiques d’autres systèmes judiciaires démocratiques, on doit les examiner dans leur intégralité.

Les peines minimales obligatoires en vigueur au Canada ont été étudiées individuellement. La peine minimale a toujours été mise en place en fonction de la notion selon laquelle elle serait appropriée pour le délinquant le moins coupable ou dans les circonstances les plus exceptionnelles.

Comme l’a publié l’Institut Macdonald-Laurier dans son évaluation des peines minimales obligatoires :

Les peines minimales obligatoires reflètent la peine la plus clémente possible pour le délinquant le moins coupable. La politique qui sous-tend tout minimum à l’égard de la détermination de la peine est fonction de la réponse du Parlement à une question importante, à savoir : quelle peine serait appropriée pour la personne dont la culpabilité serait la moins contraire à la morale, mais dont le comportement correspondrait néanmoins aux éléments de l’infraction? Pour répondre à cette question, le Parlement doit effectuer une analyse nuancée et multidimensionnelle de la moralité du comportement en question.

C’est exactement ce qu’a fait le Parlement. Or, la proposition défait tout ce travail sans effectuer cette même analyse nuancée et multidimensionnelle. Ma préoccupation, c’est que cette approche risque d’avoir pour effet d’abolir complètement les peines minimales obligatoires, ce qui est l’objectif déclaré des partisans de cet amendement.

La supposition implicite, c’est que les tribunaux ont été indûment privés du pouvoir discrétionnaire des juges et que les paramètres minimaux établis par le Parlement pour certaines infractions criminelles sont inappropriés.

Certains ont mentionné le nombre de contestations constitutionnelles des peines minimales obligatoires comme si cela constituait, en soi, une mise en cause de ces peines. Je pense qu’il est utile pour nous d’examiner cette hypothèse.

Chers collègues, la simple tenue d’une contestation juridique ne signifie pas qu’une loi est illégitime. Il faut s’attendre à des contestations juridiques chaque fois que les avocats pensent qu’une telle contestation pourrait profiter à leur client. Toutefois, la simple existence d’une contestation ne signifie pas que les tribunaux soutiendront l’argument.

Évidemment, dans le cas des peines minimales obligatoires, si les avocats croient que de nombreux juges seront favorables à de tels arguments, ces peines seront contestées. Toutefois, il est clair que, si la Cour suprême du Canada a effectivement invalidé certaines dispositions relatives aux peines minimales obligatoires, elle n’a pas contesté le droit du Parlement d’imposer de telles peines. Le sénateur Dalphond l’a déjà mentionné dans son discours.

Dans l’arrêt R. c. Lloyd, la Cour suprême a déclaré :

[...] le législateur n’a pas l’obligation constitutionnelle de prévoir une exception à l’application d’une peine minimale obligatoire. Le législateur peut restreindre le pouvoir discrétionnaire du tribunal en matière de détermination de la peine. Restreindre le pouvoir discrétionnaire du tribunal est d’ailleurs l’un des objectifs principaux de l’établissement de peines minimales obligatoires, et cet objectif peut se révéler incompatible avec la création d’un mécanisme qui permettrait au tribunal d’écarter la peine minimale obligatoire dans certains cas. La question de savoir si le législateur devrait ou non prévoir un mécanisme permettant d’écarter l’infliction d’une peine minimale obligatoire et, dans l’affirmative, quelle forme ce mécanisme devrait revêtir, relève de la politique générale et du pouvoir exclusif du Parlement. Seuls la Constitution et, plus particulièrement, le droit garanti par la Charte d’être protégé contre les peines cruelles et inusitées limitent l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

La cour a fait remarquer que le Parlement pouvait réagir à certaines décisions des tribunaux concernant les peines minimales obligatoires, potentiellement en limitant leur portée afin qu’elles ne s’appliquent qu’aux contrevenants qui le méritent. Ce serait tout à fait acceptable si les mesures législatives élaborées en réponse à des décisions judiciaires reflétaient le dialogue entre le Parlement et le pouvoir judiciaire qu’on envisage à l’égard des mesures nécessaires à la protection de la société et des obligations qui peuvent exister par rapport à la Charte.

(1640)

Dans la publication de l’Institut Macdonald-Laurier, les auteurs disent ceci :

Ceux qui s’opposent aux peines minimales obligatoires ont tendance à se concentrer sur la façon dont ces dispositions législatives limitent la capacité des juges d’adapter la peine en fonction de la situation particulière du délinquant [...]

Les Canadiens doivent connaître les lois d’avance et adapter leur conduite en conséquence.

Cependant, sur le plan de la primauté du droit, il paraît évident, du moins, en théorie, que les peines minimales obligatoires devraient s’avérer efficaces lorsqu’il s’agit d’imposer des peines uniformes, équivalentes et proportionnelles aux délinquants déclarés coupables de la même infraction. Plutôt que d’empêcher un juge de déterminer une peine proportionnelle, la peine minimale obligatoire établit un cadre de détermination de la peine stable qui permet aux citoyens de comprendre d’avance la gravité des conséquences auxquelles ils s’exposent en commettant l’infraction visée, et ce, quel que soit le degré de responsabilité du délinquant dans une situation donnée.

Nombreux sont ceux qui ont invoqué le problème de la surreprésentation des Noirs et des Autochtones pour justifier l’abolition de ces peines. Or, nous savons que la surreprésentation est un problème social beaucoup plus complexe qui va bien au-delà des paramètres de la détermination de la peine.

L’inspecteur en chef David Bertrand, ainsi que les inspecteurs Michael Rowe et Rachel Huggins, qui ont témoigné devant le Comité des affaires juridiques, ont abordé la question de la surreprésentation dans le système correctionnel. Parmi les facteurs qui conduisent à un taux plus élevé de contacts avec la police et le système de justice pénale, ils ont nommé l’itinérance, l’abus de substances, la toxicomanie et les problèmes de santé mentale.

L’inspecteur Rowe a déclaré sans équivoque que la prévention doit être au premier plan et que :

Les peines minimales obligatoires attribuées à ces articles du Code criminel créent une condamnation juridique significative de la décision de prendre illégalement une arme à feu et reflètent la distinction importante entre les infractions impliquant des armes à feu et celles qui n’en impliquent pas.

Même si certaines personnes qui ont témoigné à propos du projet de loi C-5 étaient certainement d’avis que le gouvernement devrait abolir toutes les peines minimales obligatoires, il faut dire que le comité n’a étudié et pris en considération que la valeur d’infractions précises mentionnées dans ce projet de loi. Par exemple, Les mères contre l’alcool au volant et les responsables de l’application de la loi ont été appelés à parler de préoccupations très précises associées respectivement à la conduite avec facultés affaiblies et aux infractions liées aux armes à feu.

Dans le même ordre d’idée, nous devons entendre des témoignages pour et contre le bien-fondé de toutes les autres peines minimales obligatoires prévues dans le Code criminel avant d’envisager cette proposition radicale.

Honorables collègues, n’oublions pas quelles peines minimales obligatoires cet amendement met en jeu, à savoir le meurtre au premier degré; la haute trahison; le fait de vivre des produits de la prostitution juvénile, qui est passible d’une peine minimale de seulement cinq ans; la prise d’otage perpétrée avec une arme à feu, qui est passible d’une peine minimale obligatoire de quatre ans; et l’homicide involontaire causé par l’utilisation d’une arme à feu, qui est aussi passible d’une peine minimale de quatre ans. Il s’agit là de crimes graves, chers collègues.

Nous devons aussi nous rappeler que, au Canada, les peines minimales ne sont pas nécessairement purgées au complet derrière les barreaux. En effet, notre loi prévoit un processus de libération graduelle en fonction du comportement des délinquants dans les programmes de l’établissement ainsi que du risque qu’ils posent à la société, entre autres.

Par exemple, tout délinquant purgeant une peine d’une durée déterminée au Canada sera libéré sous surveillance obligatoire après avoir purgé les deux tiers de sa peine. De plus, ces délinquants sont habituellement admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé le tiers de leur peine, et à la semi-liberté, six mois avant cela. Cela signifie que même les rares délinquants qui pourraient se faire imposer une peine minimale obligatoire de cinq ans pour avoir vécu des produits de la prostitution juvénile, par exemple, seront libérés d’office 40 mois après le prononcé de leur peine, seront admissibles à la libération conditionnelle après 20 mois, et seront admissibles à la semi-liberté après seulement 14 mois.

De nombreux Canadiens considéreraient cette mesure comme extrêmement indulgente. Beaucoup, même, la considéreraient comme excessivement clémente. Je soutiens qu’il faut que le Parlement examine le bien-fondé de la libération automatique aux deux tiers de la peine, sans égard au comportement du délinquant en établissement, plutôt que nos peines minimales relativement modestes.

Les partisans de cette approche ont indiqué que 90 % des Canadiens souhaitent que le gouvernement envisage de donner aux juges la possibilité de ne pas imposer de peines minimales obligatoires. Je crois que si nous sommes honnêtes, la réalité est beaucoup plus nuancée à ce sujet. Dans les sondages, les résultats dépendent beaucoup de la façon dont une question est posée et des éléments d’information qui sont alors présentés. Je suis prêt à dire que peu de Canadiens s’opposeraient à des peines minimales obligatoires rigoureuses pour des infractions telles que les agressions sexuelles commises contre de jeunes enfants.

En 2012, le Toronto Star rapportait qu’un sondage de l’Institut Angus Reid avait révélé que 63 % des Canadiens croyaient que la peine de mort était une peine appropriée pour un meurtre. C’était en 2012, chers collègues. En 2016, un rapport préparé par Kari Glynes Elliott et Kyle Coady, de la Division de la recherche et des statistiques du ministère de la Justice, a révélé que :

[...] eu égard à certains types d’infractions, les Canadiens, les Britanniques et Américains se disent favorables, dans l’ensemble, à l’imposition de peines sévères, ou de peines minimales obligatoires dans les cas d’homicide [...]

La même source révèle également qu’au Canada, l’idée que les peines sont trop clémentes jouit d’un soutien de longue date.

Je crois donc, chers collègues, que si nous sommes honnêtes, nous reconnaîtrons que les preuves ne sont pas concluantes et qu’affirmer que la population n’appuie pas les peines sévères pour les crimes les plus odieux est plutôt trompeur.

Si l’amendement à l’étude représente une amélioration comparativement à la version présentée au comité, je crains que, en pratique, il risque d’avoir exactement le même effet.

Encore une fois, comme le dit le nom, une peine minimale représente justement un minimum, ce qui signifie qu’on l’a établie en ayant en tête le moins blâmable des délinquants reconnus coupables. Même s’il a été dit que la clause échappatoire au Royaume-Uni est rarement employée, le système judiciaire canadien est complètement différent, alors rien ne garantit que ce serait également le cas au Canada ou que cette disposition serait employée dans les mêmes circonstances.

Qui détermine ce qui est exceptionnel? Il s’agit d’une notion entièrement subjective. L’amendement aurait donc comme effet d’abolir le seuil inférieur de toutes les fourchettes des peines établies avec soin par le Parlement. C’est pour cette raison que cet amendement précis a été rejeté par le Comité de la justice de la Chambre des communes et, comme l’a souligné le sénateur Cotter, c’est probablement le même sort qui attendrait l’amendement si nous l’adoptions ici.

Si les sénateurs veulent qu’on examine les mérites des peines minimales pour certaines infractions en particulier, je crois que l’approche raisonnable serait de présenter un nouveau projet de loi. Nous pourrions recevoir des témoins et discuter des avantages et des inconvénients de ces peines en particulier. Or, ce n’est pas ce que nous avons fait, chers collègues. Les témoins que nous avons reçus ont parlé des peines visées dans le projet de loi C-5. C’est pourquoi je ne crois pas que nous soyons en mesure de tenir un débat éclairé sur la proposition à l’étude et encore moins de l’appuyer.

(1650)

Chers collègues, je voterai contre cet amendement et je vous encourage tous fortement à faire de même. Merci.

La sénatrice Pate : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett : Est-ce que j’ai le temps?

Son Honneur la Présidente intérimaire : C’est là la grande question.

La sénatrice Pate : J’ai écouté attentivement votre intervention, et j’ai quelques observations à faire, puis une question à vous poser.

Lorsque vous avez parlé du fait qu’on suggérait qu’il n’était pas nécessaire de créer des exemptions, vous avez en fait cité l’opinion dissidente émise dans l’affaire Lloyd. En fait, la majorité des juges était favorable à la création d’exemptions.

Vous avez également mentionné la surveillance obligatoire qui n’existe plus depuis plus de dix ans et qui a été remplacée par une disposition législative qui permet de faire une demande, mais qui ne garantit aucune libération.

Vous êtes certainement au courant des nombreux rapports du Bureau de l’enquêteur correctionnel qui indiquent qu’en fait, la plupart des détenus, notamment les Autochtones et les Noirs, ne sont pas remis en liberté à la date prévue. En fait, ceux qui purgent les peines les plus longues, notamment les peines d’emprisonnement à perpétuité, purgent parfois une peine 10 ou 20 fois supérieure à leur période d’admissibilité.

Toutefois, ma question est la suivante : dans le cas d’une femme victime de violence — ce qui est le cas de la majorité des femmes autochtones qui purgent des peines à perpétuité, car elles étaient dans l’obligation de se défendre en raison de la violence qu’elles subissent —, en raison des nombreux problèmes que vous et le sénateur Dalphond avez habilement soulevés au sujet de la discrimination systémique, il se peut qu’elles aient besoin de s’emparer d’une arme lorsqu’elles sont en train de se faire agresser. Ce type de situation entraîne l’imposition d’une peine minimale obligatoire, et dans la plupart des cas, une accusation de meurtre au premier degré.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question?

La sénatrice Pate : Oui. Lorsque la Couronne découvre qu’il y a des antécédents de violence, elle suggère le plus souvent à l’accusé de plaider coupable. Dans les situations où c’est une femme qui réagit à la violence, seriez-vous toujours d’avis qu’un juge ne devrait pas tenir compte de cette circonstance exceptionnelle?

Le sénateur Plett : Sénatrice Pate, la seule façon dont je peux répondre adéquatement à cette question est la suivante : la personne est assujettie aux mêmes lois, peu importe qu’elle soit Autochtone, Noire, Blanche ou d’une autre ethnie. Si elle a une bonne conduite en prison, elle sortira lorsqu’elle sera mise en liberté d’office.

Sénatrice Pate, vous ne pouvez pas me dire qu’un Autochtone incarcéré qui respecte toutes les règles sera traité différemment d’une autre personne en prison. Si vous laissez entendre, sénatrice Pate, que nous avons une loi pour les Autochtones et les Noirs et une autre loi pour les autres Canadiens, nous devrions alors nous pencher sur ce problème. Cependant, vous ne pouvez pas dire que nous devons laisser tout le monde s’en tirer facilement parce qu’une personne pourrait être laissée pour compte. Ce n’est pas ainsi qu’il faut gérer notre système de justice.

Je suis désolé si cela ne répond pas directement à votre question. Je crois fermement aux peines minimales obligatoires. Je crois fermement aux peines minimales obligatoires qui s’appliquent à tous les Canadiens et pas seulement à certains groupes.

La sénatrice Pate : Vous avez raison, vous n’avez pas répondu à la question. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui documente que 64 % des détenues dans les prisons de femmes à sécurité maximale sont des Autochtones. Le pourcentage est également plus élevé pour les hommes et les Noirs. Ils ont moins accès aux programmes et aux services.

Je vous le demande à nouveau : dans des circonstances exceptionnelles, ne seriez-vous pas d’accord pour dire que les personnes qui auraient été la victime si, un autre jour, elles s’étaient engagées dans un combat au corps à corps sans arme, que ces personnes auraient souvent fini par être tuées? Ne croyez-vous pas qu’elles méritent que ces circonstances soient jugées comme exceptionnelles? Je suis d’accord avec vous, quelle que soit la couleur. Cependant, il s’agit d’un enjeu particulier, car la discrimination systémique a une incidence sur les femmes autochtones et les femmes noires — celles qui ont le moins d’avantages et de soutien dans la société.

Le sénateur Plett : Je suppose que ma réponse à votre question est que j’ai de la sympathie pour toute personne qui se trouve dans la situation que vous décrivez. Mais est-ce que je crois qu’elle devrait être traitée différemment sur le plan juridique? Non, je suis désolé, je ne le crois pas.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Plett, je vous remercie d’avoir souligné dans votre discours différents exemples de peines minimales obligatoires pour certains crimes et le fait qu’elles sont relativement légères. Certains des exemples que vous avez donnés concernent des crimes très graves pour lesquels les peines minimales obligatoires n’étaient que d’environ quatre ans.

Je voulais aussi attirer l’attention du Sénat sur les crimes suivants et vous demander si vous êtes d’accord avec ce qui suit. Dans tout le débat sur cet amendement, il a été à peine question du fait qu’au Canada, la peine minimale obligatoire pour un meurtre au premier degré n’est que de 25 ans — avec possibilité de libération conditionnelle par la suite — et de seulement 10 ans pour un meurtre au deuxième degré.

Compte tenu du fait que les peines minimales obligatoires sont vraiment très légères par rapport à d’autres pays, les États-Unis par exemple, seriez-vous d’accord pour dire qu’il faudrait vraiment examiner la légèreté de ces peines minimales obligatoires lorsqu’il est question de leur maintien?

Le sénateur Plett : Oui, je suis entièrement d’accord. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Sommes-nous d’accord pour que la sonnerie retentisse pendant quinze minutes? Convoquez les sénateurs pour 17 h 12.

(1710)

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Clement, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Clement Miville-Dechêne
Cormier Omidvar
Duncan Pate
Francis Patterson
Gerba Petitclerc
Jaffer Quinn
Mégie Simons—14

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Loffreda
Batters MacDonald
Bellemare Manning
Boehm Marshall
Busson Martin
Carignan Marwah
Cotter Massicotte
Dalphond Moncion
Dasko Plett
Dean Richards
Dupuis Ringuette
Gagné Saint-Germain
Gignac Seidman
Gold Sorensen
Harder Tannas
Hartling Wells
Klyne Woo
Kutcher Yussuff—37
LaBoucane-Benson

ABSTENTION
L’honorable sénateur

Housakos—1

[Français]

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et substances. Le projet de loi vise notamment à éliminer une vingtaine de peines minimales du Code criminel, soit environ le tiers des peines minimales énoncées dans le code. Énoncer des peines minimales dans le Code criminel oblige les juges à condamner une personne reconnue coupable à une peine déterminée d’avance, sans tenir compte des circonstances particulières de la personne accusée et du contexte dans lequel l’infraction a été commise. Le principe de la discrétion accordée à un juge est mis à mal dans ces cas.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a récemment conclu son étude du projet de loi C-5, au cours de laquelle nous avons entendu de nombreux témoins qui nous ont priés d’appuyer ce projet de loi, qui vise notamment à éliminer un certain nombre de peines minimales du Code criminel. D’autres témoins, dont des groupes de femmes, nous ont avisés du fait que, premièrement, les femmes ne font pas confiance au système de justice, parce qu’elles n’y sont pas bien traitées.

(1720)

Deuxièmement, les femmes en ont assez d’être revictimisées dans le système de justice pénale à cause de leur sexe, de leur orientation de genre, de leur origine ethnique ou nationale, de leur couleur ou de leur race.

Troisièmement, les groupes de femmes n’arrivent pas à s’imposer en tant que parties prenantes pour soutenir les femmes dans ce système.

D’ailleurs, je vous invite à lire les transcriptions de la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d’aujourd’hui, où nous avons, encore une fois, entendu un groupe de femmes victimes de violence conjugale qui nous ont expliqué à quel point il fallait revoir tout le système judiciaire.

Chers collègues, il nous incombe de signifier à ces femmes que nous les avons écoutées, mais plus encore, que nous les avons entendues et que nous acceptons de contribuer à débusquer les éléments de la justice criminelle qui contribuent à exacerber la discrimination que subissent déjà les personnes et les groupes marginalisés dans notre société.

Je ne reprendrai pas les arguments que mes collègues ont déjà fait valoir, qu’ils soient pour ou contre ce projet de loi, ce pour quoi je les remercie. Leurs réflexions, ainsi que les témoignages entendus au comité, m’amènent plutôt à formuler une option qui permettrait au Sénat d’examiner, avec un second regard attentif, la question fondamentale pour notre société de la peine que devraient purger les personnes qui commettent des crimes.

Je suis d’avis que ce second regard attentif doit nous permettre de dépasser la rhétorique binaire qui prévaut trop souvent dans ce domaine, à savoir réduire la discussion au fait d’être « mou contre le crime » ou « dur contre le crime ». Il est temps que le langage de la virilité qui continue de prévaloir lorsqu’il est question de justice criminelle cesse d’être la référence quand il s’agit de définir la façon dont notre société considère les conséquences des actes criminels; « être mou » ou « être dur » doit cesser d’être la référence quand il s’agit de discuter des valeurs sur lesquelles repose et doit reposer la justice en matière criminelle.

Nous venons d’un monde où les femmes étaient exclues de la pratique du droit criminel, autant comme procureures de la Couronne que comme avocates de la défense, sous prétexte que la criminalité est un monde d’hommes. Dans ce monde, les femmes n’ont d’autre place que celle d’objets de la criminalité qui s’exerce littéralement sur leur dos. Le fait que des femmes soient devenues procureures de la Couronne dans un premier temps et avocates de la défense par la suite ne doit pas faire illusion.

Le Code criminel a été adopté en 1892. Les fondements des principes de détermination de la peine ont été formulés dans le but de refléter les valeurs de la société au XIXe siècle. Nous savons que la réalité a changé; c’est pourquoi ces fondements doivent être réexaminés en profondeur. Le Sénat est bien placé pour entreprendre cette révision et les adapter à la réalité du XXIe siècle. Non seulement notre nomination nous met à l’abri d’une défaite électorale, mais notre rôle est justement de porter un second regard attentif sur de telles questions.

Les gouvernements élus ont apporté des modifications à la pièce au fil des décennies, au gré des programmes politiques des différents gouvernements qui se sont succédé jusqu’à maintenant. Les gouvernements élus ont d’autres préoccupations et leur réélection à court terme ne les incite pas à se lancer dans des travaux d’une telle envergure. Le projet de loi C-5 en est l’illustration.

Je suis donc d’avis que c’est notre responsabilité de nous y engager. Je suis aussi d’avis qu’une étude exhaustive devrait être entreprise par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, afin d’actualiser les valeurs qui doivent sous‑tendre la question des peines à imposer en cas de violation du Code criminel. Selon moi, le Sénat devrait confier au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles le mandat de procéder à une étude exhaustive portant sur tout élément jugé pertinent, notamment sur les points qui suivent.

Premièrement, réviser les principes de détermination de la peine en matière criminelle et les valeurs qui les sous-tendent et réviser les plaidoyers de culpabilité en échange d’une accusation réduite, c’est-à-dire les tenants et aboutissants du système de négociation des peines. À qui profite ce système selon lequel le procureur ou la procureure de la Couronne et le procureur ou la procureure de la défense négocient et s’entendent pour qu’une personne accusée plaide coupable à une accusation réduite en échange d’une peine réduite? Qui a intérêt à maintenir un système opaque à une époque où l’on s’attend à une plus grande transparence dans le domaine public, y compris dans le domaine du droit public?

Deuxièmement, voir si la justice criminelle, qui vise le respect de la loi et le maintien de l’ordre social, est bien servie par ce système de négociation des peines.

Troisièmement, établir comment se reflètent les valeurs du système de justice criminelle dans le système carcéral, comme le principe de la réhabilitation.

Quatrièmement, voir quels enseignements nous pouvons tirer de l’expérience des 50 dernières années de psychiatrie légale, notamment au sujet de l’évaluation des risques d’un comportement criminel.

Cinquièmement, compiler les données désagrégées comparatives, notamment sur les groupes marginalisés qui sont actuellement condamnés, incarcérés, qui font l’objet d’ordonnances de sursis et qui bénéficient d’une libération conditionnelle.

Sixièmement, analyser les effets préjudiciables du système actuel de justice criminelle sur les groupes marginalisés de notre société, y compris la discrimination systémique intersectionnelle à laquelle ces groupes font face dans le système actuel de justice criminelle.

Enfin, septièmement, revoir les principes d’encadrement de la discrétion judiciaire en matière criminelle.

Chers collègues, certains d’entre vous ont connu le sénateur Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador. Il avait l’habitude de rappeler l’importance des rapports des comités sénatoriaux dans l’interprétation des lois que les tribunaux font de l’intention du législateur. Je ne saurais trop insister sur la valeur de la contribution des comités du Sénat à ce chapitre.

De plus, les travaux menés au sein des comités sont d’une utilité primordiale dans l’évolution des lois au Canada. Le cadre des travaux d’une étude par un comité du Sénat permet de faire un examen approfondi de questions très délicates pour notre société. C’est le cas de la question des peines en matière criminelle. C’est pourquoi j’invite le Sénat à mandater le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en ce sens. Merci.

[Traduction]

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends à nouveau la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5. Mon intervention ne vise pas à débattre des modifications proposées au Code criminel, mais plutôt à soulever une inquiétude bien précise qui m’habite à l’idée d’aller de l’avant avec le libellé actuel du projet de loi.

Durant les réunions du comité au sujet du projet de loi C-5, plusieurs témoins ont fait référence à l’arrêt R. c. Sharma, dont la Cour suprême a été saisie. Ils ont aussi souligné la pertinence de ce cas par rapport à ce projet de loi, surtout au chapitre des peines d’emprisonnement avec sursis. Le ministre Lametti a même qualifié l’arrêt Sharma de paradigmatique dans son témoignage.

Quand le sénateur Murray Sinclair, notre honorable ancien collègue, s’est exprimé au sujet du projet de loi C-5, on lui a demandé si, en ce qui concerne l’expansion des ordonnances de sursis, le projet de loi devait être adopté sans amendement. Il a répondu ceci :

D’ici à ce que le projet de loi fasse l’objet d’un débat en bonne et due forme ou d’un examen complet au Sénat, vous aurez peut-être une décision, comme dans l’arrêt Sharma, qui clarifiera un certain nombre de ces questions.

Le sénateur Sinclair avait raison de dire que nous aurions éventuellement une décision; c’est effectivement le cas. Nous devons prendre une décision qui porte directement sur le caractère approprié et constitutionnel de restreindre les ordonnances de sursis pour diverses infractions.

Pour les personnes qui ne sont pas au courant, l’arrêt Sharma porte sur Cheyenne Sharma, une femme autochtone de 20 ans qui était une mère célibataire au moment du crime. En 2015, elle avait du retard dans les paiements de son loyer et elle allait bientôt être jetée à la rue. Elle souffrait d’un traumatisme intergénérationnel et des séquelles d’une agression sexuelle. Elle ne pouvait compter sur aucune aide adéquate.

(1730)

Après avoir accepté de transporter deux kilos de cocaïne pour son petit ami en échange de 20 000 $, elle a été arrêtée à l’aéroport par la GRC. Elle est passée aux aveux.

Mme Sharma a plaidé coupable et a demandé une peine avec sursis. Comme le savent bon nombre de sénateurs, les peines avec sursis sont prévues à l’article 742.1 du Code criminel; elles permettent aux délinquants qui satisfont aux critères prévus dans la loi de purger leur peine dans leur collectivité sous surveillance, au lieu d’aller en prison.

En 2012, le Parlement a modifié le régime des peines avec sursis afin qu’elles ne puissent pas être offertes pour certaines infractions graves. Trois conditions préalables doivent être satisfaites pour qu’une peine avec sursis soit possible, l’une d’entre elles étant que le délinquant ne doit pas avoir été reconnu coupable de l’une des infractions figurant aux alinéas 742.1b) à f) du Code criminel.

Si les conditions préalables sont satisfaites, le tribunal doit évaluer si une peine avec sursis serait appropriée compte tenu de l’objectif et des principes fondamentaux de la détermination de la peine, particulièrement du principe Gladue, qui requiert :

e) l’examen, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones, de toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité.

Les modifications apportées au Code criminel en 2012 ont eu pour effet que Mme Sharma ne pouvait pas recevoir une peine avec sursis. En particulier, l’alinéa 742.1c) a fait en sorte qu’une peine avec sursis n’est jamais possible en cas d’infractions passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans ou d’emprisonnement à perpétuité, comme celle à laquelle Mme Sharma avait plaidé coupable.

Mme Sharma et son équipe ont intenté des contestations en vertu de la Charte, notamment concernant les articles 7 et 15. Le juge chargé de la détermination de la peine a rejeté les contestations et a imposé une peine d’emprisonnement de 18 mois. Lorsque Mme Sharma a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de l’Ontario, la majorité était d’accord avec elle pour dire que les articles en question avaient une portée excessive en vertu de l’article 7 de la Charte et qu’ils discriminaient contre les contrevenants autochtones en vertu de l’article 15.

La cour a invalidé la disposition et a condamné Mme Sharma à une peine égale au temps qu’elle avait déjà passé en prison. Cependant, la Cour suprême du Canada était en désaccord avec la Cour d’appel de l’Ontario concernant les articles en question, et elle a dit ceci :

Ils ne limitent pas les droits garantis à S par le par. 15(1) de la Charte; S n’a pas, comme elle était tenue de le faire à la première étape de l’analyse [...], démontré que les dispositions contestées créaient un effet disproportionné sur les délinquants autochtones par rapport aux délinquants non autochtones ou qu’elles contribuaient à un tel effet. Elles ne limitent pas non plus les droits garantis à S par l’art. 7 de la Charte. Elles visent à renforcer la cohérence du régime d’octroi du sursis à l’emprisonnement en faisant de l’emprisonnement la peine habituellement infligée pour certaines infractions et catégories d’infractions graves, et c’est bel et bien ce qu’elles font. Les peines maximales sont un indicateur raisonnable de la gravité de l’infraction, et, par conséquent, les dispositions en question ne privent pas les individus de leur liberté dans des circonstances qui n’ont aucun lien avec l’objectif visé.

Le ministre Lametti a expliqué la raison pour laquelle il a ciblé les ordonnances de sursis avec le projet de loi, en nommant précisément l’affaire Sharma et en utilisant fréquemment l’exemple de la mère autochtone qui fait du trafic de drogues pour nourrir sa famille. Pourtant, la Cour suprême du Canada a conclu que, même si la situation personnelle de l’accusé doit être prise en compte, la peine doit toujours correspondre à la gravité du crime et assurer une cohérence dans l’application de la loi. Elle a aussi conclu que les limites imposées par le Parlement au recours aux ordonnances de sursis sont bel et bien constitutionnelles.

Étant donné la genèse de cette mesure législative, les dispositions ciblées du Code criminel et la décision récente de la Cour suprême, je recommande, chers collègues, que le projet de loi soit étudié plus en profondeur par le comité — non pas pour ressasser les arguments de principe, mais précisément pour examiner les répercussions de cet arrêt sur le projet de loi.

Je n’ai nullement l’intention de retarder la tenue du vote final. Selon moi, le comité n’a pas besoin de plus de deux ou trois réunions pour discuter de l’incidence de l’arrêt Sharma. Le comité pourrait convoquer de nouveau le ministre, des fonctionnaires, des juristes et des constitutionnalistes afin de leur demander si l’arrêt a une incidence dont nous devrions tenir compte et, dans l’affirmative, comment corriger le projet de loi.

Comme l’a déclaré notre ancien collègue, l’honorable Murray Sinclair, cette décision nous éclairera sur de nombreuses questions au sujet de l’élargissement de la condamnation avec sursis. Pour beaucoup d’entre nous, l’arrêt Sharma soulève plus de questions qu’il offre de réponses en ce qui concerne le projet de loi.

Bien qu’il eût été préférable que l’arrêt soit rendu avant l’étude du comité, je nous considère chanceux d’avoir reçu cet éclairage de la Cour suprême avant un vote final.

L’arrêt a-t-il une incidence sur la constitutionnalité du projet de loi? Devrions-nous continuer à limiter les condamnations avec sursis pour les infractions graves afin d’en refléter la gravité et d’assurer une cohérence?

Compte tenu du poids que le ministre a accordé à l’affaire Sharma, qui est paradigmatique, le gouvernement a-t-il reconsidéré l’article en question? En tant que législateurs et en tant que Canadiens, nous avons le droit d’élucider ces questions avant la tenue d’un vote final.

Chers collègues, si nous allions de l’avant sans répondre à ces questions, nous renoncerions à notre obligation de procéder à un second examen objectif du projet de loi. C’est d’ailleurs précisément le rôle du Sénat.

Toutefois, honorables sénateurs, compte tenu du chevauchement des sujets et de l’importance que les témoins ont accordée à l’arrêt Sharma pendant l’étude au comité, je crois qu’il serait irresponsable d’aller de l’avant sans avoir au moins la possibilité d’entendre des experts constitutionnels.

Si le comité détermine qu’il n’y a pas de problème à aller de l’avant avec ce projet de loi, nous tiendrons certainement un vote à l’étape de la troisième lecture avant de suspendre nos travaux en décembre.

D’autre part, si le comité détecte un problème, nous déterminerons alors comment le résoudre et nous aurons fait notre travail de sénateurs. Il ne s’agit pas d’un vote contre le gouvernement et son projet de loi, chers collègues. Que ceux d’entre nous qui prétendent être indépendants gardent cela à l’esprit au moment de voter sur ce projet de loi avec tous les indépendants.

Je vous encourage à considérer notre rôle — c’est-à-dire votre rôle — comme Chambre de second examen objectif et à soutenir cet amendement.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ne soit pas maintenant lu pour une troisième fois, mais qu’il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude additionnelle.

[Français]

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs et sénatrices, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a étudié le projet de loi C-5 au cours de neuf réunions réparties sur cinq semaines. Il a entendu plus de 40 témoins et a reçu 13 mémoires. Il n’est pas nécessaire de le renvoyer à un comité. Cela entraînerait des retards inutiles alors que des experts juridiques nous exhortent à adopter ce projet de loi le plus rapidement possible.

Il est vrai qu’il y a eu beaucoup de litiges au cours des dernières années concernant les questions dont traite le projet de loi C-5, notamment quant aux peines avec sursis et aux peines minimales obligatoires. Certaines affaires ont été réglées, comme l’arrêt Sharma tout récemment; d’autres demeurent en cours.

(1740)

Cette abondante jurisprudence nous offre un contexte pertinent. Cependant, le projet de loi C-5 n’a jamais été conçu comme une réponse directe à l’arrêt Sharma ou à toute autre affaire. Le gouvernement ne l’a pas présenté comme tel à la Chambre des communes; moi, je ne l’ai certainement pas présenté de cette façon lorsque j’ai pris la parole à l’étape de la deuxième lecture. D’ailleurs, le ministre Lametti ne l’a pas présenté de cette façon non plus lorsqu’il a comparu devant le comité.

[Traduction]

Le projet de loi à l’étude n’a jamais été conçu comme une réponse à l’arrêt Sharma. C’est simplement un choix politique proposé par le gouvernement, et j’exhorte les sénateurs à l’adopter rapidement parce que c’est une bonne politique, voilà tout.

Voici quelques précisions à propos de l’affaire Sharma. Cheyenne Sharma était une mère autochtone de 20 ans qui a transporté de la drogue pour le compte de son petit-ami afin d’éviter que sa jeune fille et elle soient jetées à la rue. Elle a dû passer 17 mois en détention parce que la loi restreignait son accès à une peine d’emprisonnement avec sursis ou à une peine communautaire.

Comme l’a dit le sénateur Plett, en 2020, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que cette restriction était inconstitutionnelle. Par conséquent, depuis deux ans, les gens reconnus coupables d’infractions en Ontario ont un accès accru aux peines d’emprisonnement avec sursis.

Comme nous le savons, il y a deux semaines, la Cour suprême — à l’issue d’un vote serré de cinq voix contre quatre — a infirmé la décision de la cour ontarienne, concluant que la loi restreignant l’accès de Mme Sharma à une peine avec sursis était, en fin de compte, constitutionnellement acceptable. Cela ne signifie pas pour autant que c’était nécessaire sur le plan constitutionnel, ou approprié, et cela ne signifie certainement pas que c’était une bonne idée.

En fait, dans son jugement, la cour dit ceci : « Le Parlement a le pouvoir exclusif de légiférer pour élaborer une politique en matière de détermination de la peine. »

Autrement dit, la décision nous revient. En 2012, le Parlement a décidé de restreindre l’accès aux peines avec sursis. Aujourd’hui, 10 ans plus tard, nous pouvons choisir de l’accroître, et c’est ce que nous devrions faire.

[Français]

Pendant l’étude menée par le comité, de nombreux témoins ont fait valoir les avantages des peines avec sursis pour les personnes comme Cheyenne Sharma qui ne présentent pas de risque pour la sécurité publique. Nous avons entendu des témoins dire que les peines avec sursis sont importantes, notamment puisqu’elles donnent aux juges le pouvoir discrétionnaire de prévoir des peines appropriées pour les délinquants autochtones, noirs et les autres délinquants marginalisés. En outre, nous avons entendu dire que nous nous en porterons mieux, et que nous serons plus en sécurité, si nous tenons responsables les personnes qui enfreignent la loi sans les séparer inutilement de leur emploi, de leur éducation, de leur communauté et de leur famille.

[Traduction]

C’est pourquoi, chers collègues, dans les heures et les jours qui ont suivi la décision de la Cour suprême, de nombreux juristes et criminalistes ont placé leurs espoirs dans l’adoption rapide du projet de loi C-5. Selon Lisa Kerr, professeure de droit à l’Université Queen’s : « [...] l’adoption du projet de loi C-5 est maintenant devenue si importante [...] »

Mme Kerr a également déclaré ceci :

Les peines avec sursis sont cruciales pour intégrer les conceptions et les méthodes des Autochtones en matière de justice. Nous plaçons notre espoir dans le projet de loi C-5 pour ouvrir cette porte.

Theresa Donkor, avocate en droit criminel spécialisée dans la lutte contre le racisme anti-Noir, a déclaré : « Nous avons plus que jamais besoin que le projet de loi C-5 soit adopté. »

Voici la déclaration de la Criminal Lawyers’ Association :

La décision [de la Cour suprême] rendue aujourd’hui dans l’affaire R. c. Sharma montre l’importance du projet de loi C-5. Nous demandons [au Sénat] d’adopter rapidement le projet de loi C-5 afin que les juges aient de nouveau le pouvoir discrétionnaire d’élaborer des peines adaptées qui tiennent compte du #racismesystémique.

Comme le dit la section de droit pénal de l’Association du Barreau canadien :

[...] nous exhortons le Sénat à adopter le projet de loi C-5, et rapidement, afin de rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges d’imposer une peine avec sursis lorsque c’est approprié.

Chris Rudnicki, un avocat criminaliste qui enseigne à l’Université métropolitaine de Toronto, a déclaré ce qui suit :

Il est maintenant urgent d’adopter le projet de loi C-5, qui accomplira ce que nous avons essayé de faire, notamment dans l’affaire Sharma. Au boulot!

Janani Shanmuganathan, une avocate criminaliste que nous avons entendue au comité et qui est membre du conseil d’administration de la South Asian Bar Association of Toronto, a déclaré :

Le résultat de l’affaire Sharma est décevant pour bien des gens aujourd’hui, mais cela ne fait que rendre encore plus importante l’adoption du projet de loi C-5 [...]

Mme Shanmuganathan conclut en disant : « [...] je vous en prie, adoptez le projet de loi C-5, et ce, sans tarder. »

Honorables sénateurs, loin de justifier un délai supplémentaire, la décision récente de la Cour suprême ne fait qu’intensifier l’urgence d’adopter ce projet de loi. Nous n’avons pas besoin d’autres études. Nous devons débattre le projet de loi C-5, le mettre aux voix et faire en sorte qu’il devienne loi avec toute la diligence voulue. Merci, chers collègues.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, vous avez parlé du nombre de réunions que le Comité des affaires juridiques a consacrées au projet de loi C-5. Si je me souviens bien, vous avez d’ailleurs assisté à plusieurs d’entre elles.

Après toutes ces réunions du Comité des affaires juridiques au sujet du projet de loi C-5, la Cour suprême du Canada a rendu une décision très importante sur un élément majeur du projet de loi C-5, les peines avec sursis. C’est une situation plutôt rare. À mon souvenir, jamais, dans les neuf années que j’ai passées au Sénat et où j’ai siégé au Comité des affaires juridiques, une décision majeure a ainsi été rendue juste après que nous ayons étudié la même question en comité, mais avant que nous ayons l’occasion d’adopter le projet de loi.

Il semble que l’occasion soit parfaite pour tenir quelques réunions. D’ailleurs, sénateur Gold, lorsque le ministre Lametti a tenté de justifier au comité pourquoi il présentait le projet de loi C-5, il a justement invoqué ce scénario relativement à l’affaire Sharma, parmi d’autres motifs.

Puisque le gouvernement a affirmé que la surreprésentation observée des délinquants noirs et autochtones dans les prisons était l’une des principales raisons justifiant la présentation de ce projet de loi — vous avez donné différentes raisons —, pourquoi ne pas permettre au Comité des affaires juridiques de tenir deux ou trois réunions au sujet de ce projet de loi afin qu’il puisse poursuivre le travail entrepris au sujet des aspects relatifs à la Constititution établis si judicieusement par la Cour suprême?

Le sénateur Gold : Merci de votre question.

Bien que le Comité des affaires juridiques ait fait un travail exemplaire, je le répète : ce projet de loi n’est pas une réponse à l’arrêt Sharma. Ce projet de loi ne découle pas d’une demande de la Cour suprême de corriger une loi inconstitutionnelle.

Comme l’a dit le sénateur Plett dans un autre contexte, ce projet de loi est un exemple de la compétence exclusive du Parlement pour ce qui est de définir des politiques et d’adopter des lois encadrant le droit en général et la détermination des peines en particulier.

L’affaire Sharma illustre le problème que pose le fait qu’il soit difficile d’imposer des peines avec sursis. Qu’une mince majorité de juges de la Cour suprême — cinq contre quatre — ait confirmé sa constitutionnalité ne signifie pas pour autant que cette loi est judicieuse, convenable ou adaptée aux circonstances dans lesquelles se trouvent les personnes accusées de crimes.

Le fait de poursuivre notre débat et de mettre ce projet de loi aux voix pour qu’il soit adopté rapidement n’est pas un manquement à notre devoir de sénateurs. C’est ce que la majorité des témoins, même ceux qui voulaient que le projet de loi aille plus loin, nous demandent de faire. L’arrêt Sharma les a poussés à multiplier leurs demandes en ce sens. En adoptant ce projet de loi, en lui permettant d’obtenir la sanction royale et en donnant effet aux réformes que les députés élus et nous, sénateurs, avons dûment étudiées, nous agirons de façon responsable. Merci.

La sénatrice Batters : Sénateur Gold, vous avez dit deux fois que le projet de loi n’est pas une réponse à l’arrêt Sharma. C’est parce que l’arrêt Sharma n’avait pas encore été rendu par la Cour suprême du Canada lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi et lorsque le Comité des affaires juridiques l’a étudié.

Toutefois, étant donné que le projet de loi n’a pas encore été adopté — nous approchons de la fin —, c’est le moment idéal pour que le Comité des affaires juridiques organise quelques réunions et étudie le projet de loi C-5 dans ce contexte.

Je constate également, sénateur Gold, que vous avez parlé à deux reprises de la décision serrée à cinq contre quatre de la Cour suprême du Canada. Remettez-vous en question le jugement de la Cour suprême dans cette affaire?

Le sénateur Gold : Sénatrice Batters, je vais faire valoir seulement deux arguments. Premièrement, comme je l’ai déjà dit, le projet de loi C-5 est un choix politique du gouvernement dans l’exercice de sa compétence plénière en matière de droit pénal. La Cour suprême a souligné à maintes reprises le rôle du Parlement dans l’élaboration des principes d’établissement de la peine et dans le choix d’une peine appropriée. C’est exactement ce que fait le projet de loi C-5.

Sénatrice Batters, vous connaissez, comme le connaissent tous les sénateurs, le respect que j’éprouve pour la Cour suprême du Canada et pour ses jugements. Je souligne à quel point la décision a été serrée, car, en fait, les avis étaient très partagés dans un tribunal dont la composition a changé. Mais peu importe que je préfère la dissidence à la majorité, ce n’est pas important.

(1750)

Ce projet de loi n’était pas une réponse à une déclaration de constitutionnalité ou d’inconstitutionnalité, que ce soit dans Sharma ou toute autre affaire. Cela n’a jamais été la raison d’être de cette mesure législative.

La raison d’être de cette mesure législative était que les restrictions qui ont été imposées aux peines avec sursis par le gouvernement précédent non seulement se sont révélées inefficaces pour dissuader la criminalité et réduire la violence, mais, en fait, ont contribué à la surreprésentation de ces personnes, qu’elles soient autochtones, noires, marginalisées ou autre, pour qui une peine adaptée dans la collectivité aurait été plus appropriée. C’est pourquoi c’est une bonne politique et c’est pourquoi nous avons fait notre travail dans ce dossier.

Les membres du Comité des affaires juridiques, sous la présidence avisée de la sénatrice Jaffer, et tous ceux qui y ont contribué, peuvent être fiers du travail que nous avons accompli. Nous avons correctement étudié ce texte de loi de la manière dont il a été présenté et justifié devant nous. Il n’est pas nécessaire d’attendre davantage.

L’honorable Paula Simons : Sénateur Gold, je ne suis pas avocate, mais j’ai lu la décision Sharma, et j’ai vraiment été frappée par cette phrase, où la majorité dit :

En fin de compte, comme notre Cour l’a expliqué, le choix final ne repose pas sur les préférences des juges, mais sur l’intention collective exprimée par le Parlement en tant que représentant de l’électorat.

Ne pourrait-on pas dire que le projet de loi C-5 est la réponse parfaite à la décision Sharma, dans laquelle on dit que c’est le Parlement qui devrait décider des paramètres d’imposition des peines avec sursis? N’est-ce pas exactement ce que fait le projet de loi C-5?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, mais permettez-moi de vous répondre ainsi : le projet de loi C-5 illustre comment le Parlement répond à des décennies de jurisprudence des tribunaux soulignant la juridiction exclusive et le rôle du Parlement de légiférer dans de tels cas. C’est ce que fait ce projet de loi.

La sénatrice Simons : Le fait de le renvoyer au comité ne serait‑il pas la contrepartie de la réponse sensée à cette décision?

Le sénateur Gold : Je vous remercie une fois de plus de votre question. Je crois qu’il serait inutile et malavisé de le renvoyer au comité pour toutes les raisons que j’ai mentionnées.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : J’ai une courte intervention à faire sur l’amendement, en débat.

Je suis contre cet amendement, d’abord en raison de la façon dont il est rédigé. En effet, on nous l’a présenté comme une volonté de renvoyer la discussion au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour qu’il étudie l’effet de la décision Sharma.

Cependant, si vous lisez bien le texte de l’amendement — je ne sais pas si vous l’avez reçu —, vous constaterez que l’on dit qu’on veut que le projet de loi C-5 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles « pour étude additionnelle ».

Si je lis bien et si je comprends bien le français, cela veut dire qu’on va étudier n’importe quoi en se servant du prétexte du projet de loi C-5. Je pense que ce n’est pas une bonne idée, car cela risque de nous amener à examiner des sujets qui n’ont rien à voir avec le projet de loi C-5.

Il est question ici d’un projet de loi que nous avons étudié sérieusement. J’ai des collègues — dont certains qui se sont exprimés aujourd’hui et qui ont assisté aux réunions du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — qui doivent se rappeler qu’ils étaient là et que nous avons étudié ce projet de loi tout à fait sérieusement.

Enfin, pour être très claire — et c’est mon dernier commentaire —, la proposition d’amendement n’a rien à voir avec ce que j’ai proposé il y a quelques minutes ici aujourd’hui, soit de mandater le comité pour qu’il fasse une étude en profondeur des principes de détermination de la peine. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : En amendement, l’honorable sénateur Plett propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Batters :

Que le projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ne soit pas maintenant lu pour une troisième fois, mais qu’il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude additionnelle.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs pour un vote à 18 h 11.

(1810)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Plett, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Martin
Batters Plett
Carignan Quinn
Housakos Richards
MacDonald Seidman
Manning Wells—13
Marshall

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Klyne
Boehm Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Clement Loffreda
Cormier Marwah
Cotter Massicotte
Dalphond Mégie
Dasko Miville-Dechêne
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Pate
Duncan Patterson
Dupuis Petitclerc
Francis Saint-Germain
Gagné Simons
Gignac Sorensen
Gold Tannas
Harder Woo
Hartling Yussuff—37
Jaffer

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour m’opposer au projet de loi C-5, la mesure proposée par le gouvernement Trudeau visant à abroger certaines peines minimales obligatoires et à offrir des peines avec sursis pour certaines infractions. Ce projet de loi ne permettra pas d’atteindre l’objectif du gouvernement Trudeau, soit de réduire la surreprésentation des Noirs et des Autochtones dans le système carcéral. Au contraire, il mettra en danger les victimes d’actes criminels — en particulier les femmes victimes de violence familiale — en renvoyant les agresseurs, par le truchement de peines avec sursis, dans les collectivités où leurs victimes vivent dans la peur. Le projet de loi C-5 n’est qu’un exemple de plus de la propension du gouvernement Trudeau à préférer la parole à l’action.

Lorsque le ministre de la Justice, M. Lametti, a comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, il a présenté le projet de loi C-5 comme un projet de loi destiné à traiter, à titre d’exemple, « [...] une mère autochtone ayant trafiqué des drogues à très petite échelle pour nourrir sa famille ». L’idée était, bien sûr, que le projet de loi C-5 permettrait des condamnations avec sursis pour certaines infractions et supprimerait les peines minimales obligatoires pour d’autres afin que les juges aient plus de discrétion au niveau des peines les plus légères dans des cas comme celui-ci. Cependant, il y a tout juste deux semaines, la Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité des limites imposées par le Parlement aux condamnations avec sursis depuis 2012 et a conclu que, si les circonstances personnelles d’un délinquant doivent être prises en compte, elles ne réduisent pas la gravité de son crime.

Il est dommage que le Comité sénatorial des affaires juridiques, lors de son étude sur la question, n’ait pas eu l’occasion d’entendre plus de témoins pour connaître le point de vue de ceux qui représentent les victimes d’actes criminels. Nous n’avons même pas pu entendre le témoignage de Benjamin Roebuck, le nouvel ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels nommé par le gouvernement Trudeau. Même si M. Roebuck a été nommé le 24 octobre, comme il n’était pas encore entré officiellement en fonction au moment où nous voulions le faire témoigner, on ne l’a pas mis à notre disposition. Étant donné que le poste d’ombudsman des victimes est demeuré vacant pendant plus d’un an, cette situation en dit long sur l’absence totale de considération du gouvernement Trudeau à l’égard des victimes d’actes criminels.

Avec ce projet de loi, le gouvernement faussement féministe du premier ministre Trudeau trahit les femmes. En toute franchise, son analyse comparative entre les sexes plus au sujet du projet de loi C-5 est risible. Dans cette analyse, les femmes sont à peine mentionnées, et on ne dit rien du tout sur les femmes victimes de violence conjugale ni sur la façon dont ce projet de loi les affectera.

Nous avons entendu le discours du sénateur Klyne dans cette enceinte mardi soir, dans lequel il vantait les mérites des analyses comparatives entre les sexes plus. En effet, il a déclaré qu’elles peuvent « accroître la valeur des lois fédérales pour les femmes, y compris les femmes autochtones ». Or, ce n’est certainement pas le cas de l’analyse comparative entre les sexes réalisée dans le cadre du projet de loi C-5. En fait, ce projet de loi ne mentionne les femmes autochtones que deux fois, en disant que leur taux de victimisation avec violence est trois fois plus élevé que celui des femmes non autochtones. Même là, l’analyse ne fait aucune mention des violences commises envers les femmes autochtones par des partenaires intimes. Par exemple, nous savons que les femmes autochtones sont presque deux fois plus nombreuses que les femmes non autochtones à être victimes de violences sexuelles et physiques commises par un partenaire intime ou un membre de la famille. Nous savons également que les femmes autochtones sont plus souvent victimes de formes plus graves de violence conjugale, notamment de violence sexuelle, de violence armée, de coups et d’étranglement.

Pourtant, le projet de loi C-5 du gouvernement Trudeau prévoit des peines d’emprisonnement avec sursis pour les délinquants reconnus coupables d’infractions courantes dans les cas de violence entre partenaires intimes, notamment l’agression sexuelle, le harcèlement criminel et la présence illégale dans une maison d’habitation. Si ce projet de loi vise les femmes — notamment les femmes autochtones —, l’analyse comparative entre les sexes du gouvernement Trudeau devrait se pencher sur les répercussions réelles du projet de loi sur ce groupe, à moins, bien sûr, qu’il sache que cela ne peut être justifié. Or, je soupçonne que c’est ce qui se passe avec le projet de loi C-5.

(1820)

Le retrait des peines minimales obligatoires et l’ajout de la possibilité de peine avec sursis pour des crimes graves ne feront que créer plus de victimes parmi les femmes vulnérables en relâchant les agresseurs et les criminels dans la collectivité où habite et travaille leur victime. Ce projet de loi fait complètement fausse route.

Les ordonnances de sursis ne sont pas infaillibles. Il arrive même souvent que les délinquants brisent les conditions de ces ententes. Dans une étude au sujet des peines avec sursis menée en Colombie‑Britannique, la chercheuse Dawn North a découvert que le taux de bris dans trois collectivités était de 37,6 %.

Isabel Grant, professeure à la faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique, a publié une étude indiquant que les hommes coupables de harcèlement criminel à l’endroit de leur partenaire intime trouvent souvent une façon de contourner les ordonnances de non-communication avec leur victime. On peut lire ceci dans l’étude :

On se sert souvent des ordonnances [...] dans les affaires de harcèlement criminel, mais elles arrivent rarement à empêcher le harcèlement et sont parfois contre-productives.

Les criminels deviennent très habiles et apprennent comment contourner les limites fixées par le système de justice pénale et poursuivre leur harcèlement sans enfreindre la loi.

Il convient de souligner que le projet de loi C-5 permettra qu’une peine avec sursis soit accordée à quelqu’un reconnu coupable de bris de prison. Purger une peine de détention à domicile pour s’être évadé de prison, comme c’est ironique. Cela nous persuade-t-il que les délinquants respecteront toutes les contraintes de leur peine avec sursis? Absolument pas. Dans le cas des affaires de violence familiale, le terrible constat est que les conséquences pourraient être catastrophiques, voire mortelles.

La directrice exécutive du London Abused Women’s Centre, Jennifer Dunn, s’est exprimée en ces termes :

La libération conditionnelle n’empêche en rien un contrevenant de commettre un autre acte violent. Les femmes veulent que les tribunaux s’en rendent compte. Oui, les libérations conditionnelles sont assorties de conditions strictes. Or, rien ne garantit qu’elles seront respectées, ce qui peut mettre la vie d’une femme en péril.

Les victimes d’actes criminels, en particulier les femmes vulnérables victimes de violence familiale, vivent déjà dans la peur. Le projet de loi C-5 ne fera qu’aggraver la situation, car il augmentera considérablement la possibilité que l’agresseur d’une femme soit renvoyé dans sa collectivité, voire dans son propre quartier.

Penny McVicar, directrice exécutive de Victim Services of Brant, a expliqué au comité de la justice de la Chambre des communes que les femmes victimes d’abus vivent dans une peur constante :

Je vois déjà trop de victimes ne pas porter plainte à la police parce qu’elles trouvent que c’est un peu comme une porte tournante. Elles portent plainte à la police, le suspect est appréhendé, puis il est remis en liberté avant même que la victime ait eu le temps de mettre en œuvre un bon plan de sécurité.

Je rédige presque quotidiennement des lettres de demande de logement prioritaire pour les victimes qui essaient de se reloger et espèrent trouver un endroit sûr où elles peuvent vivre sans craindre que leur agresseur ne les trouve. Les refuges débordent parce que nous n’avons pas assez de places pour les femmes qui essaient de fuir des délinquants violents.

Éliminer les peines minimales obligatoires pour certaines infractions graves et permettre les peines avec sursis pour d’autres infractions aura pour effet de miner davantage la confiance qu’ont les victimes — et les Canadiens en général — envers le système de justice. En outre, le projet de loi C-5 fera en sorte que les victimes de violence entre partenaires intimes seront moins susceptibles de signaler les agressions si elles se reproduisent.

Le projet de loi C-5 n’aura que des conséquences néfastes sur les femmes, en particulier les femmes autochtones. Le fondement idéologique du projet de loi, qui est invoqué par le gouvernement Trudeau, est que les nouvelles dispositions nous permettront de réduire le taux d’incarcération des délinquants de race noire et des délinquants autochtones, qui est trop élevé.

Cependant, les deux témoins entendus par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles qui sont parmi les rares à nous avoir fourni des statistiques — la professeure de criminologie Cheryl Webster et la doctorante Dawn North, du Département de criminologie de l’Université d’Ottawa — nous ont appris que les mesures contenues dans le projet de loi C-5 n’aurait que peu d’effet pour réduire le taux d’incarcération des délinquants autochtones. Voici ce que la professeure Webster nous dit :

[...] les délinquants autochtones en général — et surtout les délinquantes autochtones — sont, somme toute, laissés pour compte. En d’autres mots, d’après les données provenant du Service correctionnel du Canada, c’est-à-dire du gouvernement lui-même, une plus faible proportion de Canadiens autochtones en général — et une proportion encore plus faible de Canadiennes autochtones — auront la possibilité de bénéficier du projet de loi.

La témoin Dawn North est d’accord, et elle dit ceci :

[...] les populations ciblées par le projet de loi C-5 ne vont pas bénéficier de ce texte législatif dans les mêmes proportions, en partie en raison des doutes quant à leur capacité à se conformer aux conditions très strictes associées à une ordonnance avec sursis usuelle, mais aussi parce que le soutien communautaire adéquat n’est pas accessible de façon uniforme.

Mme North a aussi parlé, dans son témoignage, des liens entre les manquements aux conditions des peines avec sursis et les délinquants autochtones :

D’après les recherches, même lorsque les ordonnances de sursis étaient facilement accessibles, les populations ou les délinquants autochtones n’en bénéficiaient pas de façon proportionnelle. Dans certains cas, ils en bénéficiaient, mais pas dans la même proportion que les autres délinquants. Certaines données laissent aussi entendre que les délinquants autochtones ont tendance à afficher des taux de manquement plus élevés, même lorsqu’ils obtiennent une peine avec sursis. Voilà qui devient, bien sûr, un problème puisque l’emprisonnement pour inobservation des conditions influe sur les taux d’incarcération en général.

Étonnamment, plusieurs des témoins que nous avons entendus au comité s’opposaient à toutes les peines minimales obligatoires pour des raisons idéologiques, sans fournir de données probantes pour soutenir leurs affirmations. Certains témoins voulaient éliminer complètement les peines minimales obligatoires, indépendamment de la gravité du crime.

Des témoins et des sénateurs ont même plaidé en faveur de l’abrogation des peines minimales obligatoires dans le cas des condamnations pour meurtre, comme nous l’avons vu, encore une fois, avec l’amendement de la sénatrice Clement cette semaine. Nous avons judicieusement rejeté cette mesure. Son adoption aurait été une énorme erreur, honorables sénateurs.

En raison de l’influence des nouvelles et des émissions de divertissement américaines, bien des gens ont l’impression que le système de justice canadien est beaucoup plus sévère qu’il ne l’est en réalité. Les peines canadiennes sont déjà beaucoup moins sévères que les peines américaines. Même les peines actuelles pour meurtre au Canada ne se comparent pas aux lourdes peines imposées aux États-Unis.

Au Canada, le meurtre au premier degré est passible d’une peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, et le meurtre au deuxième degré est automatiquement passible d’une peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans.

Le temps passé en détention révèle une autre différence importante entre le système canadien et le système américain. Au Canada, bon nombre de délinquants sont libérés après avoir purgé seulement le tiers de leur peine. Avec le système de libération d’office, ils sont presque tous libérés après avoir purgé les deux tiers de leur peine.

Les peines minimales obligatoires offrent plus de certitude et de prévisibilité à l’égard de la détermination de la peine. Alors que la moitié des Canadiens disent ne pas croire en l’équité du système de justice pénale, nous devons non pas diminuer, mais accroître la confiance des Canadiens dans le processus de détermination de la peine en ce qui a trait aux crimes graves.

Nous devons donner aux victimes d’actes criminels la sécurité dont elles ont besoin pour refaire leur vie sans craindre de rencontrer leur agresseur parce qu’il a été libéré sous condition dans sa collectivité.

Comme cela arrive très souvent, le gouvernement Trudeau a fait fausse route avec ce projet de loi. Il est tellement occupé à faire l’étalage de sa vertu qu’il a complètement raté la cible.

Le ministre Lametti dit qu’avec ce projet de loi, il compte réduire la surincarcération des délinquants noirs et autochtones. Cependant, les données probantes révèlent que le projet de loi C-5 aura peu d’incidence sur les délinquants noirs et n’en aura aucune sur les délinquants autochtones.

Ce genre de comportement est une habitude du gouvernement Trudeau. J’en ai été témoin lorsque j’ai essayé de convaincre le gouvernement de conserver le processus de récusation péremptoire des jurés prévu dans le projet de loi C-75.

De nombreux avocats de la défense ont dit au Comité sénatorial des affaires juridiques qu’ils se servent de la récusation péremptoire pour éliminer les jurés potentiellement racistes ou partiaux afin d’aider les personnes racisées qu’ils défendent. Pourtant, le gouvernement s’est entêté à vouloir la supprimer.

De même, dans le projet de loi C-46, le projet de loi sur la conduite avec facultés affaiblies du gouvernement Trudeau, le gouvernement a permis à la police de faire passer des tests d’alcoolémie aléatoires obligatoires à des conducteurs sans motifs raisonnables. Compte tenu des avertissements selon lesquels les tests aléatoires obligatoires pourraient accroître le profilage racial par la police, je me suis opposée à cette mesure et j’ai proposé un amendement visant à supprimer la disposition. Mon amendement a été adopté par le Comité sénatorial des affaires juridiques et le Sénat. Pourtant, le gouvernement libéral a maintenu de force cette disposition.

Cependant, le mois dernier, la Cour supérieure du Québec a statué que les contrôles routiers sans motif effectués par la police constituent une violation des droits garantis par la Charte.

Lorsqu’il s’agit d’agir dans le véritable intérêt des Canadiens noirs, autochtones et racisés, le gouvernement Trudeau ne manque jamais une occasion de manquer une occasion. On peut en dire autant de ses vaines et fausses platitudes féministes sur les questions qui tiennent vraiment à cœur aux femmes.

Chaque fois que le gouvernement fédéral a l’occasion d’apporter des améliorations, il opte plutôt pour une solution superficielle qui peut paraître bonne, mais qui est, au mieux, complètement inefficace et, au pire, dévastatrice. Le projet de loi C-5 en est un excellent exemple.

Le projet de loi ne fera à peu près rien pour réduire la surreprésentation des Noirs dans le système carcéral. Il n’aura même pas d’effet sur la surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral et, paradoxalement, il risque fort probablement d’empirer les choses.

Le projet de loi C-5 met à risque les victimes d’actes criminels, les victimes vulnérables de violence conjugale — la plupart étant des femmes —, et il les repousse dans les griffes du danger. Honorables sénateurs, si vous avez à cœur de remédier à ces problèmes, si vous avez à cœur le bien-être des femmes, la sécurité et une justice véritable, je vous supplie de voter contre ce projet de loi. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, avant de poursuivre, un vote était prévu à 18 h 11. Il avait été convenu de ne pas tenir compte de l’heure. Je n’ai pas posé la question. Pour des raisons de procédure, je demanderais donc maintenant ceci aux sénateurs : voulez-vous tenir compte de l’heure?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Merci. Nous poursuivons le débat.

[Français]

L’honorable Claude Carignan : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-5, qui porte le titre de Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

(1830)

Dans ce discours, je vais aborder deux mesures du projet de loi. La première est l’augmentation du nombre d’infractions permettant, en cas de condamnation, l’imposition de l’emprisonnement dans la collectivité; la seconde est l’abrogation de plusieurs peines minimales d’emprisonnement, y compris en matière d’infractions liées aux armes à feu et au trafic d’opioïdes.

Le projet de loi C-5 favorise le recours à l’emprisonnement dans la collectivité. S’il entre en vigueur, il permettra aux juges d’imposer à des personnes condamnées d’infractions très graves de purger leur peine d’emprisonnement à la maison plutôt qu’en prison.

En effet, le projet de loi C-5 propose d’abroger, entre autres, la règle actuelle inscrite à l’alinéa 742.1c) du Code criminel. Il s’agit de la disposition qui interdit le recours à l’emprisonnement avec sursis lorsque l’infraction comporte une peine maximale de 14 ans ou plus d’emprisonnement, mais pas de peine minimale d’emprisonnement.

Voici quelques exemples d’infractions visées par l’alinéa 742.1c) : les voies de fait graves contre un agent de la paix; le trafic de fentanyl; l’agression sexuelle mettant en danger la vie d’une personne de 16 ans ou plus, si cette agression n’est pas commise avec une arme à feu; l’incendie criminel d’un lieu dont l’accusé sait ou ne se soucie pas qu’il est habité; la conduite d’un véhicule d’une façon dangereuse pour le public et qui cause la mort.

Ces infractions sont intrinsèquement très graves. Il est donc très préoccupant pour la sécurité publique que le gouvernement ait cette volonté de permettre dans ces cas le recours à l’emprisonnement dans la collectivité.

Prenons l’exemple de l’infraction de conduite automobile avec les facultés affaiblies par l’alcool ou la drogue causant la mort, qui est aussi visée par l’alinéa 742.1c). La Cour suprême du Canada a insisté sur le danger que représente cette infraction pour la société. Dans l’arrêt R. c. Lacasse, rendu en 2015, la cour a rappelé ce qui suit à l’égard de cette infraction :

[...] des tribunaux de diverses régions du pays ont reconnu qu’il est nécessaire de privilégier les objectifs de dissuasion et de dénonciation afin de communiquer la réprobation de la société […]

Dans cet arrêt, la cour précise aussi ceci :

Bien que les objectifs de dissuasion et de dénonciation demeurent pertinents dans la plupart des cas, ils revêtent une importance particulière à l’égard d’infractions susceptibles d’être commises par des citoyens habituellement respectueux des lois. En effet, ce sont ces derniers, davantage que les multirécidivistes, qui sont sensibles à des peines sévères. Les infractions de conduite avec les capacités affaiblies en sont un exemple évident […]

En outre, l’arrêt indique ce qui suit :

Chaque année, l’ivresse au volant entraîne énormément de décès, de blessures, de peine et de destruction. Au plan numérique seulement, l’ivresse au volant a une plus grande incidence sur la société canadienne que tout autre crime. Du point de vue des décès et des blessures graves donnant lieu à l’hospitalisation, la conduite avec facultés affaiblies est de toute évidence le crime qui cause la plus grande perte sociale au pays.

Je crains que le projet de loi C-5, en permettant l’emprisonnement dans la collectivité pour une infraction aussi grave qu’est l’ivresse au volant causant la mort, envoie un message contraire à celui adressé par la Cour suprême aux tribunaux partout au pays. Le message de la cour est que ce type d’infraction doit être accompagné de peines qui reflètent le besoin de continuer à dénoncer et à dissuader vivement la commission d’une infraction qui fauche de nombreuses vies au Canada.

Comme je l’ai expliqué, le projet de loi C-5 permettrait l’emprisonnement dans la collectivité pour bien d’autres infractions graves. Je partage sur ce point l’inquiétude que l’inspecteur-chef David Bertrand, du Service de police de la Ville de Montréal, a exprimée devant le comité sénatorial, et je cite :

Quant à l’élargissement de l’admissibilité aux peines avec sursis pour une plus grande gamme d’infractions criminelles, cela risque d’engendrer des effets négatifs non seulement sur la confiance du public envers le système de justice, mais particulièrement sur les plaignants et les victimes qui désirent collaborer avec celui-ci. En diminuant les probabilités d’incarcération, les conséquences des actes commis sont moins apparentes et peuvent diminuer la volonté d’une victime de passer par tout le processus lorsqu’elle porte plainte.

Lorsqu’on pense que la dénonciation peut parfois éviter qu’un autre crime soit commis, il faut plutôt démontrer à la population notre réelle volonté d’assurer leur sécurité et notre volonté de punir le contrevenant en tenant compte de la gravité de son crime, et ce, particulièrement lorsqu’il est question d’infractions comme les agressions sexuelles et la traite de personnes, qui ont des conséquences graves et permanentes sur les victimes.

Pour toutes ces raisons, je suis en désaccord avec la mesure du projet de loi C-5 qui permet l’emprisonnement dans la collectivité pour de nombreuses infractions graves du Code criminel. Or, cette mesure du projet de loi C-5 visait à assurer la conformité au jugement R. c. Sharma de la Cour d’appel de l’Ontario. Me Jonathan Rudin l’a mentionné au Comité permanent de la justice et des droits de la personne dans le cadre de son témoignage à titre de représentant de la firme Aboriginal Legal Services, et je cite :

Comme le résumé législatif l’indique clairement, l’affaire Sharma est l’une des principales raisons pour lesquelles ce projet de loi a été présenté.

Cependant, cette raison ne tient plus aujourd’hui, car ce jugement de la Cour d’appel vient d’être infirmé par la Cour suprême du Canada, comme on l’a mentionné tout à l’heure. En effet, dans l’arrêt rendu le 4 novembre dernier, les cinq juges majoritaires ont jugé constitutionnelles deux des interdictions à l’emprisonnement avec sursis que propose d’abroger le projet de loi C-5. La première, dont j’ai parlé, apparaît à l’alinéa 742.1c) du Code criminel visant les infractions punissables d’une peine maximale de 14 ans ou plus. La seconde est le sous-alinéa 742.1e)(ii) qui interdit l’emprisonnement dans la collectivité pour des infractions passibles d’une peine maximale de 10 ans de prison et qui mettent en cause l’importation, l’exportation, le trafic ou la production de certaines drogues.

Dans cet arrêt, la Cour suprême a rappelé que ces deux dispositions avaient le même objectif. Elles faisaient partie d’un ensemble d’interdictions à l’emprisonnement avec sursis — créé par la Loi sur la sécurité des rues et des communautés et que propose d’abroger le projet de loi C-5 — qui visait à rendre plus clair et plus cohérent le régime de détermination de la peine.

Le jugement Sharma de la Cour suprême a conclu que les tribunaux doivent faire preuve de déférence envers le choix du Parlement d’interdire le recours à l’emprisonnement dans la collectivité pour des infractions graves. Je ne vois donc aucune raison justifiant la nécessité d’abroger cet ensemble actuel d’interdictions à l’emprisonnement dans la collectivité. Le fait de supprimer ces interdictions ne contribuera en rien à la sécurité du public, selon moi.

L’objectif de ces interdictions est clair, selon la Cour suprême, et je cite :

Elles visent à renforcer la cohérence du régime d’octroi du sursis à l’emprisonnement en faisant de l’emprisonnement la peine habituellement infligée pour certaines infractions [...]

C’est bel et bien ce qu’elles font. Les peines maximales sont un indicateur raisonnable de la gravité de l’infraction, et, par conséquent, les dispositions en question ne privent pas les individus de leur liberté dans des circonstances qui n’ont aucun lien avec l’objectif visé.

Or, dans le discours qu’il a prononcé la veille de la parution du jugement de la Cour suprême, le représentant du gouvernement au Sénat a dit ceci au sujet de l’affaire Sharma, et je cite :

La Cour suprême du Canada est saisie actuellement d’une affaire qui concerne une femme autochtone qui a aidé son conjoint à déplacer de la drogue sous contrainte, soit des menaces à elle et à sa fille. À l’heure actuelle, la loi prévoit que cette femme doit aller en prison; elle a fait valoir que le juge chargé de cette affaire devrait au moins avoir la possibilité d’imposer une peine avec sursis, et c’est exactement ce que le projet de loi C-5 permettrait de faire.

Toutefois, le jugement de la Cour suprême nous donne une autre perspective à laquelle j’adhère. Elle conclut que la Cour d’appel a confondu l’analyse de la gravité de l’infraction et celle de la situation du délinquant et des particularités du crime. La Cour suprême croit que la délinquante dans cette affaire, et je cite :

[...] a commis une infraction grave en important de la cocaïne, une réalité à laquelle sa culpabilité personnelle ou l’existence de circonstances atténuantes ne changent rien.

Les juges, en majorité, ont affirmé ce qui suit :

Nous acceptons sans réserve que les circonstances qui ont amené Mme Sharma à importer des drogues sont tragiques et que, de ce fait, sa culpabilité morale s’en trouve atténuée (ce qui s’est traduit par une peine de 18 mois plutôt que par la peine de 6 ans d’emprisonnement réclamée au départ par la Couronne).

(1840)

Cependant, ces faits ne rendent pas moins grave l’importation de cocaïne, surtout compte tenu de la quantité qu’elle transportait, a rappelé la Cour suprême.

La Cour suprême a ajouté que, bien que la crise relative à l’incarcération des Autochtones soit indéniable, il n’a pas été démontré dans l’affaire Sharma :

[...] les dispositions contestées créaient un effet disproportionné sur les délinquants autochtones par rapport aux délinquants non autochtones ou qu’elles contribuaient à un tel effet.

Je ne suis pas convaincu que cette preuve, jugée manquante par la Cour suprême, ait été faite dans le cadre de l’étude du projet de loi C-5.

En somme, je suis d’avis que le régime actuel d’interdiction de l’emprisonnement dans la collectivité, qui se fonde sur la gravité de la peine maximale de l’infraction, est un moyen légitime dont dispose le Parlement pour faire en sorte que des délinquants trouvés coupables de crimes graves ne purgent pas leur peine de prison à la maison.

Ainsi, je m’oppose au projet de loi C-5, qui déconstruit inutilement un régime cohérent d’interdictions mis en place pour protéger les Canadiens.

Passons maintenant à l’autre mesure du projet de loi C-5 dont je souhaite vous parler, c’est-à-dire l’abrogation de plusieurs peines minimales d’emprisonnement, dont les infractions en matière d’armes à feu.

Je m’y oppose, tout comme de nombreux Canadiens, y compris plusieurs corps policiers. C’est le cas, par exemple, de M. Pierre Brochet, président de l’Association des directeurs de police du Québec et directeur du Service de police de Laval.

Celui-ci a témoigné devant le comité de la Chambre des communes et a dit ce qui suit, et je cite :

En conclusion, l’ensemble des directeurs de police du Québec veut maintenir les peines minimales obligatoires pour les infractions reliées aux armes à feu.

De plus, comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, le 4 mai dernier, le gouvernement du Québec a demandé, dans une lettre adressée au gouvernement fédéral, de retirer du projet de loi C-5 l’abolition des peines minimales concernant les infractions liées aux armes à feu. Cette demande est tout à fait justifiée, étant donné l’urgence d’agir au Québec pour lutter contre les ravages de la criminalité associée à l’utilisation d’armes à feu illégales.

Dans l’arrêt Dallaire c. R. qu’elle a rendu tout récemment, soit le 21 octobre dernier, la Cour d’appel du Québec a décrit clairement ce contexte en affirmant ce qui suit, et je cite :

La société canadienne réprouve fortement l’usage des armes à feu possédées illégalement par les délinquants qui en font un usage illicite, dangereux et souvent meurtrier. Les événements récents qui ont eu cours au Québec, entre autres dans la région de Montréal, de Montréal-Nord, de Longueuil, de Laval et de Rivière-des-Prairies, confirment ce danger réel pour la sécurité des citoyens et la paix sociale. La possession illégale d’armes à feu et leur usage à des fins criminelles doivent être clairement dénoncés et sévèrement découragés par des peines plus sévères.

J’ai les mêmes préoccupations que M. Brian Sauvé, président de la Fédération de la police nationale, quant à l’abrogation des peines minimales en matière d’armes à feu proposée dans le projet de loi C-5. Celui-ci a dit ce qui suit devant le comité sénatorial, et je cite :

Le projet de loi C-5 supprime certaines peines minimales obligatoires liées au trafic d’armes et aux crimes commis avec des armes à feu. Cette mesure est incompatible avec l’intention exprimée par le gouvernement de réduire la violence armée.

Cette loi maintient des peines minimales obligatoires pour des infractions comme le trafic d’armes, la production d’armes à feu automatiques et le meurtre ou l’homicide involontaire commis avec une arme à feu. Cependant, la lutte contre l’activité criminelle exige des mesures énergiques contre les criminels qui menacent les communautés vulnérables, en particulier contre les activités criminelles qui financent les gangs et le crime organisé, et donne du pouvoir. Le projet de loi C-5 ne s’attaque malheureusement pas à ces problèmes, en particulier si l’on tient compte de l’augmentation du nombre d’infractions liées à des armes à feu au Canada.

En terminant, je m’oppose au fait que le projet de loi C-5 diminuera la sévérité des peines infligées en matière de trafic d’opioïdes, comme le fentanyl. En effet, le projet de loi C-5 abroge les peines minimales d’emprisonnement pour cette infraction, en plus d’autoriser l’emprisonnement dans la collectivité.

À mon avis, le fait de permettre aux juges de prononcer des peines plus clémentes n’aidera pas à dénoncer et à dissuader les délinquants de commettre cette infraction dangereuse. Les tragiques pertes humaines causées par le fléau des opioïdes sont expliquées dans le résumé législatif du projet de loi, qui dit ce qui suit, et je cite :

Entre janvier 2016 et juin 2021, environ 24 626 décès apparemment liés à une intoxication aux opioïdes sont survenus au Canada, et d’avril à juin 2021, on dénombre environ 19 décès par jour.

Je vous invite donc à voter contre ce projet de loi. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Gold propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Gagné, que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

[Traduction]

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie de 30 minutes?

Convoquez les sénateurs pour un vote à 19 h 17.

(1910)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Jaffer
Boehm Klyne
Boniface Kutcher
Busson LaBoucane-Benson
Clement Loffreda
Cormier Marwah
Cotter Mégie
Dalphond Miville-Dechêne
Deacon (Ontario) Moncion
Dean Pate
Duncan Petitclerc
Dupuis Quinn
Francis Saint-Germain
Gagné Simons
Gignac Sorensen
Gold Tannas
Harder Woo
Hartling Yussuff—36

CONTRE
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Carignan Plett
Housakos Seidman
MacDonald Wells—11
Manning

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Patterson Richards—2

(1920)

[Français]

Projet de loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2022

Autorisation à certains comités d’étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 15 novembre 2022, propose :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle :

1.conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier la teneur complète du projet de loi C-32, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022, déposé à la Chambre des communes le 4 novembre 2022, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

2.de plus, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit individuellement autorisé à examiner la teneur des éléments des sous-sections A et B de la section 3 de la partie 4 du projet de loi C-32;

3.le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 5 décembre 2022, et soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là;

4.les comités susmentionnés soient autorisés à se réunir pour les fins de leur examen de la teneur complète ou d’éléments spécifiques du projet de loi C-32, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et 12-18(2) du Règlement étant suspendue à cet égard;

5.le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à prendre en considération tout rapport déposé conformément au point numéro trois au cours de son examen de la teneur complète du projet de loi C-32.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorable sénateurs, avec le consentement du Sénat, et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence pour attendre l’annonce de la sanction royale, et que la sonnerie pour la convocation des sénateurs se fasse entendre pendant 10 minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La séance du Sénat est suspendue.)

[Français]

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

La sanction royale

Son Honneur la Présidente intérimaire informe le Sénat qu’elle a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 17 novembre 2022

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous aviser qu’au nom et à la demande de la très honorable Mary May Simon, gouverneure générale du Canada, Christine MacIntyre, suppléante de la gouverneure générale, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l’annexe de la présente lettre le 17 novembre 2022 à 19 h 36.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de ma haute considération.

Directeur, Bureau du secrétaire du gouverneur général,

Ryan McAdam

L’honorable

Le Président du Sénat

Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le jeudi 17 novembre 2022 :

Loi concernant des mesures d’allègement du coût de la vie relatives aux soins dentaires et au logement locatif (projet de loi C-31, chapitre 14, 2022)

Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (projet de loi C-5, chapitre 15, 2022)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 22 novembre 2022, à 14 heures.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est‑il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 20 h 7, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 22 novembre 2022, à 14 heures.)

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